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que leur premier Pere avoit prêté l'oreille aux promeffes du Démon, j'ai pu conclurre infailli blement que l'Idolatrie eft un fruit, ou pour mieux dire, un véritable enfant de l'Equivoque. Je ne voi donc pas qu'on me puiffe faire fur cela aucune bonne critique; fur tout ma Satire étant un pur jeu d'efprit, où il feroit ridicule d'exiger une précision géometrique de pensées & de pas

roles.

Mais il y a une autre objection plus importante &plus confidérable, qu'on me fera peut-être au fujet des Propofitions de Morale relâchée, que j'attaque dans la dernière partie de mon Ouvra ge. Car ces Propofitions aiant été, à ce qu'on prétend, avancées par quantité de Théologiens, même célèbres, la moquerie que j'en fais peut, dira-t-on, diffamer en quelque forte ces Théologiens, & caufer ainfi une espèce de fcandale dans Eglife. A cela je répons premièrement, Qu'il n'y a aucune des Propofitions que j'attaque, qui n'ait été plus d'une fois condamnée par toute PEglife, & tout recemment encore par deux des plus grans Papes qui aient depuis long-tems remplile S. Siège. Je dis en fecond lieu, qu'à l'exem. ple de ces célèbres Vicaires de JESUS CHRIST, je n'ai point nommé les Auteurs de ces Propofi tions, ni aucun de ces Théologiens dont on dit que je puis caufer la diffamation, & contre les quels même j'avoue que je ne puis rien décider. puisque je n'ai point lû, ni ne fuis d'humeur à lire leurs Ecrits: ce qui feroit pourtant abfolument néceffaire pour prononcer fur les accufa tions que l'on forme contr'eux, leurs accufateurs pouvant les avoir mal entendus, & s'être trompez dans l'intelligence des passages où ils prétear

dent

dent que font ces erreurs dont il: les accufent. Je foutiens en troifième lieu, qu'il eft contre le droite Raifon de penser que je puiffe exciter quelque fcandale dans Eglife, en traitant de ridicules des Propofitions rejettées de toute l'Eglife, & plus dignes encore, par leur abfurdité, d'être fiflées de tous les fidèles, que refutées férieusement. C'est ce que je me croi obligé de dire pour me juftifier. Que fi après cela il se trouve enco re quelques Théologiens qui fe figurent qu'en décriant ces Propofitions, j'ai eu en vûe de les décrier eux-mêmes, je déclare que cette fause idée qu'ils ont de moi ne fauroit venir que des mauvais artifices de l'Equivoque, qui, pour se vanger des injures que je lui dis dans ma Pièce, s'éforce d'intéreler dans fa caufe ces Théologiens, en me faifant penfer ce que je n'ai pas pensé, dire ce que je n'ai point dit.

Voilà, ce me femble, bien des paroles, & peut être trop de paroles emploiées pour justifier un auffi peu confidérable Ouvrage qu'est la Satire qu'on va voir. Avant néanmoins que definir je ne crois pas me pouvoir dispenser d'aprendreaux Lecteurs, qu'en attaquant, comme je fais dans ma Satire, ces erreurs, je ne me fuis point fé à mes feules lumières; mais qu'ainsi que je Pai pratiqué, il y a environ dix ans, à l'égard de mon Epitre De l'Amour de Dieu, j'ai non Seulement confulté fur mon Ouvrage tout ce que je connois de plus habiles Docteurs, mais que je l'ai donné à examiner au Prélat de l'Eglife qui, par l'étendue de fes connoiffances & pur l'Emi nence de fa dignité, eft le plus capable & le plus en droit de me preferire ce que je dois penfer fur ces matières. Je veux dire à M. le Cardinal de

NOAILLES, mon Archevêque. F'ajouterai, que ce pieux favant Cardinal a en trois femaines ma Satire entre les mains & qu'à mes inftantes prières, après l'avoir lûë & reluë plus d'une fois, il me l'a enfin rendue, en me comblant d'éloges, & m'a assuré qu'il n'y avoit trouvé à redire qu'un feul mot, que j'ai corrigé sur le champ, & fur lequel je lui ai donné une entière Satisfaction. Je me flate donc qu'avec une aprobation fi authentique, fi fûre, figlorieuse, je

puis marcher la tête levée, & dire bardiment des Critiques qu'on pourra faire deformais contre la doctrine de mon Ouvrage, que ce ne fauroient être que de vaines fubtilitez d'un tas de miférables Sophiftes formez dans l'Ecole du Mensonge, & auffi afidez amis de l'Equivoque, qu'opiniâtres ennemis de Dieu, du Bon Sens de la Vérité.

SATIRE XII

SUR

L'EQUIVOQUE

U langage François bizarre Hermaphrodite, De quel genre te faire, EQUIVOQUE maudite, Ou maudit? car fans peine aux Rimeurs hazardeux L'ufage encor, je croi, laiffe le choix des deux. 5 Tu ne me répons rien? Sors d'ici, Fourbe infigne, Mâ

CEtte Satire a été compofée en l'Année 1705. l'Auteur étant âgé de 69. ans. 11 emploïa onze mois à la faire, & trois ans à la corriger. Pendant ce long intervale fes amis l'engageoient fouvent à en réciter des lambeaux; 、 & fur les raports peu fidèles qu'ils en faifoient dans le monde, on s'imagina que fa principale vûë étoit d'offenfer les Jéfuites par cet Ouvrage. Mais outre qu'attaquer les Jéfuites, & attaquer l'Equivoque, font deux chofes très-différentes, la fameufe opinion de l'Equivoque n'étant pas enfeignée par tous les Jéfuites, & fe trouvant en beaucoup d'Auteurs qui ne font pas Jéfuites; on peut dire en quelque façon que cette Satire n'attaque pas même les Cafuittes en général.

L'Equivoque fe prend ici par Mr. Despréaux, pour tous les abus & toutes les meprifes de l'Esprit humain, qui nous font prendre fouvent une chose pour une autre. C'eft ainsi qu'il s'exprime dans le Discours précedent. Au lieu que les Cafuiftes, fuivant le P. Daniel, appèlent E QUIVOQUE2 toute propofition qui a plufieurs fens, & que l'on fait en prévoiant que la perfonne qui nous écoute, la prendra dans un sens différent de celui que nous y donnons dans notre esprit.

Cette Satire ne regarde donc nullement l'Equivoque dont il s'agit dans les Ecoles. Mr. Despréaux dit lui même que c'est un pur Jeu d'Efprit. Ainfi ce feroit une erreur de croire

Mâle auffi dangereux que femelle maligne,

Qui crois rendre innocens les discours impofteurs; Tourment des Ecrivains, jufte effroi des Lecteurs ;: Par qui de mots confus fans ceffe embaraffée 10 Ma plume, en écrivant, cherche en vain ma pensée. Laiffe-moi, va charmer de tes vains agrémens, Les yeux faux & gâtez de tes louches amans; Et ne viens point ici de ton ombre groffière Enveloper mon ftile ami de la lumière.

15 Tu fais bien que jamais chez toi, dans mes discours, Je n'ai d'un faux brillant emprunté le fecours.

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22.

"

Fui

qu'il ait prétendu dogmatifer, foit dans cet Ouvrage, foit
dans fon Epître de l'Amour de Dieu ; Il n'épousoit féricule-
ment nul parti, à l'égard des matières qui ne font point
encore décidées. On en peut juger par cet endroit d'une
Lettre qu'il m'écrivit le 7. de Decembre 1703. & où il s'a
git de la plus grande conteftation des Théologiens de ce.
Siècle. ""
Pour ce qui regarde le démêlé fur la Grace, c'est
furquoi je n'ai point pris parti, étant tantôt d'un fenti-
,, ment, & tantôt d'un autre: de forte que m'étant quel-
quefois couché Janfénifte tirant au Calvinifte, je fuis.
tout étonné que je me réveille Molinifte approchant du
,, Pélagien. Ainfi, fans condamner ni les uns ni les au-
,, tres, je m'écrie avec S. Paul: Altitudo Sapientia! Mais
,, après avoir quelquefois en moi même traduit ces paroles
par: O que Dien eft fage! j'ajoûte auffi en même tems:
0 les hommes font fous ! Je m'imagine que vous en-
tendez bien pourquoi cette dernière exclamation, & que
vous n'y comprenez pas un petit nombre de volumes.
S. Quoi qu'en dife le Commentateur, on ne fauroit dou-
ter que la principale vûe de Mr, Despréaux n'ait été d'of-
fenfer les Jefuites par cet Ouvrage, c'est-à-dire, de faririfer
leur Morale, & d'attaquer leurs Cafuiftes en général. La
preuve en eft claire. Mr. Despréaux n'a fait que répeter
dans cette Satire les accufations que Mr. Pascal a faites

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"

que

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contre.

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