C'est de vous renfermer aux trous de quelque mur. Se mirent à jaser aussi confusément Que faisoient les Troyens quand la pauvre Cassandre Il en prit aux uns comme aux autres: Maint oisillon se vit esclave retenu. Nous n'écoutons d'instincts que ceux qui sont les nôtres, Et ne croyons le mal que quand il est venu. FABLE IX. LE RAT DE VILLE ET LE RAT DES CHAMPS. AUTREFOIS le rat de ville Sur un tapis de Turquie Le régal fut fort honnête; A la porte de la salle Ils entendirent du bruit : Le bruit cesse, on se retire: Et le citadin de dire: • C'est assez, dit le rustique: Demain vous viendrez chez moi. Mais rien ne vient m'interrompre ; Je mange tout-à-loisir. FABLE X. LE LOUP ET L'AGNEAU. La raison du plus fort est toujours la meilleure : Nous l'allons montrer tout-à-l'heure. UN agneau se désaltéroit Dans le courant d'une onde pure. Un loup survient à jeun, qui cherchoit aventure Et que la faim en ces lieux attiroit. Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage? Dit cet animal plein de rage: Tu seras châtié de ta témérité. Sire, répond l'agneau, que votre majesté Ne se mette pas en colère; Mais plutôt qu'elle considère Dans le courant, Plus de vingt pas au-dessous d'elle; Et que, par conséquent, en aucune façon, Je ne puis troubler sa boisson. Tu la troubles! reprit cette bête cruelle ; Et je sais que de moi tu médis l'an passé. C'est donc quelqu'un des tiens; Car vous ne m'épargnez guère, Vous, vos bergers, et vos chiens. Le loup l'emporte, et puis le mange, FABLE XI. L'HOMME ET SON IMAGE. Pour M. le duc de la Rochefoucauld. UN homme qui s'aimoit sans avoir de rivaux Présentoit par-tout à ses yeux Les conseillers muets dont se servent nos dames: Miroirs aux ceintures des femmes. Il s'y voit, il se fâche; et ses yeux irrités Mais quoi! le canal est si beau On voit bien où je veux venir. Je parle à tous; et cette erreur extrême Est un mal que chacun se plait d'entretenir. Notre ame, c'est cet homme amoureux de lui-même : Tant de miroirs, ce sont les sottises d'autrui, Miroirs, de nos défauts les peintres légitimes: Et quant au canal, c'est celui Que chacun sait, le Livre des Maximes. FABLE XII. LE DRAGON A PLUSIEURS TÊTES, ET LE DRAGON UN envoyé du grand-seigneur Préféroit, dit l'histoire, un jour chez l'empereur, Les forces de son maître à celles de l'empire. Un Allemand se mit à dire : Notre prince a des dépendants Qui, de leur chef, sont si puissants, Lui dit: Je sais par renommée Ce que chaque électeur peut de monde fournir; D'une aventure étrange, et qui pourtant est vraie. Et je crois qu'à moins on s'effraie. Je n'en eus toutefois que la peur sans le mal: Ne put venir vers moi, ni trouver d'ouverture. Je rêvois à cette aventure, Quand un autre dragon, qui n'avoit qu'un seul chef, Me voilà saisi derechef passer se présente. D'étonnement et d'épouvante. Ce chef passe, et le corps, et chaque queue aussi: ་་་་་་་་་་་་་ FABLE XIII. LES VOLEURS ET L'ANE. POUR un âne enlevé deux voleurs se battoient: Qui saisit maître Aliburon. L'ane, c'est quelquefois une pauvre province: Comme le Transilvain, le Turc et le Hongrois. De nul d'eux n'est souvent la province conquise; |