Page images
PDF
EPUB

fallut qu'une campagne pour la foumettre : & ce Cambyfe cut tant de mépris pour les Egyptiens, qu'il tua leur dieu Apis en leur préfence. Ochus réduifit l'Egypte en province de fon royaume. Alexandre, Cefar, Augufte, le Calife Omar conquirent l'Egypte avec une égale facilité. Ces mêmes peuples de Colchos, fous le nom de Mammelucs, revinrent encore s'emparer de l'Egypte du temps des croifades; enfin Selim I conquit l'Egypte en une feule campagne, comme tous ceux qui s'y étaient préfentés. Il n'y a jamais eu que nos feuls croifés qui fe foient fait battre par ces Egyptiens, le plus lâche de tous les peuples, comme on l'a remarqué ailleurs ; mais c'eft qu'alors les Egyptiens étaient gouvernés par la milice des Mammelucs de Colchos.

Il eft vrai qu'un peuple humilié peut avoir été autrefois conquérant : témoins les Grecs & les Romains. Mais nous fommes plus fûrs de l'ancienne grandeur des Romains & des Grecs, que de celle de Séfoftris.

Je ne nie pas que celui qu'on appelle Sésoftris, n'ait pu avoir une guerre heureuse contre quelques Ethiopiens, quelques Arabes, quelques peuples de la Phénicie. Alors, dans le langage des exagérateurs, il aura conquis toute la terre. Il n'y a point de nation fubjuguée qui ne prétende en avoir autrefois fubjugué d'autres. La vaine gloire d'une ancienne fupériorité confole de l'humiliation présente.

Hérodote racontait ingénument aux Grecs ce que les Egyptiens lui avaient dit; mais comment, en ne lui parlant que de prodiges, ne lui dirent-ils rien des fameufes plaies d'Egypte, de ce combat magique

entre les forciers de Pharaon & le miniftre du Dieu des Juifs, & d'une armée entière engloutie au fond de la mer Rouge, fous les eaux élevées comme des montagnes à droite & à gauche, pour laiffer paffer les Hébreux; lefquelles en retombant submergèrent les Egyptiens? C'était affurément le plus grand événement dans l'hiftoire du monde: comment donc ni Hérodote, ni Manethon, ni Eratofthènes, ni aucun des Grecs fi grands amateurs du merveilleux, & toujours en correfpondance avec l'Egypte,n'ont-ils point parlé de ces miracles qui devaient occuper la mémoire de toutes les générations. Je ne fais pas affurément cette réflexion pour infirmer le témoignage des livres hébreux, que je révère comme je dois je me borne à m'étonner feulement du filence de tous les Egyptiens & de tous les Grecs. DIEU ne voulut pas fans doute qu'une histoire fi divine nous fût transmise par aucune main profane.

DE LA LANGUE DES

ET DE

LEURS

EGYPTIENS,

SYMBOLES.

Le langage des Egyptiens n'avait aucun rapport avec celui des nations de l'Afie. Vous ne trouvez chez ce peuple ni le mot d'Adoni ou d'Adonaï, ni de Bal ou Baal, termes qui fignifient le Seigneur ; ni de Mitra, qui était le foleil chez les Perfes; ni de Melch, qui fignifie roi en Syrie; ni de Shak, qui fignifie la même chofe chez les Indiens & chez les Perfans. Vous voyez au contraire que Pharao était le nom égyptien qui répond à roi. Oshiret (Ofiris) répondait au Mitra des Perfans; & le mot vulgaire On

fignifiait le foleil. Les prêtres perfans s'appelaient Mogh; ceux des Egyptiens Choen; au rapport de la Genèfe, chapitre 46. Les hieroglyphes, les caractères alphabétiques d'Egypte, que le temps a épargnés, & que nous voyons encore gravés fur les obélifques, n'ont aucun rapport à ceux des autres peuples.

Avant que les hommes euffent inventé les hieroglyphes, ils avaient indubitablement des fignes représentatifs; car en effet, qu'ont pu faire les premiers hommes, finon ce que nous fefons quand nous fommes à leur place? Qu'un enfant fe trouve dans un pays dont il ignore la langue, il parle par fignes; fi on ne l'entend pas, pour peu qu'il ait la moindre fagacité, il deffine fur un mur avec un charbon les chofes dont il a befoin.

On peignit donc d'abord groffièrement ce qu'on voulut faire entendre, & l'art de deffiner précéda fans doute l'art d'écrire. C'eft ainfi que les Mexicains & les Péruviens écrivaient; ils n'avaient pas pouffé l'art plus loin. Telle était la méthode de tous les premiers peuples policés. Avec le temps, on inventa les figures fymboliques deux mains entrelacées fignifièrent la paix ; des flèches repréfentèrent la guerre ; un œil fignifia la Divinité; un fceptre marqua la royauté; & des lignes qui joignaient ces figures exprimèrent des phrases courtes.

Les Chinois inventèrent enfin des caractères pour exprimer chaque mot de leur langue. Mais quel peuple inventa l'alphabet qui, en mettant fous yeux les différens fons qu'on peut articuler, donne la facilité de combiner par écrit tous les mots

les

1

'96 LANGUE ET

SYMBOLES

poffibles? Qui put ainfi apprendre aux hommes à graver fi aifément leurs penfées ? Je ne répéterai point ici tous les contes des anciens fur cet art qui éternife tous les arts; je dirai seulement qu'il a fallu bien des fiècles pour y arriver.

Les Choen, ou prêtres d'Egypte, continuèrent long-temps d'écrire en hieroglyphes; ce qui eft défendu par le fecond article de la loi des Hébreux: & quand les peuples d'Egypte eurent des caractères alphabétiques, les Choen en prirent de différens qu'ils appelèrent facrés, afin de mettre toujours une barrière entr'eux & le peuple. Les Mages, les Brames en ufaient de même, tant l'art de fe cacher aux hommes a femblé néceffaire pour les gouverner. Non-feulement ces Choen avaient des caractères qui n'appartenaient qu'à eux; mais ils avaient encore confervé l'ancienne langue de l'Egypte, quand le temps avait changé celle du vulgaire.

Manethon cité dans Eufebe, parle de deux colonnes gravées par Thaut, le premier Hermès, en caractères de la langue facrée : mais qui fait en quel temps vivait cet ancien Hermes? Il est très-vraisemblable qu'il vivait plus de huit cents ans avant le temps où l'on place Moife: car Sanchoniathon dit avoir lu les écrits de Thaut, faits, dit-il, il y a huit cents ans. Or Sanchoniathon écrivait en Phénicie, pays voifin de la petite contrée Cananéenne, mife à feu & à fang par Jofué, felon les livres juifs. S'il avait été contemporain de Moife, ou s'il était venu après lui, il aurait fans doute parlé d'un homme fi extraordinaire, & de fes prodiges épouvantables; il aurait rendu témoignage à ce fameux légiflateur Juif, & Eufebe

n'aurait

[ocr errors]

n'aurait pas manqué de fe prévaloir des aveux de Sanchoniathon.

Quoi qu'il en foit, les Egyptiens gardèrent furtout très-fcrupuleufement leurs premiers fymboles. C'est une chofe curieufe de voir fùr leurs monumens un ferpent qui fe mord la queue, figurant les douze mois de l'année; & ces douze mois exprimés chacun par des animaux, qui ne font pas abfolument ceux du Zodiaque que nous connaiffons. On voit encore les cinq jours ajoutés depuis aux douze mois, fous la forme d'un petit ferpent fur lequel cinq figures font affifes: c'eft un Epervier, un Homme, un Chien, un Lion & un Ibis. On les voit deffinés dans Kirker, d'après des monumens confervés à Rome. Ainfi prefque tout eft fymbole & allégorie dans l'antiquité.

DES

MONUMENS DES EGYPTIENS.

IL eft certain qu'après les fiècles où les Egyptiens fertilifèrent le fol par les faignées du fleuye, après les temps où les villages commencèrent à être changés en villes opulentes; alors, les arts néceffaires étant perfectionnés, les arts d'oftentation commencèrent à être en honneur. Alors il fe trouva des fouverains qui employèrent leurs fujets & quelques Arabes voifins du lac Sirbon, à bâtir leurs palais, & leurs tombeaux en pyramides, à tailler des pierres énormes dans les carrières de la haute Egypte, à les embarquer fur des radeaux jufqu'à Memphis, à élever fur des colonnes maffives de grandes pierres plates, fans goût & fans proportions. Ils connurent le grand, Effai fur les mœurs, &c. Tome I.

G

&

« PreviousContinue »