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avec quelques cérémonies, fefait venir les ames auxquelles on voulait parler. Je suppose qu'un égyptien eût dit à un philofophe: Je defcends en ligne droite des magiciens de Pharaon, qui changèrent des baguettes en Serpens, & les eaux du Nil en fang; un de mes ancêtres fe maria avec la pythoniffe d'Endor qui évoqua l'ombre de Samuel à la prière du roi Saül: elle communiqua fes fecrets à fon mari, qui lui fit part des fiens: je poffède cet héritage de père & de mère, ma généalogie eft bien avérée; je commande aux ombres & aux élémens. Le philofophe n'aurait eu autre chofe à faire qu'à lui demander fa protection: car fi ce philofophe avait voulu nier & difputer, le inagicien lui eût fermé la bouche en lui difant : Vous ne pouvez nier les faits; mes ancêtres ont été inconteftablement de grands magiciens, & vous n'en doutez pas; vous n'avez nulle raifon pour croire que je fois de pire condition qu'eux, furtout quand un homme d'honneur comme moi vous affure qu'il eft forcier. Le philofophe aurait pu lui dire: Faites-moi le plaifir d'évoquer une ombre, de me faire parler à une ame, de changer cette eau en fang, cette baguette en ferpent. Le magicien pouvait répondre : Je ne travaille pas pour les philofophes: j'ai fait voir des ombres à des dames trèsrefpectables, à des gens fimples qui ne difputent point: vous devez croire au moins qu'il eft trèspoffible que j'aie ces fecrets, puifque vous êtes forcé d'avouer que mes ancêtres les ont poffédés: ce qui s'eft fait autrefois fe peut faire aujourd'hui, & vous devez croire à la magie, fans que je fois obligé d'exercer mon art devant vous.

Ces raifons font fi bonnes que tous les peuples ont eu des forciers. Les plus grands forciers étaient payés

pour

par l'Etat voir clairement l'avenir dans le cœur & dans le foie d'un bœuf. Pourquoi donc a-t-on fi long-temps puni les autres de mort? ils fefaient des chofes plus merveilleufes; on devait donc les honorer beaucoup, on devait furtout craindre leur puiffance. Rien n'eft plus ridicule que de condamner un vrai magicien à être brûlé; car on devait préfumer qu'il pouvait éteindre le feu, & tordre le cou à fes juges. Tout ce qu'on pouvait faire, c'était de lui dire: Mon ami, nous ne vous brûlons pas comme un forcier véritable, mais comme un faux forcier, qui vous vantez d'un art admirable que vous ne poffedez pas; nous vous traitons comme un homme qui débite de la fauffe monnaie: plus nous aimons la bonne, plus nous puniffons ceux qui en donnent de fauffe: nous favons très-bien qu'il y a eu autrefois de vénérables magiciens, mais nous fommes fondés à croire que vous ne l'êtes pas, puifque vous vous laissez brûler comme un fot.

Il eft vrai que le magicien pouffé à bout pourrait dire: Ma science ne s'étend pas jufqu'à éteindre un bûcher fans eau, & jufqu'à donner la mort à mes juges avec des paroles; je peux feulement évoquer des ames, lire dans l'avenir, changer certaines matières en d'autres: mon pouvoir eft borné ; mais vous ne devez pas pour cela me brûler à petit feu; c'est comme fi vous fefiez pendre un médecin qui aurait guéri de la fièvre, & qui ne pourrait vous guérir d'une paralyfie. Mais les juges lui répliqueraient : Faites-nous donc voir quelque fecret de votre art, ou confentez à être brûlé de bonne grâce. (*)

4*) Voyez Poffedés.

A &

MAHOMETAN S.

JE vous le dis encore, ignorans imbécilles, à qui

d'autres ignorans ont fait accroire que la religion mahométane eft voluptueufe & fenfuelle, il n'en eft rien; on vous a trompés fur ce point comme fur tant d'autres.

Chanoines, moines, curés même, fi on vous impofait la loi de ne manger ni boire depuis quatre heures du matin jufqu'à dix du foir, pendant le mois de juillet, lorsque le carême arriverait dans ce temps; fi on vous défendait de jouer à aucun jeu de hafard fous peine de damnation; fi le vin vous était interdit fous la même peine; s'il vous fallait faire un pélerinage dans des déferts brûlans; s'il vous était enjoint de donner au moins deux & demi pour cent de votre revenu aux pauvres; fi accoutumés à jouir de dix-huit femmes on vous en retranchait tout d'un coup quatorze; en bonne foi oferiez-vous appeler cette religion sensuelle?

Les chrétiens latins ont tant d'avantages fur les musulmans, je ne dis pas en fait de guerre, mais en fait de doctrine; les chrétiens grecs les ont tant battus en dernier lieu depuis 1769 jufqu'à 1773, que ce n'eft pas la peine de fe répandre en reproches injuftes fur l'iflamifme.

Tâchez de reprendre fur les mahométans tout ce qu'ils ont envahi; mais il eft plus aifé de les calomnier.

Je hais tant la calomnie que je ne veux pas même qu'on impute des fottifes aux Turcs, quoique je les détefte comme tyrans des femmes & ennemis

des arts.

Je ne fais pourquoi l'hiftorien du bas empire prétend (a) que Mahomet parle dans fon Koran de fon voyage dans le ciel Mahomet n'en dit pas un mot; nous l'avons prouvé.

Il faut combattre fans ceffe. Quand on a détruit une erreur, il fe trouve toujours quelqu'un qui la reffufcite. (*)

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QUE je fuis malheureux d'être né! difait Ardassan

Ougli, jeune icoglan du grand padisha des Turcs. Encore fi je ne dépendais que du grand padisha: mais je fuis foumis au chef de mon oda, au capigi bachi; & quand je veux recevoir ma paye, il faut que je me profterne devant un commis du tefterdar, qui m'en retranche la moitié. Je n'avais pas fept ans que l'on me coupa, malgré moi, en cérémonie, le bout de mon prépuce; & j'en fus malade quinze jours. Le derviche qui nous fait la prière eft mon maître; un iman est encore plus mon maître; le molla l'eft encore plus que l'iman. Le cadi eft un autre maître; le cadilefquier l'est davantage;

(a) XII vol. page 209.

(") Voyez Arot & Marot, & Alcoran.

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le muphti l'eft beaucoup plus que tous ceux-là enfemble. Le kiaïa du grand-vifir peut d'un mot me faire jeter dans le canal ; & le grand-vifir enfin peut me faire ferrer le col à fon plaifir, & empailler la peau de ma tête, fans que perfonne y prenne feulement garde.

Que de maîtres, grand DIEU! quand j'aurais autant de corps & autant d'ames que j'ai de devoirs à remplir, je n'y pourrais pas fuffire. O Allah! que ne m'as-tu fait chat-huant! je vivrais libre dans mon trou, & je mangerais des fouris à mon aise fans maître & fans valets. C'eft affurément la vraie deftinée de l'homme; il n'a des maîtres que depuis qu'il eft perverti. Nul homme n'était fait pour fervir continuellement un autre homme. Chacun aurait charitablement aidé fon prochain, fi les chofes étaient. dans l'ordre. Le clair-voyant aurait conduit l'aveugle; le difpos aurait fervi de béquilles au cul-de-jatte. Ce monde aurait été le paradis de Mahomet; & il est l'enfer, qui fe trouve précisément sous le pont-aigu. Ainfi parlait Ardaffan Ougli, après avoir reçu étrivières de la part d'un de fes maîtres.

les

Ardaffan Ougli, au bout de quelques années, devint bacha à trois queues. Il fit une fortune prodigieuse; & il crut fermement que tous les hommes, excepté le grand-turc & le grand-vifir, étaient nés pour le fervir, & toutes les femmes pour lui donner du plaifir felon fes volontés.

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