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dans l'Inde, avec un rituel de tous les anciens rites des Brachmanes, intitulé le Cormo-Védam: ce manufcrit traduit par un Brame, n'eft pas à la vérité le Védam lui-même, mais c'eft un réfumé des opinions & des rites contenus dans cette loi. Nous n'avons que depuis peu d'années le Shafta; nous le devons aux foins & à l'érudition de M. Holwell qui a demeuré très - long-temps parmi les Brames. Le Shafta eft antérieur au Védam de quinze cents années, felon le calcul de ce favant Anglais. (g) Nous pouvons donc nous flatter d'avoir aujourd'hui quelque connaiffance des plus anciens écrits qui foient au monde.

Il faut défefpérer d'avoir jamais rien des Egyptiens; leurs livres font perdus, leur religion s'eft anéantie; ils n'entendent plus leur ancienne langue vulgaire, encore moins la facrée. Ainfi ce qui était plus près de nous, plus facile à conferver, déposé dans des bibliothèques immenfes, a péri pour jamais; & nous avons trouvé au bout du monde des monumens non moins authentiques, que nous ne devions pas efpérer de découvrir.

On ne peut douter de la vérité, de l'authenticité" de ce rituel des Brachmanes dont je parle. L'auteur affurément ne flatte pas fa fecte; il ne cherche point à déguiser fes fuperftitions, à leur donner quelque vraisemblance par des explications forcees, à les excufer par des allégories. Il rend compte des lois les plus extravagantes avec la fimplicité de la candeur. L'efprit humain paraît là dans toute fa mifère. Si les Brames obfervaient toutes les lois de leur Védam, il n'y a point de moine qui voulût s'afsujettir à cet état. (g) Voyez le Dictionnaire philofophique.

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A peine le fils d'un Brame eft-il né, qu'il eft l'efclave des cérémonies. On frotte fa langue avec de la poix réfine, détrempée dans de la farine; on prononce le mot Oum; on invoque vingt divinités fubalternes avant qu'on lui ait coupé le nombril; mais auffi on lui dit, vivez pour commander aux hommes; & dès qu'il peut parler, on lui fait fentir la dignité de son être. En effet, les Brachmanes furent long-temps fouverains dans l'Inde, & la théocratie fut établie dans cette vaste contrée plus qu'en aucun pays du monde.

Bientôt on expose l'enfant à la lune on prie l'Etre fuprême d'effacer les péchés que l'enfant peut avoir commis, quoiqu'il ne foit né que depuis huit jours on adreffe des Antiennes au feu; on donne à l'enfant avec cent cérémonies le nom de Chormo, qui eft le titre d'honneur des Brames.

Dès que cet enfant peut marcher, il paffe fa vie à fe baigner & à réciter des prières; il fait le facrifice des morts; & ce facrifice eft inftitué pour que Brama donne à l'ame des ancêtres de l'enfant une demeure agréable dans d'autres corps.

On fait des prières aux cinq vents qui peuvent fortir par les cinq ouvertures du corps humain. Cela n'est pas plus étrange que les prières récitées au dieu Pet par les bonnes vieilles de Rome.

Nulle fonction de la nature, nulle action chez les Brames fans prières. La première fois qu'on rase la tête de l'enfant, le père dit au rafoir dévotement : Rafoir, rafe mon fils comme tu as rafé le foleil & le dieu Indro. Il fe pourrait après tout que le dieu Indro eût été autrefois rafé; mais pour le foleil, cela n'eft pas aifé à comprendre, à moins que les Brames

n'aient eu notre Apollon, que nous représentons encore fans barbe.

Le récit de toutes ces cérémonies ferait auffi ennuyeux qu'elles nous paraiffent ridicules; & dans leur aveuglement ils en difent autant des nôtres : mais il y a chez eux un mystère qui ne doit pas être paffé fous filence: c'eft le Matricha Machom. On fe donne par ce mystère un nouvel être, une nouvelle vie.

L'ame eft fuppofée être dans la poitrine, & c'eft en effet le sentiment de prefque toute l'antiquité. On paffe la main, de la poitrine à la tête, en appuyant fur le nerf qu'on croit aller d'un de ces organes à l'autre, & l'on conduit ainfi fon ame à fon cerveau. Quand on eft fûr que fon ame eft bien montée, alors le jeune homme s'écrie que fon ame & fon corps font réunis à l'Etre fuprême, & dit: je fuis moi-même une partie de la Divinité.

Cette opinion a été celle des plus refpectables philofophes de la Grèce, de ces Stoïciens qui ont élevé la nature humaine au-deffus d'elle-même, celle des divins Antonins; & il faut avouer que rien n'était plus capable d'infpirer de grandes vertus. Se croire une partie de la Divinité, c'eft s'impofer la loi de ne rien faire qui ne foit digne de DIEU même.

On trouve dans cette loi des Brachmanes dix commandemens, & ce font dix péchés à éviter. Ils font divifés en trois efpèces, les péchés du corps, ceux de la parole, ceux de la volonté. Frapper, tuer fon prochain, le voler, violer les femmes, ce font les péchés du corps ; diffimuler, mentir, injurier, ce font les péchés de la parole; ceux de la volonté confiftent à fouhaiter le mal, à regarder le bien des

autres

autres avec envie; à n'être pas touché des mifères d'autrui. Ces dix commandemens font pardonner tous les rites ridicules. On voit évidemment que la morale eft la même chez toutes les nations civilifées, tandis que les ufages les plus confacrés chez un peuple, paraiffent aux autres ou extravagans ou haïffables. Les rites établis divifent aujourd'hui le genre humain, & la morale le réunit.

La fuperftition n'empêcha jamais les Brachmanes de reconnaître un Dieu unique. Strabon, dans fon quinzième livre, dit qu'ils adorent un Dieu suprême; qu'ils gardent le filence plufieurs années avant d'ofer parler; qu'ils font fobres, chastes, tempérans ; qu'ils vivent dans la juftice, & qu'ils meurent fans regret. C'est le témoignage que leur rendent St Thomas d'Alexandrie, Apulée, Porphire, Pallade, S Ambroife. Noublions pas furtout qu'ils eurent un paradis terreftre, & que les hommes qui abufèrent des bienfaits de Dieu furent chaffés de ce paradis.

La chûte de l'homme dégénéré eft le fondement de la théologie de prefque toutes les anciennes nations. Le penchant naturel de l'homme à fe plaindre du préfent & à vanter le paffé, a fait imaginer par-tout une espèce d'âge d'ór auquel les fiècles de fer ont fuccédé. Ce qui eft plus fingulier encore, c'eft que le Védam des anciens Brachmanes enfeigne que le premier homme fut Adimo & la première femme Procriti. Chez eux, Adimo fignifiait Seigneur, & Procriti voulait dire la Vie; comme Eva chez les Phéniciens, & même chez les Hébreux leurs imitateurs, fignifiait aussi la Vie ou le Serpent. Cette conformité mérite une grande

attention.

Effai fur les mœurs, &c. Tome I.

F

Martini, 4.2, P.23.

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OSERONS-NOUS parler des Chinois, fans nous en rapporter à leurs propres annales? elles font confirmées par le témoignage unanime de nos voyageurs de différentes fectes, jacobins, jésuites, luthériens, calviniftes, anglicans; tous intéreffés à se contredire. Il est évident que l'Empire de la Chine était formé il y a plus de quatre mille ans. Ce peuple antique n'entendit jamais parler d'aucune de ces révolutions physiques, de ces inondations, de ces incendies dont la faible mémoire s'était confervée & altérée dans les fables du déluge de Deucalion, & de la chûte de Phaeton. Le climat de la Chine avait donc été préfervé de ces fléaux, comme il le fut toujours de la pefte proprement dite, qui a tant de fois ravagé l'Afrique, l'Afie & l'Europe.

Si quelques annales portent un caractère de certitude, ce font celles des Chinois, qui ont joint, comme on l'a déjà dit ailleurs, l'hiftoire du ciel à celle de la terre. Seuls de tous les peuples, ils ont conftamment marqué leurs époques par les éclipfes, par les conjonctions des planètes ; & nos aftronomes qui ont examiné leurs calculs, ont été étonnés de les trouver prefque tous véritables. Les autres nations inventèrent des fables allégoriques, & les Chinois écrivirent leur histoire, la plume & l'aftrolabe à la main, avec une fimplicité dont on ne trouve point d'exemple dans le refte de l'Afie.

Chaque règne de leurs empereurs a été écrit par des contemporains; nulle différente manière de compter parmi eux; nulles chronologies qui fe

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