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plus de prières publiques que les deux autres, & qu'elles n'avaient pas même encore une religion bien fixe & bien déterminée, puifqu'elles l'abandonnèrent fi facilement, & qu'elles oublierent jufqu'à leur nom; ce que ne fit pas le petit nombre de pauvres infortunes qui vint rebâtir Jérufalem.

C'eft donc alors que ces deux tribus, ou plutôt ces deux tribus & demie, femblèrent s'attacher à des rites invariables, qu'ils écrivirent, qu'ils eurent des prières réglées. C'eft alors feulement que nous commençons à voir chez eux des formules de prières. Efdras ordonna deux prières par jour, & il en ajouta une troisième pour le jour du fabbat: on dit même qu'il inftitua dix-huit prières, (afin qu'on pût choifir) dont la première commence ainfi :

"Sois béni, Seigneur, DIEU de nos pères, DIEU " d'Abraham, d'Ifaac, de Jacob, le grand DIEU, le "puiffant, le terrible, le haut élevé, le diftributeur "libéral des biens, le plafinateur & le poffeffeur " du monde, qui te fouviens des bonnes actions " & qui envoies un libérateur à leurs defcendans "pour l'amour de ton nom. O roi, notre fecours, "notre fauveur, notre bouclier, fois béni, Seigneur, " bouclier d'Abraham. "

On affure que Gamaliel, qui vivait du temps de JESUS-CHRIST, & qui eut de fi grands démêlés avec St Paul, inflitua une dix-neuvième prière que voici :

" Accorde la paix, les bienfaits, la bénédiction, " la grâce, la bénignité & la piété à nous & à Ifraël "ton peuple. Bénis-nous, ô notre père! bénis-nous

tous enfemble par la lumière de ta face; car par la lumière de ta face tu nous as donné, Seigneur Dictionn. philofoph. Tome VI.

,, notre DIEU, la loi de vie, l'amour, la bénignité, , l'équité, la bénédiction, la piété, la vie & la paix. " Qu'il te plaife de bénir en tout temps, & à tout " moment ton peuple d'Ifraël en lui accordant la " paix. Béni fois-tu, Seigneur, qui bénis ton peuple d'Ifraël en lui donnant la paix. Amen. 99 ( * )

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Il y a une chofe affez importante à obferver dans plufieurs prières, c'est que chaque peuple a toujours demandé tout le contraire de ce que demandait fon voifin.

Les Juifs priaient DIEU, par exemple, d'exterminer les Syriens, Babyloniens, Egyptiens; & ceux-ci priaient DIEU d'exterminer les Juifs: auffi le furentils comme les dix tribus qui avaient été confondues parmi tant de nations; & ceux-ci furent plus malheureux; car s'étant obftinés à demeurer féparés de tous autres peuples, étant au milieu des peuples, ils n'ont pu jouir d'aucun avantage de la fociété humaine.

De nos jours, dans nos guerres fi souvent entreprifes pour quelques villes ou pour quelques villages, les Allemands & les Efpagnols, quand ils étaient les ennemis des Français, priaient la Ste Vierge du fond de leur cœur de bien battre les Welches & les Gavaches, lefquels de leur côté fuppliaient la Sie Vierge de détruire les Maranes & les Teutons.

En Angleterre, la Rose rouge fefait les plus ardentes prières à St George, pour obtenir que tous les partifans de la Rofe blanche fuffent jetés au fond de la mer.

(*) Confultez fur cela les premier & fecond volumes de la Mishna, & l'article Prière.

La Rose blanche répondait par de pareilles fupplications. On fent combien Saint George devait être embarraffé; & fi Henri VII n'était pas venu à fon fecours, George ne se serait jamais tiré de là.

SI un

ORDINATIO N.

I un militaire, chargé par le roi de France de conférer l'ordre de St Louis à un autre militaire, n'avait pas, en lui donnant la croix, l'intention de le faire chevalier, le récipiendaire en ferait-il moins chevalier de St Louis ? non fans doute.

Pourquoi donc plufieurs prêtres fe firent-ils réordonner après la mort du fameux Lavardin évêque du Mans? Ce fingulier prélat qui avait établi l'ordre des Côteaux (a) s'avifa, à l'article de la mort, d'une espieglerie peu commune. Il était connu pour un des plus violens efprits forts du fiècle de Louis XIV; & plufieurs de ceux auxquels il avait conféré l'ordre de la prêtrife lui avaient publiquement reproché fes fentimens. Il eft naturel qu'aux approches de la mort une ame fenfible & timorée rentre dans la religion. qu'elle a reçue dans fes premières années. La bienféance feule exigeait que l'évêque édifiat en mourant fes diocéfains que fa vie avait fcandalifes; mais il était fi piqué contre fon clergé, qu'il déclara qu'aucun de ceux qu'il avait ordonnés n'était prêtre en effet, que tous leurs actes de prêtres étaient nuls, & qu'il n'avait jamais eu l'intention de donner aucun facrement.

(a) C'était un ordre de gourmets. Les ivrognes étaient alors fort à la mode; l'évêque du Mans était à leur tête.

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C'était, ce me femble, raifonner comme un ivrogne; les prêtres manfaux pouvaient lui répondre: Ce n'est pas votre intention qui eft néceffaire, c'eft la nôtre. Nous avions une envie bien déterminée d'être prêtres; nous avons fait tout ce qu'il faut pour l'être; nous fommes dans la bonne foi; fi vous n'y avez pas été, il ne nous importe guère. La maxime eft, quidquid recipitur ad modum recipientis recipitur, & non pas ad modum dantis. Lorfque notre marchand de vin nous a vendu une feuillette, nous la buvons, quand même il aurait l'intention fecrète de nous empêcher de la boire; nous ferons prêtres malgré votre teftament.

Ces raifons étaient fort bonnes cependant la plupart de ceux qui avaient été ordonnés par l'évêque Lavardin, ne fe crurent point prêtres, & fe firent ordonner une feconde fois. Mafcaron, médiocre & célébre prédicateur, leur perfuada par fes difcours & par fon exemple de réitérer la cérémonie. Ce fut un grand fcandale au Mans, à Paris & à Verfailles. Il fut bientôt oublié, comme tout s'oublie.

ORGUE I L

GICERON

ICERON dans une de fes lettres dit familièrement à fon ami: Mandez - moi à qui vous voulez que je faffe donner les Gaules. Dans une autre il fe plaint d'être fatigué des lettres de je ne fais quels princes qui le remercient d'avoir fait ériger leurs provinces en royaumes, & il ajoute qu'il ne fait feulement pas où ces royaumes font fitués.

Il fe peut que Cicéron, qui d'ailleurs avait souvent vu le peuple romain, le peuple roi, lui applaudir & lui obéir, & qui était remercié par des rois qu'il ne connaiffait pas, ait eu quelques mouvemens d'orgueil & de vanité.

Quoique ce fentiment ne foit point du tout convenable à un auffi chétif animal que l'homme, cependant on pourrait le pardonner à un Cicéron, à un César, à un Scipion: mais que dans le fond d'une de nos provinces à demi-barbares, un homme qui aura acheté une petite charge, & fait imprimer des vers médiocres, s'avife d'être orgueilleux, il y a là de quoi rire longtemps. (*)

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C'EST ici le prétendu triomphe des fociniens ou

unitaires. Ils appellent ce fondement de la religion chrétienne, fon péché originel. C'eft outrager DIEU, difent-ils; c'eft l'accufer de la barbarie la plus abfurde que d'ofer dire qu'il forma toutes les générations des hommes pour les tourmenter par des fupplices éternels, fous prétexte que leur premier père mangea d'un fruit dans un jardin. Cette facrilége imputation eft d'autant plus inexcufable chez les chrétiens, qu'il n'y a pas un feul mot touchant cette invention du péché originel ni dans le Pentateuque ni dans les prophètes nidans les évangiles, foit apocryphes, foit canoniques, (*) Voyez Jefuites.

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