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Moife, felon ce favant homme, eft le même que Zoroastre. Il eft Efculape, Amphion, Apollon, Faunus, Janus, Perfée, Romulus, Vertumne, & enfin Adonis & Priape. La preuve qu'il était Adonis, c'est que Virgile

a dit :

Et formofus oves ad flumina pavit Adonis.

Et le bel Adonis a gardé les moutons.

Or Moïfe garda les moutons vers l'Arabie. La preuve qu'il était Priape eft encore meilleure c'eft que quelquefois on repréfentait Priape avec un âne, & que les Juifs paffèrent pour adorer un âne. Huet ajoute pour dernière confirmation, que la verge de Moife pouvait fort bien être comparée au fceptre de Priape. (0)

n'eft

Sceptrum Priapo tribuitur, virga Mofi.

pas

Voilà ce que Huet appelle fa démonftration. Elle à la vérité géométrique. Il eft à croire qu'il en rougit les dernières années de fa vie, & qu'il se fouvenait de fa démonstration, quand il fit fon traité de la faibleffe de l'efprit humain, & de l'incertitude de fes connaissances.

DES METAMORPHOSES CHEZ LES GRECS, RECUEILLIES PAR OVIDE.

L'OPINION de la migration des ames conduit naturellement aux métamorphofes, comme nous l'avons déjà vu. Toute idée qui frappe l'imagination & qui l'amufe, s'étend bientôt par tout le monde. Dès que vous m'avez perfuadé que mon (0) Huet, page 110.

ame peut entrer dans le corps d'un cheval, vous n'aurez pas de peine à me faire croire que mon corps peut être changé en cheval auffi.

Les métamorphofes recueillies par Ovide, dont nous avons déjà dit un mot, ne devaient point du tout étonner un Pythagoricien, un Brame, un Chaldéen, un Egyptien. Les dieux s'étaient changés en animaux dans l'ancienne Egypte. Derceto était devenue poiffon en Syrie; Sémiramis avait été changée en colombe à Babylone. Les Juifs dans des temps trèspostérieurs écrivent que Nabuchodonofor fut changé en bœuf, fans compter la femme de Lot transformée en ftatue de fel. N'eft-ce pas même une métamorphose réelle, quoique paffagère, que toutes les apparitions des dieux & des génies fous la forme humaine?

Un Dieu ne peut guère fe communiquer à nous, qu'en fe métamorphofant en homme. Il est vrai que Jupiter prit la figure d'un beau cygne, pour jouir de Léda; mais ces cas font rares: & dans toutes les religions, la Divinité prend toujours la figure humaine quand elle vient donner des ordres. Il ferait difficile d'entendre la voix des dieux s'ils fe préfentaient à nous en crocodiles ou en ours.

Enfin les dieux fe métamorphofèrent prefque par-tout; & dès que nous fumes inftruits des fecrets de la magie, nous nous métamorphofâmes nousmêmes. Plufieurs perfonnes dignes de foi fe changèrent en loups: le mot de loup-garou attefte encore parmi nous cette belle métamorphofe.

Ce qui aide beaucoup à croire toutes ces tranfmutations, & tous les prodiges de cette efpèce; c'eft

qu'on ne peut prouver en forme leur impoffibilité. On n'a nul argument à pouvoir alléguer à quiconque vous dira: un dieu vint hier chez moi fous la figure d'un beau jeune homme, & ma fille accouchera dans neuf mois d'un bel enfant que le dieu a daigné lui faire. Mon frère qui a ofé en douter a été changé en loup; il court & heurle actuellement dans les bois. Si la fille accouche en effet, fi l'homme devenu loup vous affirme qu'il a fubi en effet cette métamorphofe, vous ne pouvez démontrer que la chofe n'eft pas vraie. Vous n'auriez d'autre reffource que d'affigner devant les juges le jeune homme qui a contrefait le dieu, & fait l'enfant à la demoiselle ; qu'à faire obferver l'oncle loup-garou, & à prendre des témoins de fon impofture. Mais la famille ne s'expofera pas à cet examen; elle vous foutiendra avec les prêtres du canton, que vous êtes un profane & un ignorant ; ils vous feront voir que puifqu'une chenille eft changée en papillon, un homme peut tout auffi aifément être changé en bête: & fi vous difputez, vous ferez déféré à l'inquifition du pays, comme un impie qui ne croit ni aux loups-garous, ni aux dieux qui engroffent les filles.

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APRÈS avoir lu tout ce qu'on a écrit fur l'idolâtrie, on ne trouve rien qui en donne une notion précife. Il femble que Locke foit le premier qui ait appris aux hommes à définir les mots qu'ils prononçaient, & à ne point parler au hafard. Le terme qui répond à idolâtrie ne fe trouve dans aucune langue ancienne; c'eft une expreffion des

Grecs des derniers âges, dont on ne s'était jamais fervi avant le fecond fiècle de notre ère. Elle fignifie adoration d'images. C'eft un terme de reproche, un mot injurieux : jamais aucun peuple n'a pris la qualité d'idolâtre; jamais aucun gouvernement n'ordonna qu'on adorât une image, comme le Dieu fuprême de la nature. Les anciens Chaldéens, les anciens Arabes, les anciens Perfes n'eurent long-temps ni images ni temples. Comment ceux qui vénéraient dans le foleil, les aftres & le feu, les emblêmes de la Divinité, peuvent-ils être appelés idolâtres? Ils révéraient ce qu'ils voyaient: mais certainement révérer le foleil & les aftres, ce n'eft pas adorer une figure taillée par un ouvrier; c'eft avoir un culte erroné, mais ce n'eft point être idolâtre.

Je fuppofe que les Egyptiens aient adoré réelle ment le chien Anubis, & le bœuf Apis; qu'ils aient été affez fous pour ne les pas regarder comme des animaux confacrés à la divinité, & comme un emblême du bien que leur Isheth, leur Ifis, faifait aux hommes; pour croire même qu'un rayon célefte animait ce boeuf & ce chien confacrés ; il eft clair que ce n'était pas adorer une statue : une bête n'eft pas une idole.

Il eft indubitable que les hommes eurent des objets de culte, avant que d'avoir des sculpteurs; & il eft clair que ces hommes fi anciens ne pouvaient point être appelés idolâtres. Il refte donc à favoir fi ceux qui firent enfin placer les ftatues dans les temples, & qui firent révérer ces ftatues, fe nommèrent adorateurs de ftatues, & leurs peuples

adorateurs de ftatues : c'eft affurément ce qu'on ne trouve dans aucun monument de l'antiquité.

Mais en ne prenant point le titre d'idolâtres, l'étaient-ils en effet? était-il ordonné de croire que la ftatue de bronze qui repréfentait la figure fantaftique de Bel à Babylone, était le Maître, le DIEU, le Créateur du monde ? la figure de Jupiter était-elle Jupiter même? n'eft-ce pas, (s'il eft permis de comparer les ufages de notre fainte religion avec les ufages antiques,) n'eft-ce pas comme fi l'on disait que nous adorons la figure du père éternel avec une barbe longue, la figure d'une femme & d'un enfant, la figure d'une colombe? Ce font des ornemens emblématiques dans nos temples. Nous les adorons fi peu que, quand ces ftatues font de bois, on s'en chauffe dès qu'elles pourriffent, on en érige d'autres; elles font de fimples avertiffemens qui parlent aux yeux & à l'imagination. Les Turcs & les réformés croient que les catholiques font idolâtres, mais les catholiques ne ceffent de protefter contre cette injure.

Il n'eft pas poffible qu'on adore réellement une flatue; ni qu'on croie que cette ftatue eft le DIEU fuprême. Il n'y avait qu'un Jupiter, mais il y avait mille de fes ftatues; or ce Jupiter qu'on croyait lancer la foudre, était fuppofé habiter les nuées, ou le mont Olympe, ou la planète qui porte fon nom; & fes figures ne lançaient point la foudre, & n'étaient ni dans une planète, ni dans les nuées ni fur le mont Olympe : toutes les prières étaient adreffées aux dieux immortels, & affurément les ftatues n'étaient pas immortelles,

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