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celui de Jérémie, chap. 49, verfet 1, où il eft dit : Quelle raifon a eu le feigneur Melkom pour s'emparer du pays de Gad? Il eft clair par ces expreffions, que les Juifs, quoique ferviteurs d'Adonaï, reconnaiffaient pourtant le feigneur Melkom & le feigneur Chamos.

Dans le premier chapitre des Juges, vous trouverez que le Dieu de Juda fe rendit maître des montagnes, mais qu'il ne put vaincre dans les vallées. Et au troifième livre des Rois, vous trouvez chez les Syriens l'opinion établie que le DIEU des Juifs n'était que le Dieu des montagnes.

Il y a bien plus. Rien ne fut plus commun que d'adopter les dieux étrangers. Les Grecs reconnurent ceux des Egyptiens: je ne dis pas le bœuf Apis & le chien Anubis, mais Ammon & les douze grands dieux. Les Romains adorèrent tous les dieux des

Grecs. Jérémie, Amos & St Etienne nous affurent que dans le défert, pendant quarante années, les Juifs ne reconnurent que Moloc, Rempham ou Kium, (3) qu'ils ne firent aucun facrifice, ne préfentèrent aucune offrande au dieu Adonaï, qu'ils adorèrent depuis. Il eft vrai que le Pentateuque ne parle que du veau d'or, dont aucun prophète ne fait mention; mais ce n'eft pas ici le lieu d'éclaircir cette grande

(3) Ou Réphan, ou Chevan, ou Kium, ou Chlon, &c. Amos, ch. V, 26; A&. vir, 43.

, Si l'on ne favait, à n'en pouvoir douter, que les Hébreux ont adoré ❞ les idoles dans le défert, non pas une feule fois, mais habituellement , & d'une manière perfeverante, on aurait peine à se le perfuader.... " C'est cependant ce qui eft incontestable, d'après le témoignage expres • d'Amos, qui reproche aux Ifraélites d'avoir porté dans leur voyage du ꞌꞌ défert la tente du dieu Moloch, l'image de leurs idoles & l'étoile de leur 99 dieu Rempham. 99 Bible de Vence, Differt. fur Pidolâtrie des Ifraélites à la tête des prophéties d'Amos.

difficulté il fuffit de révérer également Moife, Jérémie, Amos & St Etienne, qui femblent fe contredire, & que des théologiens concilient.

Ce que j'observe seulement, c'eft qu'excepté ces temps de guerre & de fanatifme fanguinaire qui éteignent toute humanité, & qui rendent les mœurs, les lois, la religion d'un peuple l'objet de l'horreur d'un autre peuple, toutes les nations trouvèrent très-bon que leurs voifins euffent leurs dieux particuliers, & qu'elles imitèrent fouvent le culte & les cérémonies des étrangers.

Les Juifs mêmes, malgré leur horreur pour le refte des hommes, qui s'accrut avec le temps, imitèrent la circoncifion des Arabes & des Egyptiens, s'attachèrent comme ces derniers à la diftinction des viandes, prirent d'eux les ablutions, les proceffions, les danses facrées, le bouc Hazazel, la Vache rouffe. Ils adorèrent fouvent le Baal, le Belphegor de leurs autres voifins; tant la nature & la coutume l'emportent prefque toujours fur la loi, furtout quand cette loi n'eft pas généralement connue du peuple. Ainfi Jacob, petit - fils d'Abraham, ne fit nulle difficulté d'époufer deux fœurs, qui étaient ce que nous appelons idolâtres & filles d'un père idolâtre. Moïse même époufa la fille d'un prêtre Madianite idolâtre. Abraham était fils d'un idolâtre. Le petit-fils de Moïfe, Eleazar, fut prêtre idolâtre de la tribu de Dan idolâtre.

Ces mêmes Juifs, qui long-temps après crièrent tant contre les cultes étrangers, appellèrent dans leurs livres facrés l'idolâtre Nabuchodonofor, l'oint du Seigneur ; l'idolâtre Cyrus, auffi l'oint du Seigneur.

Un de leurs prophètes fut envoyé à l'idolâtre Ninive. Elifée permit à l'idolâtre Naaman d'aller dans le temple de Remnon. Mais n'anticipons rien; nous favons affez que les hommes fe contredifent toujours dans leurs mœurs & dans leurs lois. Ne fortons point ici du fujet que nous traitons; continuons à voir comment les religions diverfes s'établirent.

Les peuples les plus policés de l'Afie, en-deçà de l'Euphrate, adorèrent les aftres. Les Chaldéens, avant le premier Zoroastre, rendaient hommage au Soleil, comme firent depuis les Péruviens dans un autre hémisphère. Il faut que cette erreur soit bien naturelle à l'homme, puisqu'elle a eu tant de sectateurs dans l'Afie & dans l'Amérique. Une nation petite & à demi - fauvage n'a qu'un protecteur. Devient elle plus nombreufe? elle augmente le nombre de fes dieux. Les Egyptiens commencent par adorer Isheth ou Ifis, & ils finiffent par adorer des chats. Les premiers hommages des Romains agreftes font pour Mars, ceux des Romains maîtres de l'Europe font pour la déeffe de l'acte du mariage, pour le dieu des latrines. (a) Et cependant Ciceron. & tous les philofophes, & tous les initiés reconnaiffaient un DIEU fuprême & tout - puiffant. Ils étaient tous revenus par la raison, au point dont les hommes fauvages étaient partis par inftinct.

Les apothéofes ne peuvent avoir été imaginées que très-long-temps après les premiers cultes. Il n'eft pas naturel de faire d'abord un dieu, d'un homme que nous avons vu naître comme nous, fouffrir comme nous les maladies, les chagrins, les (a) Dea Pertunda, Deus Stercutius.

mifères de l'humanité, fubir les mêmes befoins humilians, mourir & devenir la pâture des vers. Mais voici ce qui arriva chez prefque toutes les nations après les révolutions de plufieurs fiècles.

Un homme qui avait fait de grandes chofes, qui avait rendu des fervices au genre humain, ne pouvait ête à la vérité regardé comme un dieu par ceux qui l'avaient vu trembler de la fièvre, & aller à la garde-robe; mais les enthoufiaftes fe perfuadèrent qu'ayant des qualités éminentes, il les tenait d'un dieu, qu'il était fils d'un dieu : ainfi les dieux firent des enfans dans tout le monde; car fans compter les rêveries de tant de peuples qui précédèrent les Grecs, Bacchus, Perfée, Hercule, Caftor, Pollux furent fils de dieu; Romulus fils de dieu; Alexandre fut déclaré fils de dieu en Egypte; un certain Odin, chez nos nations du nord, fils de dieu; Manco Capac, fils du foleil au Pérou. L'hiftorien des Mogols Abulgazi rapporte qu'une des aïeules de Gengis, nommée Alanku, étant fille, fut groffe d'un rayon célefte. Gengis lui-même paffa pour le fils de Dieu : & lorfque le pape Innocent IV envoya frère Afcelin à Batoukan, petit-fils de Gengis, ce moine ne pouvant être présenté qu'à l'un des vifirs, lui dit qu'il venait de la part du vicaire de Dieu le miniftre répondit, ce vicaire ignore-t-il qu'il doit des hommages & des tributs au fils de Dieu le grand Batoukan fon maître ?

D'un fils de dieu à un dieu, il n'y a pas loin chez les hommes amoureux du merveilleux. Il ne faut que deux ou trois générations pour faire partager au fils le domaine de fon père; ainfi

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des temples furent élevés, avec le temps, à tous ceux qu'on avait fuppofé être nés du commerce furnaturel de la divinité avec nos femmes & avec nos filles.

On pourrait faire des volumes fur ce sujet ; mais tous ces volumes fe réduifent à deux mots, c'est que le gros du genre humain a été & fera trèslong-temps infenfé & imbécille ; & que peut-être les plus infenfés de tous ont été ceux qui ont voulu trouver un fens à ces fables abfurdes, & mettre de la raifon dans la folie.

DES

USAGES ET DES SENTIMENS

COMMUNS

A PRESQUE TOUTES LES NATIONS ANCIENNES,

La nature étant par-tout la même, les hommes ont dû nécessairement adopter les mêmes vérités & les mêmes erreurs dans les chofes qui tombent le plus fous les fens, & qui frappent le plus l'imagination. Ils ont dû tous attribuer le fracas & les effets du tonnerre au pouvoir d'un être fupérieur habitant dans les airs. Les peuples voifins de l'océan voyant les grandes marées inonder leurs rivages à la pleine lune, ont dû croire que la lune était cause de tout ce qui arrivait au monde dans le temps de fes différentes phases.

Dans leurs cérémonies religieufes, prefque tous fe tournèrent vers l'orient, ne fongeant pas qu'il n'y a ni orient ni occident, & rendant tous une efpèce d'hommage au foleil qui fe levait à leurs

yeux.

Parmi les animaux, le ferpent dut leur paraître

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