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Cependant tout décroît, & moi-même à qui l'âge
D'aucune ride encor n'a flétri le visage,

Déja moins plein de feu, pour animer ma voix 120 J'ai besoin du filence & de l'ombre des Bois.

Ma Mufe qui fe plaît dans leurs routes perduës, Ne fauroit plus marcher fur le pavé des ruës. Ce n'eft que dans ces bois propres à m'exciter, Qu'Apollon quelquefois daigne encor m'écouter125 Ne demande donc plus par quelle humeur fauvage, 'Tout l'Eté loin de toi demeurant au village, J'y paffe obftinément les ardeurs du Lion, Et montre pour Paris fi peu de paffion.

C'eft à toi, LA MOIGNON, que le rang, la naissance, 130 Le mérite éclatant, & la haute éloquence Appèlent dans Paris aux fublimes emplois, Qu'il fied bien d'y veiller pour le maintien des Loix. Tu dois là tous tes foins au bien de ta patrie. Tu ne t'en peux bannir que l'Orphelin ne crie;

Que

C'eft pour fe plaindre de cette injuftice, qu'il a compofé l'Epître X. à fes Vers.

VERS I17.

Et moi-même à qui l'âge &c, 11 étoit

dans la quarante-unième année.

VERS 127. J'y paffe olftinément les ard urs du Lion. ] Le mois de Juillet pendant lequel le Soleil eft dans le Signe

du Lion.

IMIT. Ibid.

1. Epitre X. 15.

Les ardeurs du Lion. ] Horace Livie

Vbi gratior aura

Le

135 Que l'Oppreffeur ne montre un front audacieux;
Et Thémis pour voir clair a besoin de tes yeux.
Mais pour moi, de Paris Citoïen inhabile,
Qui ne lui puis fournir qu'un rêveur inutile,
11 me faut du repos, des prez & des forêts.
140 Laiffe-moi donc ici, fous leurs ombrages frais,
Attendre que Septembre ait ramené l'Automne,
Et que Cerès contente ait fait place à Pomone.
Quand Bacchus comblera de fes nouveaux bienfaits
Le Vendangeur ravi de ploïer fous le faix,
145 Auffi-tôt ton Ami, redoutant moins la Ville,,
T'ira joindre à Paris, pour s'enfuir à Bâville..
Là, dans le feul loifir que Thémis t'a laiffé,
Tu me verras fouvent à te fuivre empressé,
Pour monter à cheval rappelant mon audace,
150 Apprentif Cavalier galopper fur ta trace.

Tantôt fur l'herbe affis au pié de ces côteaux,
Où Polycrène épand fes liberales eaux,

Leniat rabiem Canis, & momenta Leonis,

Cum femel accepit folem furibundus acutum,

LA

VERS 132. Qu'il fied bien d'y veiller pour le maintien dess Loix. &c.] Ce vers & les quatre fuivans expriment les principales fonctions de la Charge d'Avocat Général.

VERS 146.

Pour s'enfuir à Bâville ] Seignenrie confidérable qui apartient à Mr. de Lamoignon. Elle eft à neuf lieues de Paris, du côte d'Etampes & de Châtres, VERS 152. Où Polycrène épand fes liberales eaux. ] Fontaineà une demi-lieuë de Bâville, ainfi nommée par Mr. le

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LAMOIGNON, nous irons, libres d'inquiétude, Discourir des Vertus dont tu fais ton étude: 155 Chercher quels font les biens véritables ou faux:

Si l'honnête homme en foi doit fouffrir des défaux:
Quel chemin le plus droit à la gloire nous guide,
Ou la vafte Science, ou la Vertu folide.

C'eft ainfi que chez toi tu fauras m'attacher.

160 Heureux! fi les Fâcheux, promts à nous y chercher, N'y viennent point femer l'ennuïeufe trifteffe.

Car dans ce grand concours d'Hommes de toute espèce,
Que fans ceffe à Baville attire le devoir;

Au lieu de quatre Amis qu'on attendoit le foir,
165 Quelquefois de Fâcheux arrivent trois volées,
Qui du parc à l'inftant affiègent les allées.
Alors fauve qui peut, & quatre fois heureux,
Qui fait pour s'échapper quelque antre ignoré d'eux.

Premier Président de LA MOIGNON. Ce nom defigne l'abondance de fes eaux. Cette Fontaine a été chantée par nos plus grands Poëtes *, & elle eft devenuë presque auffi célèbre que l'Hippocrène.

IMIT. Vers 155. Chercher quels font les biens &c.] Horace, Livre II. Satire VI. 72.

Quod magis ad nos

Pertinet,& nescire malum eft, agitamus; utrumal
Divitiis homines, an fint virtute beati:

Quidve ad amicitias, ufus, rečtumne, trabat nos:
Et que fit natura boni, fummumque quid ejus.

*Le P. Rapin, Le P. Commire, Mr. Des réaux, &c,

Q

A M. RACINE.

371

UE tu fais bien, RACINE, à l'aide d'un Acteur,

Emouvoir, étonner, ravir un Spectateur!

Ja

CEtte Epître fut compofée à l'occafion de la Tragédie de Phedre & Hippolyts, que Mr. RACINE fit reprefenter pour la premiere fois le premier Jour de l'année 1677. fur le Theatre de l'Hôtel de Bourgogne. Quelques perfonnes de la première diftinction, unies de goût & de fentimens, aiant appris que Mr. Racine travailloit à fa Phèdre, poufferent PRADON à faire une Tragédie fur le même fujet, pour mo.tifier Mr. Racine, & pour faire tomber fa Piece quand elle paroîtroit. Pradon, fier d'un certain fuccès que la Cabale avoit attiré à fes premières Tragédies*, fut affez vain pour ofer joûter contre cet illuftre Poëte: il compofa donc fa Phedre par émulation, & la fit joier deux jours après celle de Mr. Racine, par les Comédiens du Roi. Quelque mauvaise que fut la Pièce de Pradon, elle ne laiffa pas de paroître d'abord avec éclat, & même de fe foûtenir pendant quelque tems. Deux chofes principalement contribuèrent à ce fuccès: la concurrence des deux Tragédies, & les applaudiffemens exceffifs que les pro tecteurs de Fradon donnèrent à fa Fièce. D'ailleurs, tous ceux qui ne pouvoient pas entrer à la Phèdre de Racine, (& c'étoit le plus grand nombre) alloient à celle de Pradon. Mais le Public fut bien tôt fixé : la Tragédie de Pradon fut entièrement oubliée ; & celle de Racine eft regardée encore aujourd'hui comme la plus parfaite de fes Pièces, & le chef d'oeuvre du Théatre. Le fujet de cette Epître VII eft l'utilité qu'on peut retirer de la jaloufie de les ennemis, & en particulier des bonnes & des mauvaises Critiques. Plutarque a fait un Traité fur le même fujer. Cette Epitre a été faite avant la fixième, au commencement de l'annee 1677. Au mois d'Octobre fuivant, Mr. Despréaux & Mr. Racine furent choifis pour écrire l'hiftoire du Roi. VERS I. Que tu fais bien, Racine, à l'aide d'un Alteur, Q 6

Pirame & Thisbé: Tamerlin.

&c.]

Jamais Iphigénie, en Aulide immolée,
Na coûté tant de pleurs à la Grèce affemblée,
Que dans l'heureux fpectacle à nos yeux étalé,
En a fait fous fon nom verfer la Chanmeslé.
Ne croi pas toutefois, par tes favans Ouvrages,
Entraînant tous les cœurs, gagner tous les fuffrages.
Si-tôt que d'Apollon un Génie infpiré

10 Trouve loin du Vulgaire un chemin ignoré,

En cent lieux contre lui les cabales s'amaffent.

Ses

&c.] Les Ennemis mêmes de Mr. Racine ont été obligez de convenir du g and fuccès de fes Tragédies ; mais ils ont crû diminuer la reputation de cet illuftre Poëte, en difant qu'une partie de la gloire étoit due aux Acteurs qui les jouoient. Les Acteurs d'aujourd'hui ont bien fait évanouir ce reproche. Il eft vrai que Mr Racine en avoit trouvé d'excellens. MONTFLEURI fit de fi grans efforts pour repréfenter le perfonnage d'Orefte dans l'Andromaque, qu'il en mourut La Marianne de TRISTAN avoit caufé le même fort à MONDORI Comédien.

CHANG. Vers 6. En a fait.] Première édition; N'ın a fait.

Ibid. En a fait fous fon nam verfer la Chanmesle.] Célèbre Actrice Mr. Racine qui recitoit adraiablement bien, avoit Pris foin de la former. Elle mourut au mois de Juillet 1698. à Auteuil, près de Paris, où elle étoit alle prendre l'air. Pendant fa dernière maladie elle renonça au Théatre en prefence du Curé de St. Sulpice, & avant la mort elle renouvella cette abjuration entre les mains du Curé d'Auteuil. Elle a été enterrée à St. Sulpice, qui étoit fa paroiffe. CHAN MES LE fon mari, qui étoit auffi Comédien, mourut fubitement en 1701. fortant du Cabaret.

IMIT. Vers 15. La Mort feu e ici bas, &c.] Horace l'a dit en plus d'un endroit.

Virtutem incolumem odimus:

Sublatam ex e.ulis quaṛimus invidi, L. III. Ode XXIV. 31.

Le

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