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pon, se précipitent avec leur impétuosité accoutumée, bravant une artillerie meurtrière. Les Mameloucks s'élancent intréIpidement sur les Français, qu'ils ne peuvent ébranler ; repoussés et dans le désordre, ils tombent sous le fer des carabiniers, qui en font un carnage effroyable, et déjà les retranchemens sont au pouvoir des républicains, ainsi que le village d'Embabé. La perte des Mameloucks fut évaluée à 2,000 hommes de cavalerie d'élite; un grand nombre périt en se jetant dans le Nil, MouradBey lui-même fut atteint à la joue; la plupart des beys furent tués ou blessés.

L'importance de ce succès étoit incalculable; il enlevoit cinquante pièces de canon, formant la plus grande partie de l'artillerie ennemie, quatre cents chameaux chargés des bagages et des vivres: il ouvroit le chemin du Caire et de la HauteEgypte; il jetoit le découragement parmi les Mameloucks, et affermissoit la prise de possession de l'Egypte par les Français: aussi le général Berthier rendant compte. des travaux de cette expédition, disoit : cc Jamais avantage ne fit mieux sentir

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Ja supériorité de la tactique moderne des Européens sur celle des Orientaux, du courage discipliné sur la valeur désordonnée....

L'armée dégagée de toute entrave s'avance dans sa marche triomphale jusqu'à Giseh. Les grands du Caire, alarmés de l'approche des Français, cherchent à se concilier la bienveillance du vainqueur ; ils vont au-devant de Bonaparte, implorent sa protection, au nom des habitans de la cité-mère de l'Egypte, impatiente, suivant eux, de recevoir l'armée victorieuse dans son sein. Le général en chef les accueille avec cette dignité affectueuse qui commande la confiance; il leur promet le maintien de l'ordre et de la tranquillité, et les fait reconduire avec distinction par un Idétachement français.

Il étoit urgent qu'une force imposante arrivật dans la capitale de la Haute-Egypte. En effet, profitant de la défaite et de la fuite des Mameloucks, le peuple, mu par des malveillans, s'étoit porté au pillage et, dans l'excès de sa vengeance, avoit dévasté er réduit en cendres le magnifique.

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palais de Mourad-Bey. L'arrivée des Français mit un terme au désordre et prévint l'explosion d'un incendie général prêt d'embrâser le chef-lieu de l'Egypte.

L'entrée victorieuse des Français dans la ville du Caire eut lieu le thermidor. Le S muphti des Cophtes s'empressa de célébrer, par un cantique chanté dans la grande mosquée, le jour de l'arrivée de Bonaparte au Caire et son triomphe sur les Mameloucks. Les Français y étoient peints comme pénétrés de respect pour le Grand Allah ; il finissoit cet hymne en disant :

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«Voilà pourquoi le favori de la victoire l'est aussi du Grand Allah! voilà pourquoi les braves de l'Occident sont protégés par le bouclier invincible du » Grand Allah !.... »

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Bonaparte ne s'endort pas au sein de la victoire. L'armée des Mameloucks battue à la journée d'Embabé, s'étoit divisée en deux corps; l'un conduit par Mourad Bey avoit pris la route de la Haute-Egypte, l'autre commandé par Ibrahim-Bey s'étoit réfugié en Syrie. Dans les mains de çes deux beys reposoit la suprême puissance.

de l'Egypte; l'un étoit chef de la partie militaire, l'autre avoit le gouvernement absolu de l'administration intérieure. Il importoit donc essentiellement de repousser au loin deux hommes aussi puissans, extrêmement dangereux par l'influence politique qu'ils avoient exercée depuis longtemps. Le général Bonaparte s'occupa de suite du soin de constituer un régime administratif, de pourvoir aux besoins les plus urgens, et se détermina à poursuivre les ennemis jusque dans leur dernier retranchement. Il dirige sa marche contre Ibrahim-Bey, et chemin faisant, il fait rendie à la caravane de la Mecque les objets qui lui avoient été enlevés par les Arabes payés pour l'escorter et la garantir des voleurs. Bientôt l'avant-garde entre dans le village de Salehieh, où elle faillit surprendre le bey qui, avec ses trésors et ses femmes, n'eut que le temps de chercher son salut dans la fuite.

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Cependant, cette vaste plaine étoit inoncorps nombreux d'Arabes qui sembloient devoir investir l'armée française ou Panéantir, si elle avoit le moindre revers.

La seule avant-garde d'Ibrahim étoit trois fois plus considérable que l'avant-garde française; mais que peut le nombre sans la discipline? Avec son armée presqu'innombrable, le bey est obligé de fuir deyant une poignée de Français aguerris et habitués à vaincre. Ibrahim se console de l'autorité absolue qui lui échappe, en emmenant avec lui une longue suite de femmes, de Mameloucks, d'équipages, des trésors considérables, fruit des rapines. sans nombre qu'il exerçoit journellement au nom du divan, et pour protéger le commerce et la sûreté publique. Sa retraite au-delà du désert et en Syrie assure aux Français la libre et paisible possession de l'Egypte, et le repos qu'ils avoient acheté au prix de leur sang et de tant de périls affrontés depuis leur entrée sur les bords du Nil.

Ces succès prodigieux firent la plus profonde impression sur l'esprit d'un peuple souple, ignorant et superstitieux à l'excès. Lors de la prise d'Alexandrie, le schérif ainsi que les imans et les cheiks, soit crédulité ou plutôt duplicité, avoient invoqué

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