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argument sans réplique à l'un des apophthegmes les plus accrédités du malin Figaro. Je n'ai pas besoin de vous dire que le verset réprouvé fut à l'instant supprimé; je ne dispute jamais avec le public. Si vous êtes curieux de savoir ce que je mis à la place du vers de Beaumarchais, que la musique de Rossini venait de faire siffler, je vous répondrai : Rien du tout. Le parterre est si content de voir que l'auteur a fait disparaître la phrase par lui condamnée, qu'il ne songe nullement aux équivalents destinés à la remplacer. L'assistance disait Quelle surprise! Bartholo, Basile dirent aussi : Quelle surprise! le versicule redoublé trouva sa rime en luimême, et tout le monde fut satisfait, puisque Almaviva n'était plus dégrisé musicalement.

Connaissez-vous le Barbier de Rossini ? disait-on à je ne sais quel bourgeois de Paris. - Connaissez-vous le Barbier de Rossini? Pas du tout; je ne vois même pas la nécessité de connaître ce barbier plutôt qu'un autre : je me fais la barbe moi-même. >>

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Une prima donna assolutissima de l'Opéra-Comique, très capable de chanter brillamment la partie de Rosine, avait choisi le Barbier de Séville pour une représentation que l'on devait donner à son bénéfice. Je connais toutes les traditions de ce rôle, lui dis-je, tous les traits inventés, les fioritures ajoutées par les grandes cantatrices italiennes, et s'il vous plaît de recevoir quelques conseils à cet égard, je suis à vos ordres. Pas nécessaire; soyez certain que je vais arranger tout cela pour le mieux. Fiez-vous à moi. Sans doute; mais pour le jeu de scène. Encore moins; je joue d'inspiration. Vous avez sans doute vu représenter il Barbiere par les Italiens. - Jamais. Et le Barbier de Séville au Théâtre-Français ?... Est-ce qu'on l'a traduit et mis en co

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médie? » 1835, historique!

Je vous ferais part des résultats, si la représentation projetée n'avait pas été retardée indéfiniment.

LA FOLLE JOURNÉE,

OU LE MARIAGE DE FIGARO.

BEAUMARCHAIS, 1784.

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Mambrou, Mabrou, Mambrun, Mambrin ou Mabrun, était un héros fantastique, dont les Mores de Grenade chantaient les aventures. Le Romancero de Duran fait mention d'une vieille chanson espagnole écrite sur ce sujet.

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Este es el Mambru, senores,
Que se canta del revez.

Ceci est le Mambrou, seigneurs,

Que l'on chante à rebours.

L'auteur d'un livre allemand intitulé Deux ans chez les Mores, ou le Renégat par contrainte, parlant du goût de ses hôtes pour la musique dit: - Ces braves gens, dans leur ignorance, se passionnaient pour toute espèce de chant. Dans leur répertoire, ils donnaient le premier rôle à la vieille chanson de Malbrough, ou de Mambrun, comme on l'appelle en Espagne; toute pierre monumentale dont on ignore l'ori gine, on dit aux étrangers que c'est le tombeau de Mambrun.» Il cite à cette occasion le premier vers de la chanson de Mambrun.

Mambrun se fué a la guerra.

«Par malheur, il s'en tient là, ne supposant pas que le moindre intérêt puisse s'attacher à ce qu'il regarde comme une traduction d'une chanson des rues du XVIIIe siècle, tandis que cette chanson de Mambrun ou de Mambrou, car c'est tout un, est peut-être l'original de notre Malbrou. Si elle

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n'en est l'original, elle peut du moins en être contemporaine,>> a dit M. F. Génin.

Don Quichotte, se coiffant du bassin de laiton qu'il vient d'enlever au barbier de village, croit avoir fait la conquête de el yelmo de Mambrino, l'armet de Mambrin. Rabelais ne manque pas de placer Mabrun parmi les ancêtres de Gargantua, de Pantagruel; il parle aussi de Matabrune, femme du roi Pierron de l'lle-Fort, et mère du prince Oriant.

Un poète arabe adresse une ode charmante à son cheval qu'il appelle Malbrouk.

Vous voyez à quel point ce Mambrun était devenu populaire; c'était une espèce de Croquemitaine, un Cadet Roussel chevaleresque, détroné sans doute par le héros de la Manche. La chanson de l'Homme armé, chanson de Roland, selon toute apparence, faisait le tour de l'Europe; inspirant aux guerriers de nobles actions, elle sonnait sur les champs de bataille. A ce drame sérieux, tragique même, il fallait une parodie, Mambrun la fournit, et n'eut pas moins de succès, de retentissement que le paladin français. N'avons-nous pas chanté les faits et gestes du seigneur de la Palisse?

La romance burlesque faite en 1566, ayant pour titre le Convoi du duc de Guise, fut ajustée sans peine sur la fable de ce Mambrou, Mabrou, que vous me permettrez d'appeler Malbrou. Si le cadre est le même dans la romance de 1566 et la chanson de 1782, ces deux pièces diffèrent entre elles par les détails et surtout par l'ordonnance des vers, qui ne s'accorde pas avec la mélodie de Malbrou. De légères altérations dans les paroles donneraient une conformité parfaite au dessin rhythmique des deux chansons.

Qui veut ouïr chanson? (Bis.)

C'est du grand duc de Guise,
Et bon, bon, bon, bon,
Di, dan, di, dan, bon,
C'est du grand duc de Guise,

(Parlé.) Qui est mort et enterré.

Qu'est mort et enterré. (Bis.)
Aux quatre coins du poële
Et bon, etc.

Aux quatre coins du poële

Quatre gentilhom's y avait. (Ter.)

Dont l'un portait son casque,...
Et l'aut' ses pistolets. (Ter.)

Et l'autre son épée,...

Qui tant d'hug'nots a tués. (Ter.)

Venait le quatrième,..........

Qui était le plus dolent. (Ter.)

Après venaient les pages,........
Et les valets de pied. (Ter.)

Avecques de grands crêpes,......
Et des souliés cirés. (Ter.)

Et de beaux bas d'estame,....
Et des culottes de piau. (Ter.)

La cérémonie faite,....
Chacun s'alla coucher. (Ter.)

Les uns avec leurs femmes,....

Et les autres tout seuls. (Ter.)

Si je veux ajuster à cette romance l'air de notre Malbrou, je suis forcé de prendre la romance à rebours et de dire:

C'est du grand duc de Guise,

Et bon, bon,

Di, dan, don,

Di, dan, daine,

C'est du grand duc de Guise,
Qui veut ouïr chanson? (Ter.)

C'est du grand duc de Guise,
Et bon, bon,

Di, dan, don,

Di, dan, daine,

C'est du grand duc de Guise,

Qu'est mort et enterré. (Ter.)

Ce détour nous a mis sur la bonne voie, tout ira bien jus

qu'à la fin. Est-ce un effet du hasard qui me force à déranger l'ordonnance des vers de l'ancienne chanson, pour les ajuster à l'air de la nouvelle, ou bien me suis-je conformé, sans y penser, à ce que nous dit le poète espagnol,

Este el Mambru, senores,
Que se canta del revez?

C'est ce que je ne puis vous dire. Il faut que je chante à rebours, afin d'arriver droit au but; la rencontre est du moins singulière.

Nos anciens faisaient des rhythmes et non des rimes; ils étaient trop sensibles au charme délicieux, à la puissante énergie de la cadence, pour que l'air du Malbrou de 1782 ait pu s'adapter à la romance de 1566. Cet air aurait effondré leur chanson. Ce n'est qu'au moyen d'une transposition de vers, incompatible avec le sens de la phrase, ou bien en commençant notre air par sa fin, que nous arriverions à le joindre sans effort aux paroles anciennes. Encore faudrait-il que la chute feminine mirontaine trouvât di, dan, daine, équivalent que je dois nécessairement substituer à di, dan, bon, cadence dure ou masculine, dont la mélodie ne saurait s'accommoder.

Le Convoi du duc de Guise, calqué probablement sur la vieille chanson espagnole, est le type bien avéré sur lequel on a fait les couplets de notre Malbrou. L'air ancien a pu fournir aussi quelques lambeaux de mélodie pour la fabrication du nouvel air, la conformité du rhythme semble le prouver. Mais au regard de la tonalité, du style, de la couleur du temps, Malbrou s'est modernisé vers le commencement du XVIIIe siècle : une musique jeune, ou du moins rajeunie, a servi de cortège aux nouvelles paroles.

Nous retrouverons un fragment de l'air de Malbrou dans le fameux chœur de Robin des Bois, Chasseur diligent, Weber l'a placé vers la fin de sa période, on le chante avec ces paroles:

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