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précisément ce qui conftitue le paradis célefte, c'est la jouiffance de DIEU même. (b) Je ne prends pas la liberté de difputer contre l'ange de l'école. Je dis feulement: Heureux qui peut toujours être dans un de ces trois paradis !

Quelques favans curieux ont cru que le jardin des Hespérides, gardé par un dragon, était une imitation du jardin d'Eden gardé par un bœuf ailé, ou par un chérubin. D'autres favans plus téméraires ont ofé dire que le bœuf était une mauvaise copie du dragon, & que les Juifs n'ont jamais été que de groffiers plagiaires mais c'eft blafphemer, & cette idée n'eft pas foutenable.

Pourquoi a-t-on donné le nom de paradis à des cours quarrées au-devant d'une églife?

Pourquoi a-t-on appelé paradis le rang des troisièmes loges à la comédie & à l'opéra? Eft-ce parce que ces places, étant moins chères que les autres, on a cru qu'elles étaient faites pour les pauvres ; & qu'on prétend que dans l'autre paradis il y a beaucoup plus de pauvres que de riches? eft-ce parce que ces loges, étant fort hautes, on leur a donné un nom qui fignifie auffi le ciel? il y a pourtant un peu de différence entre monter au ciel & monter aux troifièmes loges.

Que penferait un étranger arrivant à Paris, à qui un parifien dirait : Voulez-vous que nous allions voir Pourceaugnac au paradis?

Que d'incongruités, que d'équivoques dans toutes les langues! Que tout annonce la faibleffe humaine!

(b) I. partie, question CII.

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Voyez l'article Paradis dans le grand dictionnaire encyclopédique; il eft affurément meilleur que celui-ci.

Paradis aux bienfefans, difait toujours l'abbé de Saint-Pierre.

PARLEMENT DE FRANCE.

Depuis Philippe le Bel jufqu'à Charles VII. PARLEN

ARLEMENT vient fans doute de parler; & l'on prétend que parler venait du mot celte paler, dont les Cantabres & autres Efpagnols firent palabra. D'autres affurent que c'eft de parabola, & que de parabole on fit parlement. C'eft-là fans doute une érudition fort utile.

Il y a du moins je ne fais quelle apparence de doctrine plus férieufe dans ceux qui vous difent que nous n'avons pu encore découvrir de monumens où fe trouve le mot barbare parlamentum, que vers le temps des premières croifades.

On peut répondre : Le terme parlamentum était en ufage alors pour fignifier les affemblées de la nation; donc il était en ufage très-long-temps auparavant. On n'inventa jamais un terme nouveau pour les

chofes ordinaires.

Philippe III, dans la charte de cet établissement à Paris, parle d'anciens parlemens. Nous avons des féances de parlement judiciaire depuis 1254; & une preuve qu'on s'était fervi fouvent du mot général parlement, en défignant les affemblées de la nation, c'eft que nous donnâmes ce nom à ces affemblées,

dès

dès que nous avons écrit en langue françaife : & les Anglais, qui prirent toutes nos coutumes, appelèrent parlement leurs affemblées des pairs.

Ce mot, fource de tant d'équivoques, fut affecté à plufieurs autres corps, aux officiers municipaux des villes, à des moines, à des écoles; autre preuve d'un antique ufage.

On ne répétera pas ici comment le roi Philippe le bel, qui détruifit & forma tant de chofes, forma une chambre de parlement à Paris, pour juger dans cette capitale les grands procès portés auparavant par-tout où fe trouvait la cour; comment cette chambre qui ne fiégait que deux fois l'année fut falariée par le roi à cinq fous par jour pour chaque confeiller juge. Cette chambre était néceffairement compofée de membres amovibles, puisque tous avaient d'autres emplois : de forte que qui était juge à Paris, à la touffaint, allait commander les troupes, à la pentecôte.

Nous ne redirons point comment cette chambre ne jugea de long-temps aucun procès criminel; comment les clercs ou gradués, enquêteurs établis pour rapporter les procès aux feigneurs confeillers juges, & non pour donner leurs voix, furent bientôt mis à la place de ces juges d'épée qui rarement favaient lire & écrire.

On fait par quelle fatalité étonnante & funefte le premier procès criminel que jugèrent ces nouveaux confeillers gradués, fut celui de Charles VII leur roi alors dauphin de France, qu'ils déclarèrent, fans le nommer, déchu de fon droit à la couronne ; & comment, quelques jours après, ces mêmes juges, fubjugués par le parti anglais dominant, condamnèrent Dictionn. philofoph. Tome VI.

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le dauphin, le defcendant de S' Louis, au banniffement perpétuel le 3 janvier 1420; arrêt auffi incompétent qu'infame, monument éternel de l'opprobre & de la défolation où la France était plongée, & que le préfident Hénault a tâché en vain de pallier dans fon abrégé auffi eftimable qu'utile. Mais tout fort de fa fphère dans les temps de trouble. La démence du roi Charles VI, l'affaffinat du duc de Bourgogne commis par les amis du dauphin, le traité folemnel de Troyes, la défection de tout Paris & des trois quarts de la France, les grandes qualités, les victoires, la gloire, l'efprit, le bonheur de Henri V, folemnellement déclaré roi de France; tout femblait excufer le parlement.

Après la mort de Charles VI en 1422, & dix jours après les obfèques, tous les membres du parlement de Paris jurèrent fur un miffel, dans la grand'chambre, obéiffance & fidélité au jeune roi d'Angleterre HenriVI fils de Henri V; & ce tribunal fit mourir une bourgeoife de Paris qui avait eu le courage d'ameuter plufieurs citoyens pour recevoir leur roi légitime dans fa capitale. Cette refpectable bourgeoise fut exécutée avec tous les citoyens fidelles que le parlement put faifir. Charles VII érigea un autre parlement à Poitiers; il fut peu nombreux, peu puiffant, & point payé.

Quelques membres du parlement de Paris, dégoûtés des Anglais, s'y réfugièrent. Et enfin, quand Charles eut repris Paris, & donné une amniftie générale, les deux parlemens furent réunis.

Parlement. L'étendue de fes droits.

Machiavel, dans fes remarques politiques fur TiteLive, dit que les parlemens font la force du roi de France. Il avait très-grande raison en un fens. Machiavel italien voyait le pape comme le plus dangereux monarque de la chrétienté. Tous les rois lui fefaient la cour; tous voulaient l'engager dans leurs querelles; & quand il exigeait trop, quand un roi de France n'ofait le refuser en face, ce roi avait fon parlement tout prêt qui déclarait les prétentions du pape contraires aux lois du royaume, tortionnaires, abufives, abfurdes. Le roi s'excufait auprès du pape en difant qu'il ne pouvait venir à bout de fon parlement.

C'était bien pis encore quand le roi & le pape fe querellaient. Alors les arrêts triomphaient de toutes les bulles, & la tiare était renversée par la main de justice. Mais ce corps ne fit jamais la force des rois quand ils eurent befoin d'argent. Comme c'eft avec ce feul reffort qu'on eft fûr d'être toujours le maître, les rois en voulaient toujours avoir; il en fallut demander d'abord aux états-généraux. La cour du parlement de Paris, fédentaire & inftituée pour rendre la juftice, ne fe mêla jamais de finance jufqu'à François 1. La famcufe réponse du premier préfident Jean de la Vaquerie au duc d'Orléans (depuis Louis XII) en est une preuve affez forte: Le parlement est pour rendre juflice au peuple; les finances, la guerre, le gouvernement du roi ne font point de fon reffort.

On ne peut pardonner au préfident Hénault de n'avoir pas rapporté ce trait qui fervit long-temps de

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