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Autour d'un caudebec 1 j'en ai lu la préface.
L'autre jour sur un mot la cour vous condamna;
Le bruit court qu'avant-hier on vous assassina;
Un écrit scandaleux sous votre nom se donne:

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D'un pasquin qu'on a fait, au Louvre on vous soupçonne.
-Moi? --Vous: on nous l'a dit dans le Palais-Royal. 5
Douze ans sont écoulés depuis le jour fatal
Qu'un libraire, imprimant les essais de ma plume,
Donna, pour mon malheur, un trop heureux volume.
Toujours, depuis ce temps, en proie aux sots discours, 7

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1 Sorte de chapeaux de laine, qui se font à Caudebec en Normandie. Boil., 1713.

V. 1683 à 1697. A l'entour d'un castor (cela fut corrigé sur l'avis de Pradon... Voy. tome I, Essai, no 163).

2 Tallemant aîné fit courir ce faux bruit... Pradon dit aussi que Boileau avait des coups de bâton. Bross.

reçu

Hier dans ce vers n'a qu'une syllabe, tandis que Boileau lui en a donné deux au vers 52, et au v. 19 de la satire ; c'est, disait-il, parce que le mot hier ne serait pas assez soutenu si on ne le faisait que d'une syllabe quand il est seul, au lieu qu'il l'est assez quand il est précédé d'avant... Bross. 3 Un sonnet satirique contre le duc de Nevers. Bross.

Il eût été plus exact de dire une pasquinade. Mermet, 47.

disait alors pasquin pour pasquinade. Féraud.

Mais on

5 Allusion aux nouvellistes qui s'assemblent dans le jardin de ce palais. Boil., 1713.

6 La douzième année commençait seulement à courir, la première édition

étant de mars 1666 (voy. tome I, Not. bibl., §, 1, no 7).

7 Vers 64 à 67. Horace, liv. II, sat. vi, v. 40, 47.

Septimus octavo propior jam fugerit annus,

Ex quo

Maecenas me cœpit habere suorum

In numero. . . .

Per totum hoc tempus, subjectior in diem et horam
Invidiæ.

Im. de B.. Gâcon, épît. à Pavillon :

Depuis le jour fatal où ma muse insensée

Sans contrainte et sans fard exprima sa pensée,
Par les plus froids auteurs je me vois assailli.

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Contre eux la vérité m'est un faible secours.
Vient-il de la province une satire fade,
D'un plaisant du pays insipide boutade? 1
Pour la faire courir on dit qu'elle est de moi;
Et le sot campagnard le croit de bonne foi.
J'ai beau prendre à témoin et la cour et la ville: --
Non; à d'autres, dit-il; on connaît votre style.
Combien de temps ces vers vous ont-ils bien coûté?
Ils ne sont point de moi, monsieur, en vérité : 2
Peut-on m'attribuer ces sottises étranges? -
Ah! monsieur, vos mépris vous servent de louanges,
Ainsi de cent chagrins dans Paris accablé,
Juge si, toujours triste, interrompu, troublé,
Lamoignon, j'ai le temps de courtiser les muses:
Le monde cependant se rit de mes excuses,

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1 Im. de B.. Gâcon, satire vir (contre les auteurs du Mercure Galant). Vient-il de la province un ouvrage insipide?

2 Voilà un vers bien harmonieux. Pradon, R., 71.

5 Voilà d'étranges sottises, des choses fades et des complimens de la place Maubert. Pradon, R., 71. Quant aux satires attribuées à Boileau et aux désaveux qu'il en fit, voy. tome I, Essai, n° 159, et le catalogue de ses

œuvres,

VII.

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Gâcon (ép. à Fléchère) dit au sujet de ces désaveux :

En vain même Boileau désavoue aujourd'hui

Mille insipides vers qui ne sont pas de lui :
Il suffit qu'on les voie imprimés dans son livre,
Et que pour vrais Boileau le marchand vous les livre,
Mille faux connaisseurs les croyant de sa main
Admirent sous son nom le plus froid écrivain.

Horace, liv. II, épît. 11, v. 79.

Tu me inter strepitus nocturnos atque diurnos
Vis canere, et contracta sequi vestigia vatum?

5 Le monde, pris pour le public, paraitrait un peu néologique. Le Brun.

Croit que, pour m'inspirer sur chaque évènement, 1 Apollon doit venir au premier mandement. 2

Un bruit court que le roi va tout réduire en poudre, 85 Et dans Valencienne est entré comme un foudre; 3 Que Cambrai, des Français l'épouvantable écueil, A vu tomber enfin ses murs et son orgueil; Que, devant Saint-Omer, Nassau, par sa défaite, De Philippe vainqueur rend la gloire complète. * Dieu sait comme les vers chez vous s'en vont couler!

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1 La conjonction et, pour la pureté du langage, devrait, il me semble précéder croit que. Le Brun.

Au

2 Mandement a vieilli ordre serait l'expression propre. Lévizac. premier mandement, jeté après Apollon, est plaisant et produit son effet.

Le Brun.

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3 Valencienne. Ce grand mot de quatre syllabes traînantes détruit un peu la prosodie, et forme contraste avec la rapidité de la foudre, qui sert à peindre le monarque. Le Brun. Est entré comme un foudre;» il nous semble que cette expression est à-la-fois faible et enflée. D'Alembert, III, 63. Elle est faible, dit M. Am., parce que l'action rapide de la foudre n'est point caractérisée par le verbe entrer; et enflée, parce qu'il y a exagération dans la métaphore, M. de S.-S. trouve au contraire cette critique peu fondée,

ou au moins, trop rigoureuse.

* La bataille de Cassel, gagnée par Monsieur, Philippe de France, frère unique du roi, en 1677. Boil., 1713 ( le 11 avril ).

L'auteur m'a fait remarquer qu'en décrivant les conquêtes du roi dans ces quatre vers (Un bruit, etc., v. 85 à 88), il avait employé tout ce que la poésie a de plus magnifique ; et qu'en parlant des exploits de Monsieur dans les deux vers De Philippe, etc., il avait pris un ton plus modeste pour éviter de mettre ce prince en parallèle avec le roi. Bross. Voy. aussi la note du

vers 133 de l'ode sur Namur.

Boileau pouvait encore y faire sentir (dans ces six vers) l'art du poète dans la dégradation des teintes; il pouvait se faire un mérite du soin qu'il avait eu, après les deux vers foudroyans qui ouvrent cette tirade, de commencer déjà à baisser un peu le ton dans les deux vers du milieu, afin que le passage ne fût pas trop tranchant et trop brusque, de la fierté des premiers vers à la modestie des derniers. D'Alembert, I, 55.

Dit d'abord un ami qui veut me cajoler, 1

Et, dans ce temps guerrier et fécond 2 en Achilles,
Croit que l'on fait les vers comme l'on prend les villes.
Mais moi, dont le génie est mort en ce moment,

Je ne sais que répondre à ce vain compliment;
Et, justement confus de mon peu d'abondance,

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Je me fais un chagrin du bonheur de la France. 3
+ Qu'heureux est le mortel qui, du monde ignoré,
Vit content de soi-même en un coin retiré!
Que l'amour de ce rien qu'on nomme renommée
N'a jamais enivré d'une vaine fumée;

Qui de sa liberté forme tout son plaisir,

Et ne rend qu'à lui seul compte de son loisir!5

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1 V. O. Orthographe de 1701, in-12, dernière édition revue par l'auteur. Brossette et plusieurs éditeurs ont mis comme dans les éditions de 1683 à 1701, in-4°, et 1713, cageòlèr.

2 V. E. Texte de 1683 à 1713, et non pas si fécond, comme on lit à 1809 et 1825, Dau.; 1821, Am.; 1825, Aug. (in-8 et in-32); 1826, Mar.; 1828, Th.; 1829, B. Ch.; et comme l'avait déjà mis l'illustre Chapat (p. 80), car Chapat a refait ce vers, comme tant d'autres de Boileau. 5 Beau vers heureux contraste d'expression et de pensée. Le Brun. Vers 91 à 98... On ne peut louer plus finement un monarque victorieux, que le fait dans ce passage l'auteur de cette belle épître. Bouhours, 267. V. E. Texte de 1683 à 1713. Brossette omet l'alinéa et presque tous les éditeurs indiqués à épît. v, v. 20, p. 57, l'ont imité.

5 Racan (stances sur la retraite) avait dit :

O bienheureux celui qui peut de sa mémoire
Effacer pour jamais les vains desirs de gloire
Dont l'inutile soin traverse nos plaisirs,
Et qui loin, retiré de la foule importune,
Vivant dans sa maison, content de sa fortune,

A selon son pouvoir mesuré ses desirs.

C'est, dit La Harpe (Lyc., IV, 27), c'est un objet de comparaison assez curieux que de voir précisément les mêmes idées renfermées dans le même nombre de vers, par le grand versificateur Despréaux»... Il cite ensuite ce pas

Il n'a point à souffrir d'affronts ni d'injustices,
Et du peuple inconstant il brave les caprices.
Mais nous autres faiseurs de livres et d'écrits,
Sur les bords du Permesse aux louanges nourris,
Nous ne saurions briser nos fers et nos entraves,
Du lecteur dédaigneux honorables esclaves.
Du rang où notre esprit une fois s'est fait voir,
Sans un fâcheux éclat nous ne saurions déchoir.
Le public, enrichi du tribut de nos veilles,
Croit qu'on doit ajouter merveilles sur merveilles.
Au comble parvenus il veut que nous croissions:
Il veut en vieillissant que nous rajeunissions. 1
Cependant tout décroît; et moi-même à qui l'âge `
D'aucune ride encor n'a flétri le visage,

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sage Qu'heureux, etc. (v. 99-104), et ajoute : Peut-être serait-il difficile de choisir. L'expression est certainement plus poétique dans les derniers (ceux de Boileau); mais il règne dans les autres je ne sais quel abandon qui peut balancer l'élégance.

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Vers 107 à 116. Corneille avait dit (Horace, acte V, sc. 1), au sujet de l'appréciation que le peuple fait de la vertu :

Il veut que ses dehors gardent un même cours,
Qu'ayant fait un miracle elle en fasse toujours:
Après une action pleine, haute, éclatante,
Tout ce qui brille moins remplit mal son attente:
Il veut qu'on soit égal en tout temps, en tous lieux;
Il n'examine point si lors on pouvait mieux,
Ni que, s'il ne voit pas sans cesse une merveille,
L'occasion est moindre, et la vertu pareille :
Son injustice accable et détruit les grands noms;
L'honneur des premiers faits se perd par les seconds;
Et quand la renommée a passé l'ordinaire,

Si l'on n'en veut déchoir il faut ne plus rien faire.

Ces vers ont un fond admirable de raison et de vérité; mais ils sont trop diffus et trop peu élégans, tandis que ceux de Boileau sont pleins de précision et d'élégance. Clément, lett. 1x, p. 265.

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