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85 Fit, fans être malin, fes plus grandes malices;

Et qu'enfin fa candeur feule a fait tous fes vices. Dites, que harcelé par les plus vils Rimeurs, Jamais, bleffant leurs Vers, il n'effleura leurs mœurs: Libre dans fes discours, mais pourtant toujours fage; 90 Affez foible de corps, affez doux de vifage, Ni petit, ni trop grand, très-peu voluptueux,' Ami de la Vertu plûtôt que vertueux.

Que fi quelcun, mes Vers, alors vous importune, Pour favoir mes parens, ma vie & ma fortune, 95 Contez-lui, qu'allié d'affez hauts Magiftrats, Fils d'un Pere Greffier, né d'Aïeux Avocats; Dès le berceau perdant une fort jeune Mere,

Re

VERS 92. Ami de la Vertu plutôt que vertueux.] Ce vers' au jugement de l'Auteur même, eft un des plus beaux' & des plus fenfez qu'il ait faits,

VERS 95 A'lié d'affez hauts Magiflrats.] Mrs. de BRAGELONNE; AMELOT Préfident à la Cour des Aides; GILBERT Préfident aux Enquêtes, Gendre de Mr. DONGOIS; DELIONNE, Grand- Audiencier de France; & plufieurs autres Maifons illuftres dans la Robe.

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VER'S 96. Fils d'un Pere Greffier, &c.]GILLES BOILEAU, Greffier du Confeil de la Grand-Chambre, né le 28. de Juin, 1584.

Ibid. Né d'Aïeux Avocats.] 11 tire fon origine de JEAN BOILEAU, Notaire & Secretaire du Roi, qui obtint des Lettres de Nobleffe pour lui & pour fa poftérité zu mois de Septembre 1371. Jan Boileau fut un des quatre nommez pour éxercer fa charge près du Parlement; & HENRI BOILEAU fon Petit-fils, fut reçû en 1408. Avocat du Roi en la même Cour. Quelques-uns de leurs Descendans ont été de célèbres Avocats.

VERS 97. Dès le Berceau perdant une fort jeune Mere ] 11 n'avoit qu'onze mois quand ANNE DENIELLE fa Me

re

Réduit, feize ans après, à pleurer mon vieux Pere J'allai d'un pas hardi, par moi-mêine guidé 100 Et de mon feul Genie en marchant fecondé,

Studieux amateur & de Perfe, & d'Horace', Affez près de Regnier m'affeoir fur le Parnaffe. Que par un coup du Sort au grand jour amené, Et des bords du Permeffé à la Cour entraîné, 105 Je fûs, prenant l'effor par des routes nouvelles, Elever affez haut mes Poëtiques aîles ;

Que ce Roi, dont le nom fait trembler tant dé Rois, Voulut bien que ma main craïonnât fes exploits: Que plus d'un Grand m'aima jusques à lá tendreme, 110 Que ma vûë à Colbert infpiroit l'allégreffe :

re mourut âgée de 23 ans, en 1637′′

Qu'au

VERS 98. Réduit, feize ans après, à pleurer mon vieux Pe re.] Il mourut en 1657. âgé de 73. ans.

VERS 102. Aez près de Regnier m'a feoir fur le Parnafjel Cela eft bien modefte. Il a parlé plus hardiment quand il n'a fait que rapporter les fentimens du Public: Et leur Aus teur jadis à Regnier préféré, vers 35.

VERS 108.

Craïannât fes exploits.] Il fut nommé pour écrire l'Hiftoire du Roi avec Mr. Racine, au mois d'octobre 1677.

VERS 109. Que plus d'un Grand &c.] Madame la Ducheffe d'Orléans, première Femme de Monfieur. Le GrandPrince de Condé, & Mr. le Prince fon Fils. Mr. le Prince de Conti. Mr. le Premier Président de Lamoignon; Mr. le Marechal de Vivonne; & Mesdames de Montepao, & de Thiange, les Soeurs: enfin toute la Cour, excepté Mr. le Duc de Montauzier: Prater atrocem animnu Catonis. Cer Duc lui donna même fon amitié dans la fuite.

VERS 110 Que ma vûë à Colbert &c.] Mr Colbert mena un jour dans fa belle maifon de Seaux, Mr. Despréaux, &Mr. Racine. Il étoit feul avec eux, prenant un extrême

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Qu'aujourd'hui même encor de deux fens affoibli,
Retiré de la Cour, & non mis en oubli:

Plus d'un Heros épris des fruits de mon étude,
Vient quelquefois chez moi goûter la folitude.
115 Mais des heureux regards de mon Aftre étonnant
Marquez bien cet effet encor plus surprenant,

Qui dans mon fouvenir aura toujours fa place;
Que de tant d'Ecrivains de l'Ecole d'Ignace,
Etant, comme je fuis, ami fi déclaré,

120 Ce Docteur toutefois fi craint, fi réveré,

Qui contre Eux de fa plume épuifa l'énergie,
Arnauld, le grand Arnauld fit mon apologie.

Sur mon tombeau futur, mes Vers, pour l'énoncer,
Courez en lettres d'or de ce pas vous placer.

125 Allez jusqu'où l'Aurore en naiffant voit l'Hydaspe

.....

Cher

plaifir à les entendre; quand on vint lui dire que Mr. l'E-
vêque de .
demandoit à le voir: Qu'on lui fasse
voir tout, hormis mei, dit Mr. Colbert.
VERS III,

de l'ouïc.

De deux fens affaibli.] De la vûë, &

VERS 112. Retiré de la Cour, &c.] Il n'y alloir plus depuis l'année 1690. & il s'en étoit retiré pour jouir de la liberté & du repos. Après la mort de Mr. Racine, il alla voir le Roi pour lui apprendre cette mort, & recevoir fes ordres par raport à fon Hiftoire dont il fe trouvoit feul chargé Sa Majefté le reçut avec bonté, & quand il voulut fe retirer, le Roi en faifant voir fa montre qu'il tenoit par hazard à la main, lui dit obligeamment : Souvenezvous que j'ai toujours à vous donner une heure par semaine, quand vous voudrez venir.

VIRS 113. Plus d'un Heros &c.] Mr. le Marquis de Ter

mes,

Chercher, pour l'y graver, le plus précieux Jaspe.
Sur tout, à mes Rivaux fachez bien l'étaler.

Mais je vous retiens trop. C'eft affez vous parler. Déja, plein du beau feu qui pour vous le transporte,

30 Barbin impatient chez moi frape à la porte.

Il vient pour vous chercher. C'eft lui: j'entens voix.

Adieu, mes Vers, adieu pour la derniere fois.

mes, Mr. de Cavois, Mr. de Pontchartrain, Mr. Dagueffeau, & plufieurs autres; mais particulierement Mr. le Duc, & Mr. le Prince de Conti qui l'honoroient fouvent de leurs vifites à Auteuil

VERS 118. Que de tant d'Ecrivains de l'Ecole d'Ignace.] Les Peres, RAPIN, BOURDALOUE, BOUHOURS, GAILLARD, THOULIER, &c. §. Le P. Thoulier quitta enfuite les Jefuites. C'eft Mr. l'Abbé d'Olivet, de PAcademie Françoife, une des meilleures plumes qu'il y ait aujourd'hui en France. DU MONTEIL.

VERS 122. Le grand Arnauld fit mon apologie.] Mr. Arnauld a fait une Diflertation où il le juftifie contre fes Cenfeurs; & c'eft fon dernier Ouvrage. On le trouvera dans le Tom. IV. de cette Edition.

VERS 125.

des Indes,

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L

A MON JAR DINIER.

ABORIEUX Valet du plus commode Maître, Qui, pour te rendre heureux ici-bas, pouvoit naître ;

ANTOINE, Gouverneur de mon Jardin d'AuteuilQui diriges chez moi l'If & le Chevre-feuil, 5 Et fur mes Espaliers, induftfieux Génie, Sais fi bien exercer l'Art de la Quintinie; O que de mon esprit trifte & mal ordonné,

Ainfi

Notre Poëte travaillant à fon Ode fur la prife de Namur,

fe promenoit dans les Allées de fon Jardin d'Auteuil. Là il tâchoit d'exciter fon feu, & s'abandonnoit à l'Enthousiasme. Un jour il s'aperçut que fon Jardinier l'écou teit, & l'obfervoit au travers des feuillages. Le Jardinier furpris ne favoit à quoi attribuer les transports de fon Maitre, & peu s'en falut qu'il ne le foupçonnât d'avoir perdu l'esprit. Les poftures que le Jardinier faifoit de fon côté, & qui marquoient fon étonnement,parurent fort plaisantes au Maitre: de forte qu'ils fe donnèrent quelque tems la Comédie l'un à l'autre, fans s'en apercevoir. Cela lui fit naître l'envie de compofer cette Epître, dans laquelle ils'entretient avec fon Jardinier, &, par des discours proportionnez aux connoiffances d'un Villageois, il lui expli- que les difficultez de la Poëfie, & la peine qu'il y a fur tout d'exprimer noblement & avec élégance, les chofes ies plus communes & les plus fèches. De là il prend occafion de lui démontrer que le Travail eft néceffaire à l'Homme pour être heureux.

Cette Epître fut compofée en 1695. Horace a auffi adreffé une Epitre à fon Fermier: eeft la quatorzième du premier Livre. Mais ces deux Poëtes on fuivi des routes differentes.

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