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Que l'ennuyeux loifir d'un Mortel fans étude,
Qui jamais ne fortant de sa stupidité,

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Soûtient, dans les langueurs de fon oifiveté, 85 D'une lâche Indolence esclave volontaire, Le pénible fardeau de n'avoir rien à faire. Vainement offusqué de fes penfers épais,

Loin du trouble & du bruit il croit trouver la paix. Dans le calme odieux de fa fombre pareffe, 90 Tous les honteux Plaifirs, Enfans de la Molesse, Ufurpant fur fon Ame un abfolu pouvoir, De monftrueux defirs le viennent émouvoir, Irritent de fes Sens la fureur endormie,

Et le font le jouet de leur trifte infamie.

95 Puis fur leurs pas foudain arrivent les Remords:

Et bien-tôt avec Eux tous les Fléaux du corps,

La

IMIT. Vers 82. Que l'ennuïeux loifir d'un Mortel fans étu de.] Otium fine litteris, mors eft, & hominis vivi sepultura. Seneca. Ep. LXXXII.

VERS 90. Tous les honteux Plaifirs, Eufans de la Molleffe.} On ne fauroit parler avec plus de circonspection, ni plus de fageffe.

IMIT Vers 91. Usurpant sur son Ame un absolu pouvoir.] Perfe, Satire cinquième, vers 129.

Si intùs, & in jecere agre

Nascantur Domini.

CHANG Vers 97. La Pierre, la Colique, & les Gouter" eruelles, &c.] Première composition:

La Goute aux doigts noüez, la Pierre, la Gravelle,
D'ignorans Médecins encor plus fâcheux qu'elle.

La Pierre, la Colique, & les Goutes cruelles,
Guenaud,Rainffant,Brayer,presqu'auffi triftes qu'Elles,
Chez l'indigne Mortel courent tous s'affembler,
too De travaux douloureux le viennent accabler;
Sur le duvet d'un Lit, théatre de fes gènes,
Lui font fcier des Rocs, lui font fendre des Chênes,
Et le mettent au point d'envier ton emploi.
Reconnois donc, ANTOINE, & conclus avec moi,
105 Que la Pauvreté mâle, active & vigilante,
Eft, parmi les travaux, moins laffe, & plus contente,
Que la Richeffe oifive au fein des Voluptez.

Je te vai fur cela prouver deux véritez.
L'une, que le travail aux Hommes néceffaire,
II Fait leur félicité, plûtôt que leur mifère;

Et l'autre, qu'il n'eft point de Coupable en repos.

C'eft

VERS 91. Guenaud, Rainffant, Brayer, &c.] Trois fa. meux Médecins de Paris; mais ils étoient morts plufieurs années avant la compofition de cette Epitre.

IMIT. Vers 101. Sur le duvet d'un Lit, theatre de fes gê• mes.] Pleaume XL. v. 3. Super lectum doloris ejus,

VERS 102. Lui font feier des Rocs, lui font fendre des Chimes.] L'Auteur aiant récité fa Pièce à Mr. Dagueffeau, Avocat Général, qui l'étoit allé voir à Auteuil, ce Magiftrat condamna ce vers il trouvoit la Métaphore qu'il contient trop hardie & trop violente. Mr. Despréaux lui répondit, que fi ce vers n'étoit pas bon, il faloit brûler toute la Pièce.

CHANG. Vers III.
ble en repos.] Fremière manière avant l'impreffion;

Qu'il n'est point de Compas

Qu'en Dien feul en trouve fon repos,

YERS

C'eft ce qu'il faut ici montrer en peu de mots.
Sui-moi donc. Mais je voi, fur ce début de prône,

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Que ta bouche déja s'ouvre large d'une aune; fermés tu baiffes le menton. les yeux que Ma foi, le plus für eft de finir ce fermon. 'Auffi-bien j'apperçoi çes Melons qui t'attendent, Et ces Fleurs, qui là-bas entre elles fe demandent; S'il eft fête au Village; & pour quel Saint nouveau 20 On les laiffe aujourd'hui fi long-tems manquer d'eau.

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VERS 114. Que ta bouche deja s'ouvre large d'une aune; &c.] L'Auteur faifoit remarquer cette peinture naïve d'un Homme qui s'endort.

EPITRE

XII.

SUR L'AMOUR DE DIEU,

A M. L'ABBE RENAUDOT.

OCTE Abbé, tu dis vrai, l'Homme au crime attaché,

D°c

En

Voici à quelle occafion cette Epitre a été faite. L'Auteur lui même s'en explique dans une Lettre qu'il m'écrivit au mois de Novembre, 1709.,, Long tems avant la ,, compofition de cette Pièce, dit-il, j'étois fameux par », les fréquentes disputes que j'avois foûtenues en plufieurs ,, endroits, pour la défenfe du vrai Amour de Dieu, con», tre beaucoup de mauvais Théologiens, De forte que me

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En vain, fans aimer Dieu, croit fortir du péché. Toutefois, n'en déplaife aux transports frénétiques

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Du

trouvant de loisir un Carême, je ne crus pas pouvoir mieux emploïer ce loifir, qu'à exprimer par écrit les bonnes penfées que j'avois là-deffus. « C'étoit le Carême de l'année 1695.

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Mr. BAYLE, dans fon Dictionaire, à l'article Antoine ARNAULD, raporte un fait que l'on a ouï reciter à Mr. Despréaux. 11 dit, que Mr. Arnauld aiant fait l'Apologie de la Satire X. contre les Femmes, quelques-uns de fes Amis trouvèrent mauvais que ce grave Docteur, âgé de 84. ans, eût entrepris la défense d'un Ouvrage où il n'étoit question, difoient-ils, que de Femmes, de Vers, & de Romans. Ils regardoient la Poëfie comme un amusement frivole qui n'avoit pas dû arrêter un moment ce profond Génie. Mr. Despre aux compofa l'Epître fur l'Amour de Dieu, pour montrer à ces Čenfeurs fauffement délicats, que la Poëfie, dont ils avoient fi mauvaise opinion, peut traiter les fujets les plus relevez.

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S. Mr. Bayle nous aprend que "" ces particularitez lui avoient été communiquées par Mr. Marais, Avocat au Parlement de Paris, homme de beaucoup d'esprit & d'érudition, fort connu de Mr. Despréaux,,. On m'a affuré qu'il avoit recueilli des Converfations de cet illuftre Ami, une infinité de femblables particularitez, qui fervent à éclaircir fes Ouvrages. DU MONTEIL.

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La fonction que je fais ici de Commentateur, ne deman de pas que je m'érige en Théologien, pour appuïer ou pour combattre les propofitions de mon Auteur. Laiffant donc tout ce qui concerne le Dogme, je me bornerai au peu de Remarques hiftoriques qu'il y a occafion de faire pår raport à cette Epître.

VERS 1. Docte Abbé.] On ne doutera pas qué cette épithète ne foit due à Mr. l'Abbé RENAUDOT, de l'Académie Françoife. Les preuves de fa profonde érudition fe voient dans les deux Volumes qu'il a publiez fur la Perpé tuité de la Foi, en forme d'Addition à l'Ouvrage de Mr. Arnauld. Le Privilège du quatrième Volume imprimé en 1717. aprend que ce docte Abbé eft prêt à mettre fous la preffe beaucoup d'autres Livres fur des matières également favantes,

Du fougueux Moine auteur des troubles Germaniques,

Des tourmens de l'Enfer la falutaire Peur N'eft pas toujours l'effet d'une noire vapeur, Qui de remords fans fruit agitant le Coupable, Aux yeux de Dieu le rende encor plus haïssable. Cette utile frayeur, propre à nous pénétrer, 10 Vient fouvent de la Grace en nous prête d'entrer, Qui veut dans notre cœur fe rendre la plus forte, Et, pour fe faire ouvrir, déja frappe à la porte.

Si le Pécheur, pouffé de ce faint mouvement, Reconnoiffant fon crime, aspire au Sacrement, 15 Souvent Dieu tout à coup d'un vrai zèle l'enflame. Le Saint Esprit revient habiter dans fon ame, Y convertit enfin les ténèbres en jour,

Et la crainte fervile en filial Amour.

C'eft ainfi que fouvent la Sageffe fuprême, zo Pour chaffer le Démon, fe fert du Démon même. Mais lorsqu'en fa malice un Pécheur obstiné, Des horreurs de l'Enfer vainement étonné, Loin d'aimer, humble Fils, fon véritable Pere,

Craint

VERS 4. Du fougueux Moine &c.] LUTHER étoit d'Allemagne. Il condamnoit toute Pénitense faite par un motif de crainte, parce que la crainte, felon lui, ne pouvoit faire que des hypocrites. Il difoit encore, que la peur des peines de l'Enfer eft criminelle, & qu'elle offense la bonré de Dieu. Voïez fon fecond Sermon fur la Pénitence, & fa Dispute de Leipzig contre Eckius.

VERSIO. Vient fouvent de la Grace en nous prête d'entrer.} Concile de Trente, Seffion XIV, c. 4, Verùm etiam donum

Du

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