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Vis-à-vis de sa violone,
Messire Æneas en personne,
Poudré, frisé, fardé, tondu:
Un riche habit bien étendu,

Augmentait fort sa bonne mine,
Il était de belle étamine,

Le manteau de drap de Sidon,
Présent de la dame Didon.

SCARRON, le Virgile travesti, Livre IV.

Messieurs, le comte est arrivé,
Mais pour donner de la pécune,
Il s'y connaît moins qu'Arrivey
Ne se connaissait à la lune.
C'est-à-dire que le rimeur,
Le violon et l'imprimeur,
N'auront ni débat ni mécompte;
Que si pour vivre à son plaisir,
Un homme doit trouver son compte,
Nous avons su fort mal choisir.

ADAM BILLAUT.

Il s'agit ici d'un ballet dont maître Adam avait fait les vers, sur le commandement d'un certain comte; lequel devait acquitter tous les frais de ce spectacle à son retour de la campagne, et se dispensa de payer le parolier, le musicien, et même l'imprimeur du livret.

Violon signifiait encore héritier, enfant. Il a laissé pour monument de sa mémoire quantité de violons de sa façon. » SOREL, Francion.

Le même auteur dit, dans le même ouvrage, à propos des bottes, dont il fait un éloge académique : C'est avec les bottes que l'on court le bénéfice qu'on va trafiquer, et qu'on va voir sa maîtresse. Aux braves hommes, c'est une nécessité d'en porter s'ils veulent paraître ce qu'ils sont, et à beaucoup d'autres s'ils veulent paraître ce qu'ils ne sont pas. Si l'on est vétu de noir, on vous prend pour un bourgeois; si l'on est vétu de couleur, on vous prend pour un joueur de violon ou pour un bateleur: spécialement si l'on a un bas de soie

de couleur différente; mais arrière toutes ces opinions quand on a des bottes qui viennent enrichir. Que personne au monde ne me blâme donc plus d'être botté, s'il ne veut paraître un esprit hétéroclite. >>

» Teile est en substance l'oraison démonstrative que Hortensius fit pour les bottes. Nous feignîmes de trouver tout cela fort excellent; et, la première fois que l'Escluse le vit, il lui présenta ces vers:

Les bottes sont en tel crédit,
Depuis qu'Hortense nous a dit
Combien leur chaussure est commode,
Que les plus mignons de nos dieux,
En veulent porter à la mode,

Pour montrer comme ils sont gentilshommes des cieux.

Le Destin se meurt de souci,
D'en avoir de peau de Roussy (1),
Laissant son antique savate,

Et le temps, qui marche si doux
Avec des pantoufles de natte,

Desire être botté tout de même que nous.

Poursuivant un dessein nouveau,

Qui s'est éclos en mon cerveau,
Je veux aussi donner des bottes
A chacun des pieds de mes vers;
Afin qu'ils se sauvent des crottes,
En courant le galop parmi cet univers.

En 1690, le parterre faisait la police de la salle en sifflant les spectateurs qui s'endormaient, en se permettant à leur égard toute sorte de niches, en forçant les hommes à montrer s'ils avaient des bras. C'est ainsi que l'on nommait les garnitures de dentelles qui devaient orner les manches de la chemise. Il est défendu à qui que ce soit, de paraître sans bras dans une loge où sont des femmes, cela déplaît au

(1) Cuir de Russie.

parterre, il l'a jugé contre la bienséance. Lorsqu'un homme s'y expose, il encourt la peine des sifflets, on lui crie: haut les bras! on l'oblige d'en faire l'exhibition, autrement il faut qu'il s'en aille. » DE GRAAF, Aventures secrètes, Paris, 1696, in12, page 233.

J'ai cité plusieurs fois dans le cours de cet ouvrage les écrits de La Viéville de Freneuse, antagoniste de l'abbé Raguenet; voici quelques renseignements peu connus sur ces deux champions, qui firent un grand bruit dans le monde musical avec de petits livres, au commencement du XVIIIe siècle.

-M. de Fontenelle n'était point parvenu à gouter la musique italienne autant que la française; mais il était assez porté à croire qu'il avait tort, et que la seule première habitude lui faisait prendre plus de plaisir à la musique française qu'à l'italienne. Il sentait d'une façon et jugeait de l'autre : peu de gens en ont eu la force. Il faut néanmoins l'avoir pour être philosophe; le sentiment est quelquefois aussi trompeur que les sens.

» La dispute sur les deux musiques avait commencé avec le siècle, par un petit ouvrage que l'abbé Raguenet avait composé à son retour d'Italie, et qu'il avait intitulé, Parallèle des Français et des Italiens au sujet de la musique et des opéras. M. de Fontenelle en avait été le censeur, et son nom ne fût-il pas au bas de l'approbation, on aurait pu le reconnaître, ou du moins le soupçonner, à la manière dont elle est tournée. -Je crois, dit-il, que ce parallèle sera bien reçu du public, pourvu qu'il soit capable d'équité. »

>> M. de Freneuse (Jean-Laurent Le Cerf de la Viéville), garde des sceaux du parlement de Normandie, écrivit contre l'ouvrage, l'auteur, l'approbateur, et plus tard contre M.Andry; qui, d'abord favorable au défenseur de la musique française dans le Journal des Savants, cessa de l'être lorsque l'abbé Raguenet eut répondu, et que M. de Freneuse eut répliqué. Je ne connais guère d'écrits plus vifs, plus amers et plus malins, que ceux que M. de Freneuse publia à cette occasion.

Il n'était pourtant qu'amateur et non artiste; mais il était amateur jusqu'à la passion. Extrême en tout, il aima l'étude avec la même ardeur, et c'est avec le même excès qu'il s'y livra; de là sa mort dans la fleur de son âge, trente-trois ans, 1707. M. de Fontenelle qui l'avait vu à Rouen, et depuis à Paris, m'a dit que si quelqu'un, par une vivacité et une sensibilité extrême, avait mérité le nom de fou, de fou complet, de fou par la tête et par le cœur, c'était ce M. de Freneuse. Mais comme la folie n'exclut que la raison et non l'esprit qu'elle supposerait plutôt, M. de Freneuse en avait beaucoup, et même tant, qu'il n'avait pas le sens commun. L'abbé Raguenet eut aussi son coin de folie, puisqu'il finit par se couper la gorge avec son rasoir. » TRUBLET, Mémoires pour servir à l'histoire de la vie et des ouvrages de M. de Fontenelle; in-12, Paris, 1761, page 167.

ESTHER, ATHALIE.

RACINE, 1689, 1691.

On supprime aujourd'hui les choeurs d'Athalie, en représentant cette superbe tragédie, et c'est pour l'auditoire autant de gagné. Des choeurs chantés arrivant après le dialogue parlé, qui doit bientôt leur succéder; ce mélange insupportable, monstrueux, de deux langages adoptés, de musique vocale et de simple diction, pouvait réussir autrefois; notre oreille à demi civilisée le repousse maintenant. Une tragédie parlée et chantée, fût-elle un chef-d'œuvre comme Athalie, n'en est pas moins une absurdité dramatique, une absurdité solennelle, tandis que nos opéras comiques, si chers aux épiciers (1), sont des stupidités du genre le plus niaisement barbare. D'ailleurs ces choeurs étant écrits en prose, ne peuvent point être musiqués. Du temps de Louis XIV, lorsque tout se chantait sur l'air des vêpres, on emmagasinait facilement la prose, rimée ou non, sous une psalmodie complai

:

(1) En 1783, pendant les assemblées où les magistrats se réunissaient pour discuter sur les réformes à faire dans la manière de rendre la justice, deux partis se formèrent les Zelanti, pleins d'ardeur et de zèle pour un ordre de choses meilleur, et les Épiciers, s'opposant de toute leur force à des changements qui les menaçaient de perdre leurs épices. On donnait ce nom au droit que les magistrats percevaient en argent pour le jugement d'un procès non plaidé, mais jugé sur pièces écrites. Ce droit s'acquittait jadis en nature; on offrait aux juges des épices, objets que leur rareté rendait alors précieux.

Tel est le sens figuré de ce mot épicier, devenu synonyme d'imbécile, ou, pour mieux dire, d'homme à vues étroites, courtes, vulgaires, ignobles. Chansonniers dramatiques, rimeurs de flonflons, suivez le cours de vos plaisanteries contre les épiciers; mais si vous craignez que le ridicule ne

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