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pétrée, vers le pays de Madian; elles fe mêlèrent depuis avec les vrais Arabes du temps de Mahomet, quand elles embraffèrent fa religion.

Ce font les peuples de l'Arabie proprement dite, qui étaient véritablement indigènes, c'est-à-dire, qui de temps immémorial habitaient ce beau pays, fans mêlange d'aucune autre nation, fans avoir jamais été ni conquis ni conquérans. Leur religion était la plus naturelle & la plus fimple de toutes; c'était le culte d'un DIEU & la vénération pour les étoiles, qui femblaient, fous un ciel fi beau & fi pur, annoncer la grandeur de DIEU avec plus de magnificence que le refte de la nature. Ils regardaient les planètes comme des médiatrices entre DIEU & les hommes. Ils eurent cette religion jusqu'à Mahomet. Je crois bien qu'il y eut beaucoup de fuperftitions, puifqu'ils étaient hommes: mais féparés du refte du monde par des mers & des déferts, poffeffeurs d'un pays délicieux, & fe trouvant au - deffus de tout befoin & de toute crainte, ils durent être néceffairement moins méchans & moins fuperftitieux que d'autres nations.

On ne les avait jamais vus ni envahir le bien de leurs voifins, comme des bêtes carnaffières affamées; ni égorger les faibles, en prétextant les ordres de la Divinité; ni faire leur cour aux puissans, en les flattant par de faux oracles: leurs fuperftitions ne furent ni abfurdes ni barbares.

On ne parle point d'eux dans nos histoires univerfelles fabriquées dans notre Occident; je le crois bien : ils n'ont aucun rapport avec la petite nation juive qui eft devenue l'objet & le fondement de

nos hiftoires prétendues univerfelles, dans lesquelles un certain genre d'auteurs, fe copiant les uns les autres, oublie les trois quarts de la terre.

DE BRAM, ABRAM, ABRAHAM.

Il femble que ce nom de Bram, Brama, Abram, Ibrahim, foit un des noms les plus communs aux anciens peuples de l'Afie. Les Indiens, que nous croyons une des premières nations, font de leur Brama un fils de DIEU, qui enfeigna aux Brames la manière de l'adorer. Ce nom fut en vénération de proche en proche. Les Arabes, les Chaldéens, les Perfans fe l'approprièrent, & les Juifs le regardèrent comme un de leurs patriarches. Les Arabes qui trafiquaient avec les Indiens, eurent probablement les premiers quelques idées confufes de Brama, qu'ils nommèrent Abrama, & dont enfuite ils fe vantèrent d'être defcendus. Les Chaldéens l'adoptèrent comme un légiflateur. Les Perfes appelaient leur ancienne religion Millat Ibrahim; les Mèdes Kish Ibrahim. Ils prétendaient que cet Ibrahim ou Abraham était de la Bactriane, & qu'il avait vécu près de la ville de Balk; ils révéraient en lui un prophète de la religion de l'ancien Zoroastre: il n'appartient fans doute qu'aux Hébreux, puifqu'ils le reconnaiffent pour leur père dans leurs livres

facrés.

Des favans ont cru que ce nom était Indien, parce que les prêtres Indiens s'appelaient Brames, Brachmanes, & que plufieurs de leurs inftitutions facrées ont un rapport immédiat à ce nom; au lieu

que chez les Afiatiques occidentaux, vous ne voyez aucun établissement qui tire fon nom d'Abram ou Abraham. Nulle fociété ne s'eft jamais nommée Abramique; nul rite, nulle cérémonie de ce nom; mais puisque les livres juifs disent qu'Abraham eft la tige des Hebreux, il faut croire fans difficulté ces juifs, qui, bien que déteftés par nous, font pourtant regar dés comme nos précurfeurs & nos maîtres.

L'Alcoran cite, touchant Abraham, les anciennes. histoires arabes; mais il en dit très-peu de chofe: elles prétendent que cet Abraham fonda la Mecque.

Les Juifs le font venir de Chaldée, & non pas de l'Inde ou de la Bactriane; ils étaient voifins de la Chaldée; l'Inde & la Bactriane leur étaient inconnues. Abraham était un étranger pour tous ces peuples; & la Chaldée étant un pays dès long-temps renommé pour les fciences & les arts, c'était un honneur, humainement parlant, pour une chétive & barbare nation renfermée dans la Palestine, de compter un ancien fage réputé Chaldéen, au nombre de fes ancêtres.

S'il eft permis d'examiner la partie hiftorique des livres judaïques par les mêmes règles qui nous conduifent dans la critique des autres hiftoires, il faut convenir avec tous les commentateurs, que le récit des aventures d'Abraham, tel qu'il fe trouve dans le Pentateuque, ferait fujet à quelques difficultés s'il fe trouvait dans une autre hiftoire.

La Genèfe, après avoir raconté la mort de Tharé, dit qu'Abraham fon fils fortit d'Aran âgé de foixante & quinze ans ; & il eft naturel d'en conclure qu'il ne quitta fon pays qu'après la mort de fon père.

Mais la même Genèfe dit que Tharé l'ayant engendré à foixante & dix ans, vécut jusqu'à deux cens cinq; ainfi Abraham aurait eu cent trente-cinq ans quand il quitta la Chaldée. Il paraît étrange qu'à cet âge, il ait abandonné le fertile pays de la Mefopotamie, pour aller, à trois cens milles de-là, dans la contrée ftérile & pierreufe de Sichem, qui n'était point un lieu de commerce. De Sichem, on le fait aller acheter du bled à Memphis, qui eft environ à fix cens milles ; & dès qu'il arrive, le roi devient amoureux de fa femme, âgée de foixante quinze ans.

&

Je ne touche point à ce qu'il y a de divin dans cette hifloire; je m'en tiens toujours aux recherches de l'antiquité. Il eft dit qu'Abraham reçut de grands préfens du roi d'Egypte. (10) Ce pays était dèslors un puissant Etat; la monarchie était établie, les arts y étaient donc cultivés; le fleuve avait été dompté, on avait creufé par-tout des canaux pour recevoir fes inondations, fans quoi la contrée n'eût pas été habitable.

Or je demande à tout homme fenfé, s'il n'avait pas fallu des fiècles pour établir un tel Empire dans un pays long-temps inacceffible & dévasté par les caux mêmes qui le fertiliferent? Abraham, felon la Genèfe, arriva en Egypte deux mille ans avant notre ère vulgaire. Il faut donc pardonner aux Manéthons, aux Hérodotes, aux Diodores, aux Eratofthènes & à tant d'autres, la prodigieufe antiquité qu'ils accordent

(10) La Genèfe parle d'un grand nombre d'efclaves & de bêtes de fomme donnés à Abraham, lorfque Pharaon le croyait feulement le frère de & quand il fortit d'Egypte, Pharaon y ajouta beaucoup d'or &

Sara;

d'argent.

tous au royaume d'Egypte ; & cette antiquité devait être très - moderne en comparaison de celle des Chaldéens & des Syriens.

Qu'il foit permis d'observer un trait de l'histoire d'Abraham. Il eft repréfenté au fortir de l'Egypte comme un pafteur Nomade, errant entre le mont Carmel & le lac Afphaltide; c'eft le défert le plus aride de l'Arabie pétrée, tout le territoire y eft bitumineux; l'eau y eft très - rare: le peu qu'on y en trouve eft moins potable que celle de la mer. Il y voiture fes tentes avec trois cens dix-huit ferviteurs, & fon neveu Lot eft établi dans la ville ou bourg de Sodome. Un roi de Babylone, un roi de Perse, un roi de Pont, & un roi de plufieurs autres nations, fe liguent ensemble pour faire la guerre à Sodome & à quatre bourgades voifines. Ils prennent ces bourgs & Sodome; Lot eft leur prisonnier. Il n'eft pas aifé de comprendre comment quatre grands rois fi puiffans fe liguèrent pour venir ainfi attaquer une horde d'Arabes dans un coin de terre fi fauvage; ni comment Abraham défit de fi puiffans monarques avec trois cens valets de campagne; ni comment il les poursuivit jusques par de-là Damas. Quelques traducteurs ont mis Dan pour Damas; mais Dan n'exiftait pas du temps de Moïfe, encore moins du temps d'Abraham. Il y a, de l'extrémité du lac Asphaltide où Sodome était fituée, jufqu'à Damas, plus de trois cens milles de route. Tout cela eft au-deffus de nos conceptions. Tout eft miraculeux dans l'hiftoire des Hébreux. Nous l'avons déjà dit, & nous redifons encore que nous croyons ces prodiges & tous les autres fans

aucun examen.

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