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Vous avez deviné tout le fecret. Mangez, & modérément, ce que vous favez par expérience vous convenir. Il n'y a de bon pour le corps que ce qu'on digère. Quelle médecine vous fera digérer ? l'exercice. Quelle réparera vos forces? le fommeil. Quelle diminuera des maux incurables? la patience. Qui peut changer une mauvaise conftitution? rien. Dans toutes les maladies violentes nous n'avons que la recette de Molière, feignare, purgare, & fi l'on veut, cliflerium donare. Il n'y en a pas une quatrième. Tout cela n'eft autre chofe, comme je vous l'ai dit, que nettoyer une maifon à laquelle nous ne pouvons pas ajouter une cheville. Tout l'art confifte dans l'àpropos.

L A PRINCESS E.

Vous ne fardez point votre marchandise. Vous êtes honnête homme. Si je fuis reine, je veux vous faire mon premier médecin.

LE MÉDECIN.

Que votre premier médecin foit la nature. C'est elle qui fait tout. Voyez tous ceux qui ont pouffé leur carrière jufqu'à cent années, aucun n'était de la faculté. Le roi de France a déjà enterré une quarantaine de fes médecins, tant premiers médecins que médecins de quartier & confultans.

LA PRINCESS E.

Vraiment, j'espère bien vous enterrer auffi.

MARIAGE.

SECTION PREMIERE.

J'AI rencontré un raifonneur qui difait : Engagez vos

ΑΙ

fujets à fe marier le plutôt qu'il fera poffible; qu'ils foient exempts d'impôt la première année, & que leur impôt foit réparti fur ceux qui au même âge feront dans le célibat.

Plus vous aurez d'hommes mariés, moins il y aura de crimes. Voyez les regiftres affreux de vos greffes criminels; vous y trouvez cent garçons de pendus, ou de roués, contre un père de famille.

Le mariage rend l'homme plus vertueux & plus fage. Le père de famille ne veut pas rougir devant fes enfans. Il craint de leur laiffer l'opprobre pour héritage.

Mariez vos foldats, ils ne déferteront plus. Liés à leur famille, ils le feront à leur patrie. Un foldat célibataire n'eft fouvent qu'un vagabond, à qui il ferait égal de fervir le roi de Naples & le roi de Maroc.

Les guerriers romains étaient mariés ; ils combattaient pour leurs femmes & pour leurs enfans; & ils firent efclaves les femmes & les enfans des autres nations.

Un grand politique italien, qui d'ailleurs était fort favant dans les langues orientales, chofe très-rare chez nos politiques, me difait dans ma jeunesse : Caro figlio, fouvenez-vous que les Juifs n'ont jamais

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eu qu'une bonne inftitution, celle d'avoir la virginité en horreur. Si ce petit peuple de courtiers fuperftitieux n'avait pas regardé le mariage comme la première loi de l'homme, s'il y avait eu chez lui des couvens de religieufes, il était perdu fans reffource.

SECTION II.

LE mariage eft un contrat du droit des

gens, dont les catholiques romains ont fait un facrement.

Mais le facrement & le contrat font deux chofes bien différentes; à l'un font attachés les effets civils, à l'autre les grâces de l'Eglife.

Ainfi lorsque le contrat fe trouve conforme au droit des gens, il doit produire tous les effets civils. Le défaut de facrement ne doit opérer que la privation des grâces fpirituelles.

Telle a été la jurisprudence de tous les fiècles & de toutes les nations, excepté des Français. Tel a été même le fentiment des pères de l'Eglife les plus accrédités.

Parcourez les codes théodofien & juftinien, vous n'y trouverez aucune loi qui ait profcrit les mariages des perfonnes d'une autre croyance, lors même qu ils avaient été contractés avec des catholiques.

Il eft vrai que Conftance, ce fils de Conftantin, auffi cruel que fon père, défendit aux Juifs, fous peine de mort, de se marier avec des femmes chrétiennes, (a) & que Valentinien, Théodofe, Arcade, firent la même défense, fous les mêmes peines aux femmes juives.

(a) Code théod. tit. de Judæis, loi VI.

Mais ces lois n'étaient déjà plus obfervées fous l'empereur Marcien; & Juflinien les rejeta de fon code. Elles ne furent faites d'ailleurs que contre les Juifs, & jamais on ne penfa de les appliquer aux mariages des païens ou des hérétiques avec les fectateurs de la religion dominante.

Confultez St Auguftin, (b) il vous dira que de fon temps on ne regardait pas comme illicites les mariages des fidelles avec les infidelles, parce qu'aucun texte de l'Evangile ne les avait condamnés. Quæ matrimonia cum infidelibus noftris temporibus jam non putantur effe peccata; quoniam in novo Teftamento, nihil indė præceptum eft, & ideò aut licere creditum eft aut velut dubium derelictum.

Auguflin dit de même, que ces mariages opèrent fouvent la converfion de l'époux infidelle. Il cite l'exemple de fon propre père, qui embraffa la religion chrétienne parce que fa femme Monique profeffait le chriftianifme. Clotilde par la converfion de Clovis, & Théodelinde par celle d'Agiluf roi des Lombards, furent plus utiles à l'Eglife que fi elles euffent époufé des princes orthodoxes.

Confultez la déclaration du pape Benoît XIV du 4 novembre 1741, vous y lirez ces propres mots : Quod verò fpectat ad ea conjugia quæ abfque formâ à Tridentino flatuta, contrahuntur à catholicis cum hæreticis, five catholicus vir hæreticam fœminam ducat, five catholica fæmina hæretico viro nubat; fi hujufmodi matrimonium fit contractum aut in pofterum contrahi contingat, Tridentini formâ non fervatâ, declarat fanclitas fua, alio non concurrente impedimento, validum habendum effe, fciens (b) Lib. de fide & operib. cap. XIX, n. 35. Dictionn. philofoph. Tome VI.

B

conjux catholicus fe iflius matrimonii vinculo perpetuo ligatum.

Par quel étonnant contrafte les lois françaises fontelles fur cette matière plus févères que celles de l'Eglife? la première loi qui ait établi ce rigorifme en France eft l'édit de Louis XIV du mois de novembre 1680. Cet édit mérite d'être rapporté.

" Louis &c. Les canons des conciles ayant con,, damné les mariages des catholiques avec les ›› hérétiques comme un scandale public, & une

profanation du facrement, nous. avons eftimé ,, d'autant plus nécessaire de les empêcher à l'avenir, ,, que nous avons reconnu que la tolérance de ces ,, mariages expofe les catholiques à une tentation " continuelle de fa perverfion &c. A ces caufes &c. ,, voulons & nous plaît qu'à l'avenir nos fujets de ,, la religion catholique, apoftolique & romaine, ne

puiffent fous quelque prétexte que ce foit contracter ,, mariage avec ceux de la religion prétendue réformée, ,, déclarant tels mariages non valablement contractés, & les enfans qui en viendront illégitimes.",

Il eft bien fingulier que l'on fe foit fondé fur les lois de l'Eglife pour annuller des mariages que l'Eglife n'annulla jamais. Vous voyez dans cet édit le facrement confondu avec le contrat civil; c'eft cette confufion qui a été la fource des étranges lois de France fur le mariage.

St Auguftin approuvait les mariages des orthodoxes avec les hérétiques, parce qu'il efpérait que l'époux fidelle convertirait l'autre; & Louis XIV les condamne dans la crainte que l'hétérodoxe ne pervertiffe le fidelle!

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