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indigné de cette démarche avait dit: Ny a-t-il point de dieu en Ifraël, pour aller confulter le dicu d' Accaron?

Aftaroth était la lune, & la lune ne s'attendait pas à devenir diable.

L'apôtre Jude dit encore que le diable fe querella avec l'ange Michaël au fujet du corps de Moife. Mais on ne trouve rien de femblable dans le canon des Juifs. Cette difpute de Michaël avec le diable n'eft que dans un livre apocryphe intitulé, Analypfes de Moïfe, cité par Origène dans le troifième livre de fes principes.

Il eft donc indubitable que les Juifs ne reconnurent point de diables jusque vers le temps de leur captivité à Babylone. Ils puifèrent cette doctrine chez les Perfes qui la tenaient de ZoroaЛre.

Il n'y a que l'ignorance, le fanatifme & la mauvaise foi qui puiffent nier tous ces faits ; & il faut ajouter que la religion ne doit pas s'effrayer des conféquences. DIEU a certainement permis que la croyance aux bons & aux mauvais génies, à l'immortalité de l'ame, aux récompenfes & aux peines éternelles, ait été établie chez vingt nations de l'antiquité avant de parvenir au peuple juif. Notre fainte religion a confacré cette doctrine; elle a établi ce que les autres avaient entrevu; & ce qui n'était chez les anciens qu'une opinion, eft devenu par la révélation une vérité divine.

SI LES JUIFS ONT ENSEIGNÉ LES AUTRES NATIONS, OU S'ILS ONT ÉTÉ ENSEIGNÉS

PAR ELLES.

LES livres facrés n'ayant jamais décidé fi les Juifs avaient été les maîtres ou les difciples des autres peuples, il eft permis d'examiner cette question.

Philon, dans la relation de fa miffion auprès de Caligula, commence par dire qu'Ifraël est un terme chaldéen; que c'eft un nom que les Chaldéens donnèrent aux juftes confacrés à DIEU; qu'Ifraël fignifie voyant Dieu. Il paraît donc prouvé par cela feul que les Juifs n'appelèrent Jacob Ifraël, qu'ils ne se donnèrent le nom d'Ifraëlites, que lorfqu'ils eurent quelque connaiffance du chaldéen. Or, ils ne purent avoir connaiffance de cette langue que quand ils furent efclaves en Chaldée. Eft-il vraisemblable que dans les déferts de l'Arabie pétrée, ils euffent appris déjà le chaldéen?

Flavien-Jofephe, dans fa réponse à Appion, à Lyfimaque & à Molon, liv. II, ch. V, avoue en propres termes, Que ce font les Egyptiens qui apprirent à d'autres nations à fe faire circoncire, comme Hérodote le témoigne. En effet, ferait-il probable que la nation antique & puiffante des Egyptiens, eût pris cette coutume d'un petit peuple qu'elle abhorrait, & qui de fon aveu ne fut circoncis que fous Jofué?

Les livres facrés eux-mêmes nous apprennent que Moife avait été nourri dans les fciences des Egyptiens, & ils ne difent nulle part que les Egyptiens aient jamais rien appris des Juifs. Quand Salomon voulut

220 SI LES JUIFS ONT ENSEIGNÉ, &c.

bâtir fon temple & fon palais, ne demanda-t-il pas des ouvriers au roi de Tyr? il eft dit même qu'il donna vingt villes au roi Hiram, pour obtenir des ouvriers & des cèdres : c'était fans doute payer bien chèrement ; & le marché eft étrange : mais les Tyriens demandèrent-ils des artiftes juifs?

Le même Jofephe dont nous avons parlé avoue que fa nation, qu'il s'efforce de relever, n'eut long-temps aucun commerce avec les autres nations; quelle fut furtout inconnue des Grecs, qui connaiffaient les Scythes, les Tartares. Faut-il s'étonner, ajoute-t-il, liv. I, ch. V, que notre nation éloignée de la mer, & ne fe piquant point de rien écrire, ait été fi peu connue?

Lorfque le même Jofephe raconte avec fes exagérations ordinaires, la manière auffi honorable qu'incroyable, dont le roi Ptolemée-Philadelphe acheta une traduction grecque des livres juifs, faite par des Hébreux dans la ville d'Alexandrie; Jofephe, dis-je, ajoute que Démétrius de Phalère, qui fit faire cette traduction pour la bibliothèque de fon roi, demanda à l'un des traducteurs, comment il fe pouvait faire qu'aucun hiftorien, aucun poëte étranger n'eût jamais parlé des lois juives. le traducteur répondit: Comme ces lois font toutes divines, perfonne n'a ofé entreprendre d'en parler, & ceux qui ont voulu le faire ont été châtiés de Dieu. Théopompe voulant en inférer quelque chofe dans fon hiftoire, perdit l'efprit durant trente jours; mais ayant reconnu dans un fonge qu'il était devenu fou pour avoir voulu pénétrer dans les chofes divines, & en faire part aux profanes, (a) il appaifa la colère de DIEU par fes prières, & rentra dans fon bon fens.

(a) Jofephe, hift. des Juifs, liv. XII, chap. II.

Théodecte, poële Grec, ayant mis dans une tragédie quelques paffages qu'il avait tirés de nos livres faints, devint auffitôt aveugle, & ne recouvra la vue qu'après avoir reconnu fa faute.

Ces deux contes de Jofephe, indignes de l'hiftoire & d'un homme qui a le fens commun, contredifent à la vérité les éloges qu'il donne à cette traduction grecque des livres juifs; car fi c'était un crime d'en inférer quelque chofe dans une autre langue, c'était fans doute un bien plus grand crime de mettre tous les Grecs à portée de les connaître. Mais au moins, Jofephe, en rapportant ces deux hiftoriettes, convient que les Grecs n'avaient jamais eu connaissance des livres de fa nation.

Au contraire, dès que les Hébreux furent établis dans Alexandrie, ils s'adonnèrent aux lettres grecques; on les appela les Juifs helléniftes. Il eft donc indubitable que les Juifs depuis Alexandre prirent beaucoup de chofes des Grecs, dont la langue était devenue celle de l'Afie mineure, & d'une partie de l'Egypte, & que les Grecs ne purent rien prendre des Hébreux.

DES ROMAINS. COMMENCEMENS DE LEUR EMPIRE ET DE LEUR RELIGION: LEUR

TOLERANCE.

LES Romains ne peuvent être comptés parmi les nations primitives: ils font trop nouveaux. Rome n'exifte que fept cents cinquante ans avant notre ère vulgaire. Quand elle eut des rites & des lois, elle les tint des Tofcans & des Grecs. Les Tofcans

lui communiquèrent la fuperftition des augures, fuperflition pourtant fondée fur des obfervations phyfiques, fur le paffage des oifeaux dont on augurait les changemens de l'atmosphère. Il femble que toute fuperftition ait une chofe naturelle pour principe, que bien des erreurs foient nées d'une vérité dont on abuse.

&

Les Grecs fournirent aux Romains la loi des douze tables. Un peuple qui va chercher des lois & des dieux chez un autre, devait être un peuple petit & barbare; auffi les premiers Romains l'étaient-ils. Leur territoire du temps des rois & des premiers confuls, n'était pas fi étendu que celui de Ragufe. Il ne faut pas fans doute entendre par ce nom de roi, des monarques tels que Cyrus & fes fucceffeurs. Le chef d'un petit peuple de brigands, ne peut jamais être defpotique. Les dépouilles fe partagent en commun, & chacun défend fa liberté comme fon bien propre. Les premiers rois de Rome étaient des capitaines de flibustiers.

Si l'on en croit les hiftoriens romains, ce petit peuple commença par ravir les filles & les biens de fes voifins. Il devait être exterminé; mais la férocité & le befoin qui le portaient à ces rapines, rendirent fes injuftices heureuses; il fe foutint étant toujours en guerre ; & enfin, au bout de cinq fiècles, étant bien plus aguerri que tous les autres peuples, il les foumit tous les uns après les autres, depuis le fond du golfe Adriatique jufqu'à l'Euphrate.

Au milieu du brigandage, l'amour de la patric domina toujours jufqu'au temps de Sylla. Cet amour de la patrie confifta pendant plus de quatre cents

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