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L'ardeur de s'enrichir chaffa la bonne foi.

Le Courtifan n'eut plus de fentimens à foí.

Tout ne fut plus que fard, qu'erreur, que trom perie,

1:40 On vit par tout règner la baffe Flatterie.

Le Parnaffe fur tout fécond en Impofteurs, Diffama le papier par fes propos menteurs. De là vint cet amas d'Ouvrages mercenaires, Stances, Odes, Sonnets, Epîtres liminaires, 45 Où toujours le Heros paffe pour fans pareil, Et, fût-il louche & borgne, eft réputé Soleil.

Ne crois pas toutefois, fur ce difcours bizare 2 Que d'un frivole encens malignement avare, J'en veuille fans raison fruftrer tout Univers. 750 La louange agréable eft l'ame des beaux Vers Mais je tiens, comme toi, qu'il faut qu'elle foit vraie EA

Nee varios discet mentiri lana colores.

VERS 146. Et, fût-il louche & borgne, est réputé Soleil.] M. de SER VIEN Sur-Intendant des Finances, n'avoit qu'un cil; & on ne laiffoit pas de le traiter de Soleil dans les Epitres dédicatoires, & les autres éloges qu'on lui adreffoit. Notre Poëte a eu particulièrement en vue cet endroit de l'Eglogue intitulée Chriftine, que l'Abbé Ménage fit pour la Reine de Suéde, en 1656. vers 171.

Le Grand, l'illuftre Abel, cet Esprit fans pareil,
Plus clair, plus pénétrant que les traits du Soleil.

Et que fon tour adroit n'ait rien qui nous effraie.
Alors, comme j'ai dit, tu la fais écouter, -

Et fans crainte à tes yeux on pourroit t'exalter. 155 Mais fans t'aller chercher des vertus dans les nuës: Il faudroit peindre en toi des véritez connuës: Décrire ton Esprit ami de la Raifon,

Ton ardeur pour ton Roi puisée en ta Maison;
A fervir fes defleins ta vigilance heureuse;

160 Ta probité fincère, utile, officieufe.

Tel, qui hait à fe voir peint en de faux portraits,
Sans chagrin voit tracer ses véritables traits.

Condé même, Condé, ce Heros formidable,

Et non moins qu'aux Flamans aux Flatteurs redou

table,

165 Ne s'offenferoit pas fi quelque adroit Pinceau Traçoit de fes Exploits le fidelle Tableau:

Et

VERS 167. Et dans Seneff en feus. J La Bataillé de Seneff en Flandre gagnée par le Prince de Condé, le 11. d'Août, 1674. contre les Allemans, les Espagnols, & les Hollan dois, au nombre de plus de foixante mille hommes commandez par le Prince d'Orange.

VERS 171.

Premier Prince du monde, &c.] Com mencement du Poëme de Charlemagne adreffe au Prince de Condé.

Premier Prince du sang du plus grand Roi du Monde ;
Courage fans pareil, Lumière fans feconde z

Et dont l'Esprit égal en diverfe Saifon,

Sait triompher de tout, & cède à la Raison. &c.

Louis LE LABOUREUR, Tréforier de France, & Bailli

da Duché de Montmorenci, Auteur de ce Poëme, le pu

Et dans Seneff en feu contemplant fa peinture,
Ne défavoûroit pas Malherbe ni Voiture.

Mais, malheur au Poëte infipide, odieux,
170 Qui viendroit le glacer d'un éloge ennuïeux.
Il auroit beau crier: Premier Prince du Monde,
Courage fans pareil, Lumière fans feconde:

Ses Vers jettez d'abord, fans tourner le feuillet,
Iroient dans l'antichambre amufer. Pacolet.

blia en 1664. Dans l'édition de 1666. il changea ainfi le fecond vers:

Prince d'une valeur en victoire feconde.

La même année 1665. il parut un autre Poëme de Charle
magne, par Mr. COURTIN, Profeffeur en Rhétorique.
VERS dernier.
Amufer Pacolet. ] Fameux Valet
de pié du Grand Prince de Condé. Quand Mr. le Labou
reur eut prefenté à ce Prince fon Poëme de Charlemagne,
il en lût quelque chofe; après-quoi il donna le Livre à Pa
colet, à qui il renvoïoit ordinairement tous les Livres qui
l'ennuïoient.

PRE

PRÉFACE,

Sur les trois Epîtres fuivantes.

Ene fai fi les trois nouvelles Epitres que je donne ici au Public, auront beaucoup d'Approbateurs: mais je Sai bien que mes Cenfeurs y trouveront abondamment dequoi exercer leur critique. Car tout y eft extrèmement bazardé. Dans le premier de ces trois Ouvrages, fous prétexte de faire le procès à mes derniers Vers, je fais moi-même mon éloge, & n'oublie rien de ce qui peut être dit à mon avantage. Dans le fecond je m'entretiens avec mon Jardinier de chofes très-balles, & très-petites ; & dans le troisième je décide bautement du plus grand & du plus important point de la Religion, je veux dire de l'Amour de Dieu. F'ouvre donc un beau champ à Cenfeurs, pour attaquer en moi, & le Poëte orgueilleux, & le Villageois groffier, & le Théologien témeraire. Quelque fortes pourtant que foient leurs attaques, je doute qu'elles ébranlent · la ferme refolution que j'ai prise il y a long-tems, de ne rien répondre, au moins fur le ton férieux, à tout ce qu'ils écrivent contre moit

ces

A quoi bon en effet perdre inutilement du papier? • Si mes Epitres fout manvaifes, tout ce que je

di

Y. Simes Epitres font manvaïfes, ] JoAN. OWEN, Epigr. ad Le&orem, pag. m. 122.

Noftra patrocinium non poscunt carmina : quare?
Si hona funt, bona fuxt; fi mala funt, mala funt,

dirai ne les fera pas trouver bonnes : &fi elles font bonnes, tout ce qu'ils feront ne les fera pas trouver mauvaises. Le Public n'eft pas un Fuge qu'on puiffe corrompre, ni qui fe règle par les paffions d'autrui. Tout ce bruit, tous ces Ecrits qui fe font ordinairement contre des Ouvrages où Pon court, ne fervent qu'à y faire encore plus courir,& à en mieux marquer le mérite. It eft de l'effence d'un bon Livre d'avoir des Cenfeurs; &la plus grande disgrace qui puiffe arriver à un Ecrit qu'on met au jour ce n'eft pas que beaucoup de gens en difent du mal, c'eft que perfonne m'en dife rien.

Je me garderai donc bien de trouver mauvais qu'on attaque mes trois Epitres. Ce qu'il y a de certain, c'eft que je les ai fort travaillées,& principalement celle de l'Amour de Dieu, que j'airetouchée plus d'une fois où j'avoue que fai em ployé tout le peu que je puis avoir d'efprit de lamieres. Favois deffein d'abord de la donner toute feule les deux autres me paroiffant trop frivoles, pour être présentées au grand jour de Pimpreffion avec un Ouvrage fi férieux. Mais des Amis très-fenfez m'ont fait comprendre que ces deux Epitres, quoique dans le ftile enjoué, étoient pourtant des Epitres morales, où il n'étoit rien enfeigné que de vertueux : qu'ainfi étant liées avec l'autre, bien loin de lui nuire, elles pourroient même faire une diverfité agréable; & que d'ail leurs beaucoup d'honnêtes gens fouhaitant de les avoir toutes trois ensemble, je ne pouvois pas avec

Il ajoûte dans une autre Epigramme:

: Nemo pateft vorfas (nec tanta potentia Regum)

Yel fervare males, vel jugulare benos,

bien

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