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BOILEAU, qui, dans fes Vers pleins de fincérité, Jadis à tout fon fiècle a dit la vérité;

Qui

giles.] Martial donne à un Mécenas le même pouvoir que l'on donne ici à un Augufte.

Sint Mecanates, non deerunt, Flacce, Marones. Liv. VIII.
Epig. 56.

VERS 187. Boileau, qui dans fes vers &c.] Cet endroit a été comparé avec un autre de l'Epitre huitième. Voïez la Remarque fur le Vers so. de cette dernière Epître.

VERS dernier. A pourtant de ce Roi parlé comme l'Hiftoirs.] Dans le tems que notre Auteur compofa cette Epitre, il travailloit au Poëme du Lutrin. Pour louer le Roi d'une manière nouvelle il fit l'admirable Récit de la Moleffe, qui eft à la fin du fecond Chant de ce Poëme. Cette ingenieufe fiction eut un fuccès extrèmement heureux. Le Roi, qui ne connoiffoit Boileau que par fes Satires, voulut voir le Poëte qui le favoit fi bien louer ; & ordonna à Mr. Colbert de le faire venir à la Cour Quelques jours après, Mr. Despréaux parut devant le Roi, étant préfenté par Mr. de Vivonne. il récita à Sa Majesté une partie du Lutrin, qui n'avoit pas encore paru, & quelques autres Pièces, dont le Roi fut très-fatisfait. A la fin, Sa Majefté lui demanda, quel étoit l'endroit de fes Poëfies qu'il trouvoit le plus beau 11 pria le Roi de le dispenfer de faire un pareil juge. ment: ajoutant qu'un Auteur étoit peu capable de donner le jufte prix à fes propres Ouvrages; & que pour lui, il n'eftimoit pas affez les fiens, pour les mettre ainfi dans la balance. 'importe, dit le Roi, Je veux que vous me difiez votre fentiment. Mr. Despréaux obéit, en difant que l'endroit dont il étoit le plus content, étoit la fin d'une Epitre qu'il avoit pris la liberté d'adreffer à Sa Majefté;"& récita les quarante vers par lesquels finit cette Epitre. Le Roi n'avoit pas vû cette fin, parce que l'Auteur l'avoit faite depuis peu pour être mise à la place de la Fable de l'Huître & des Flaideurs. Ces derniers vers touchèrent fenfiblement le Roi, fon émotion parut dans fes yeux, & fur fon vitage. 11 fe leva de fon fauteuil avec un air vif & fatisfait. Cependant, comme il eft toûjours maître de fes mouvemens, & qu'il parle fur le champ avec tant de jus teffe qu'on ne pourroit mieux dire après y avoir penfé

long.

Qui mit à tout blâmer son étude & fa gloire, 190 A pourtant de ce Roi parlé comme l'Histoire.

long-tems: Voilà qui est très-beau, dit-il, cela eft admirable. Je vous louerois davantage, fi vous ne m'aviez pas tant lotté. Le Public donnera à vos Ouvrages les éloges qu'ils méritent & mais ce n'eft pas affez pour moi de vous loüer: Je vous donne une penfion de deux mille livres: j'ordonnerai à Colbert de vous la païer d'avance; & je vous accorde le privilège pour l'impreffion de tous vos Ouvrages. Ce font les propres paroles du Roi; & l'on peut croire que l'Auteur ne les a pas oubliées.

Avant que le Roi eût ainfi parlé, Mr. de Vivonne, frappé de la beauté des vers qu'il venoit d'entendre, prit brusquement l'Auteur à la gorge, & lui dit, par une faillie que la présence du Roi ne put retenir: Ah! Traitre, vons ne m'aviez pas dit cela.

Notre Poëte revint de la Cour, comblé d'honneurs & de biens. Cependant il a dit plufieurs fois, que la premiè re réflexion que lui infpira fa nouvelle fortune, fut un fen timent de trifteffe: envifageant la perte de fa liberté, com me une fuite inevitable des bienfaits dont il venoit d'être honoré.

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EPITRE II.

A M. L'ABBE DES ROCHES.

A Quo1 bon réveiller mes Mufes endormies,

Pour tracer.aux Auteurs des Règles ennemies?

Penfes-tu qu'aucun d'eux veuille fubir mes loix,
Ni fuivre une Raison qui parle par ma voix ?
O le plaifant Docteur, qui, fur les pas d'Horace.,
Vient prêcher, diront-ils, la réforme au Parnasse !
Nos Ecrits font mauvais, les fiens valent-ils mieux ?
J'entens déja d'ici Liniere furieux,

Qui m'appèle au combat, fans prendre un plus long

terme.

De

LA principale raison, pour laquelle l'Auteur compofa cette Epître, fut pour conferver la fable de l'Huître & des Plaideurs, qu'il avoit retranchée de l'Epître précéden>te. L'Abbé DES ROCHES à qui l'Epitre II. eft adreffée, fe nommoit JEAN-FRANÇOIS ARMAND FUME'E, fils de FRANÇOIS FUME E, Seigneur DES ROCHES. Il descendoit d'ADAM FUMEE, Premier Medecin de Charles VII. L'Abbé Des Roches mourut en 1711. âgé d'environ 75. ans, & c'eft à ce même Abbé qu'eft dédié le Parnaffe Réformé de GABRIEL GUERET.

VERS I. A quoi bon réveiller &c.] Les fix premiers vers font connoître que l'Auteur travailloit alors à son Art Poëtique.

VERS 8. J'entens déja d'ici Liniere furieux.] Le Poëte L 1NIERE avoit beaucoup de facilité à faire de méchans vers. Notre Auteur l'avoit pourtant nommé honorablement dans la Satire IX. vers 236. Mais Liniere s'avifa de faire une Critique très-offenfante de l'Epitre IV. qui avoit été faite avant celle-ci. Pour toute vengeance, notre Auteur le pla

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To De l'encre, du papier, dit-il; qu'on nous enferme.
Voyons qui de nous deux plus aifé dans ses Vers, ́
Aura plûtôt rempli la page & le revers?

Moi donc qui fuis peu fait à ce genre d'escrime,
Je le laiffe tout feul vérfer rime fur rime,
15 Et fouvent de dépit contre moi s'exerçant,
Punir de mes défauts le papier innocent.

Mais toi qui ne crains point qu'un Rimeur te noirciffe,
Que fais-tu cependant feul en ton Bénéfice?

Attens-tu qu'un Fermier payant, quoiqu'un peu tard,
20 De ton bien pour le moins daigne te faire part?
Vas-tu, grand défenfeur des droits de ton Eglife,
De tes Moines mutins réprimer l'entreprise?
Croi-moi, dût Auzanet t'affurer du fuccès,

Abbé

ça ici, & en quelques autres endroits de fes Ouvrages. Voïez l'Epitre VII. vers 89. & l'Art poëtique, Chant II. vers 194.

IMIT. Ibid. J'entens déja d'ici Liniere furieux &c. ] Horsce, L. I. Sat. IV. v. 14.

Crispinus minimo mé provocat: accipe, fi vis,

Accipe jam tabulas, detur nobis locus, hora,

Cuftodes: videamus uter plus scribere poffit.

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VERS 23. Dût Auzanet t'affurer du fuccès.] BARTHE LEMI AUZANET, célèbre Avocat au Parlement de Paris. Il étoit extrèmement verfé dans la connoiffance du Droit François; & les principales affaires fe règloient ordinairement par fes confeils, ou par fon arbitrage. 11 mouIut le 17. d'Avril, 1693. âge de 82. ans, aiant été honoré par le Roi d'un brevet de Confeiller d'Etat, quelques années ayant fa mort, 5 x596A ikan ses

Abbé, n'entrepren point même un jufte procès. 25 N'imite point ces Fous, dont la fotte avarice Va de fes revenus engraiffer la Juftice;

Qui toujours affignans, & toujours affignez, ́Souvent demeurent gueux de vingt procès gagnez. Soûtenons bien nos droits: Sot eft celui qui donne. 30 C'est ainfi devers Caen que tout Normand raisonne. Ce font là les leçons, dont un pere Manceau Inftruit fon fils novice au fortir du berceau. Mais pour toi, qui nourri bien en deça de l'Oife, As fucé la vertu Picarde & Champenoise, 35 Non, non, tu n'iras point, ardent Bénéficier,

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VERS 30. C'eft ainsi devers Caen que tout Normand raisone.] L'Auteur auroit på dire: vers Carn. C'est ainsi que vers Caen tot bas Normand raisonne; mais il a préféré Devers Caen, qui eft une espèce de Normanisme. D'ailleurs, un Normand qui fera de Caen même, dira toujours: Je suis devers Caen, & ne dira pas, Je fuis de Caen.

VERS 33.

Bien en deca de l'Oife.] Rivière, qui a fa fource dans la Picardie, vers les limites du Hainaut & de la Champagne.

VERS 24. As fucé la vertu Picarde & Champenoise.] Cette vertu eft la franchise.

VERS 36. Faire enrouler pour toi Corbin ni le Mazier.] Deux Avocats criards, qui fe chargeoient fouvent de mauvaifes causes. JAQUES CORDIN plaida fa première cause à quatorze ans, & ne plaida pas mal pour fon âge: MARFINET célèbre Avocat, fit alors cette Epigranime,

Vidimas attonito puerum garrixe Senatu.

Bis pueris puerum qui fupuere Senes,

Son Pere étoit aufli Avocat, & le mêloit de Foëfie. Il of

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