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des yeux de perdrix. Ils reffemblent aux Lappons par la taille, à aucune nation par la tête, puifqu'ils ont une autre chevelure, d'autres yeux, d'autres oreilles : & ils n'ont d'homme que la ftature du corps, avec la faculté de la parole & de la pensée dans un degré très-éloigné du nôtre. Tels font ceux que j'ai vus & examinés. (2)

Le tablier que la nature a donné aux Cafres, & dont la peau lâche & molle tombe du nombril fur les cuiffes; le mamelon noir des femmes Samoyedes; - la barbe des hommes de notre continent, & le menton toujours imberbe des Américains, font des différences fi marquées, qu'il n'eft guère poffible d'imaginer que les uns & les autres ne foient pas des races différentes.

Au refte, fi l'on demande d'où font venus les Américains, il faut auffi demander d'où font venus les habitans des terres Auftrales; & l'on a déjà répondu que la Providence qui a mis des hommes dans la Norvège, en a planté auffi en Amérique & fous le cercle polaire méridional, comme elle planté des arbres & fait croître de l'herbe,

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Plufieurs favans ont foupçonné que quelques races d'hommes, ou d'animaux approchans de l'homme, ont péri; les Albinos font en fi petit nombre, fi faibles, & fi maltraités par les Nègres, qu'il eft à craindre que cette efpèce ne fubfifte pas encore long-temps.

(2) Voyez dans l'hiftoire naturelle de M. de Buffon (fupplément, T. IV, P. 559 édition du Louvre) la defcription d'une Négreffe blanche, amenée en France & née dans nos îles de père & mère noirs. Au reite, ce dernier fait n'eft prouvé que par des certificats dont l'autorité, très-respectable dans les tribunaux l'eft très-peu en phyfique,

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Il eft parlé de Satyres dans prefque tous les auteurs anciens. Je ne vois pas que leur exiftence foit impoffible; on étouffe encore en Calabre quelques monftres mis au monde par des femmes. Il n'eft pas improbable que dans les pays chauds, des finges aient fubjugué des filles. Hérodote au livre II, dit que pendant fon voyage en Egypte, il y eut une femme qui s'accoupla publiquement avec un bouc dans la province de Mendès; & il appelle toute l'Egypte en témoignage. Il est défendu dans le Lévitique, au chap. XVII, de s'unir avec les boucs & avec les chèvres. Il faut donc que ces accouplemens aient été communs; & jufqu'à ce qu'on foit mieux éclairci, il eft à préfumer que des efpèces monftrueufes ont pu naître de ces amours abominables. Mais fi elles. ont exifté, elles n'ont pu influer fur le genre humain; & femblables aux mulets qui n'engendrent point, elles n'ont pu dénaturer les autres races.

A l'égard de la durée de la vie des hommes, (fi. vous faites abftraction de cette ligne de defcendans d'Adam confacrée par les livres juifs, & fi long-temps inconnue ;) il eft vraisemblable que toutes les races humaines ont joui d'une vie à-peu-près auffi courte que la nôtre. Comme les animaux, les arbres, & toutes les productions de la nature ont toujours eu la même durée, il eft ridicule de nous en excepter.

Mais il faut obferver que le commerce n'ayant pas toujours apporté au genre humain les productions & les maladies des autres climats ; & les ; hommes ayant été plus robuftes & plus laborieux dans la fimplicité d'un état champêtre pour lequel ils font nés, ils ont dû jouir d'une fanté plus égale,

& d'une vie un peu plus longue que dans la molleffe, ou dans les travaux mal-fains des grandes villes. C'est-à-dire, que fi dans Constantinople, Paris & Londres, un homme, fur cent mille, arrive à cent années; il eft probable que vingt hommes, fur cent mille, atteignaient autrefois cet âge. C'eft ce qu'on a obfervé dans plufieurs endroits de l'Amérique, où le genre humain s'était confervé dans l'état de pure nature.

La pefte, la petite vérole, que les caravanes Arabes communiquèrent avec le temps aux peuples de l'Afic & de l'Europe, furent long-temps inconnues. Ainfi le genre humain en Afie, & dans les beaux climats de l'Europe, fe multipliait plus aifêment qu'ailleurs. Les maladies d'accident, & plufieurs bleffures ne se guérissaient pas à la vérité comme aujourd'hui ; mais l'avantage de n'être jamais attaqué de la petite vérole & de la pefte, compenfait tous les dangers attachés à notre nature; de forte qu'à tout prendre, il eft à croire que le genre humain dans les climats favorables, jouissait autrefois d'une vie plus faine & plus heureufe que depuis l'établiffement des grands empires. Ce n'eft pas à dire que les hommes aient jamais vécu trois ou quatre cens ans. C'est un miracle très-refpectable dans la Bible, mais par-tout ailleurs c'eft un conte abfurde.

DE L'ANTIQUITÉ DES NATIONS.

PRESQUE tous les peuples, mais furtout ceux de l'Afie, comptent une fuite de fiècles qui nous effraie. Cette conformité entr'eux doit au moins nous

faire examiner fi leurs idées fur cette antiquité étaient deftituées de toute vraisemblance.

Pour qu'une nation foit raffemblée en corps de peuple, qu'elle foit puiffante, aguerrie, favante, il eft certain qu'il faut un temps prodigieux. Voyez l'Amérique; on n'y comptait que deux royaumes quand elle fut découverte, & encore dans ces deux royaumes on n'avait pas inventé l'art d'écrire. Tout le refte de ce vafte continent était partagé, & l'eft encore, en petites fociétés, à qui les arts font inconnus. Toutes ces peuplades vivent fous des huttes, elles fe vêtiffent de peaux de bêtes dans les climats froids, & vont prefque nues dans les tempérés. Les unes fe nourriffent de la chaffe, les autres de racines qu'elles pêtriffent: elles n'ont point recherché un autre genre de vie, parce qu'on ne defire point ce qu'on ne connaît pas. Leur industrie n'a pu aller au-delà de leurs befoins preffans. Les Samoyèdes, les Lappons, les habitans du nord de la Sibérie, ceux du Kamshatka, font encore moins avancés que les peuples de l'Amérique. La plupart des Nègres, tous les Cafres, font plongés dans la même ftupidité & y croupiront long-temps.

Il faut un concours de circonftances favorables pendant des fiècles, pour qu'il fe forme une grande fociété d'hommes raffemblés fous les mêmes lois : il en faut même pour former un langage. Les hommes n'articuleraient pas fi on ne leur apprenait à prononcer des paroles; ils ne jetteraient que des cris confus; ils ne fe feraient entendre que par fignes. Un enfant ne parle au bout de quelque temps que par imitation; & il ne s'énoncerait qu'avec une extrême difficulté,

fi on laiffait paffer fes premières années fans dénouer fa langue.

Il a fallu peut-être plus de temps, pour que des hommes doués d'un talent fingulier aient formé & enfeigné aux autres les premiers rudimens d'un langage imparfait & barbare, qu'il n'en a fallu pour parvenir enfuite à l'établissement de quelque fociété. Il y a même des nations entières qui n'ont jamais pu parvenir à former un langage régulier & à prononcer diftinctement; tels ont été les Troglodytes, au rapport de Pline; tels font encore ceux qni habitent vers le cap de Bonne - Espérance. Mais qu'il y a loin de ce jargon barbare à l'art de peindre fes penfées distance eft immenfe.

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Cet état de brutes où le genre humain a été longtemps, dut rendre l'espèce très - rare dans tous les climats. Les hommes ne pouvaient guère fuffire à leurs befoins, & ne s'entendant pas ils ne pouvaient fe secourir. Les bêtes carnaffières ayant plus d'inflinct. qu'eux, devaient couvrir la terre, & dévorer une partie de l'efpèce humaine.

Les hommes ne pouvaient fe défendre contre les animaux féroces, qu'en lançant des pierres, & en s'armant de groffes branches d'arbres ; & de-là, peutêtre, vint cette notion confufe de l'antiquité, que les premiers héros combattaient contre les lions & contre les fangliers avec des maffues.

Les pays les plus peuplés furent fans doute les climats chauds, où l'homme trouva une nourriture facile & abondante dans les cocos, les dattes, les ananas, & dans le riz qui croît de lui-même. Il eft bien vraisemblable que l'Inde, la Chine, les bords

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