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Au très Puissant et très chrestien roy de France.

HENRY DEUXIEME DE CE NOM,

Jacques Amyot abbé de Bellozane

son très humble et très obeissant serviteur S.

CBULX

EULX qui de pere en filz sont nez ou habituez soubs une juste, legitime et hereditaire principauté, comme la vostre, Sire, doyvent, à mon jugement, au service de leur prince, la devotion que les sages anciens attribuoient à la charité du païs où lon a pris naissance. Car ilz disoient que le premier degré en estoit deu aux dieux, le second au païs, et le troisieme aux parens, sans faire mention de roy ne de prince, pour autant que c'estoient gens qui vivoient soubs autre forme de gouvernement, que de royaume, et qui pour inciter les hommes à defendre le public, soubs lequel la vie, l'honneur et le bien de chaque particulier sont compris, et à tascher de profiter à la communauté de ceulx avec lesquelz on a convenance de nativité, de langue, de loix, de mœurs et de demeurance, enseignoient que non seulement la raison de tout droict

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humain, mais aussi la religion de droict divin, et le devoir de conscience obligeoient toute personne de servir à son entier pouvoir au bien public de son païs, oultre la douceur d'affection que nature imprime en noz cueurs, et la conformité d'humeurs qui se treuve ordinairement en noz corps, avec le ciel et l'air où nous avons premierement respiré, qui semble une obligation naturelle.

MAIS COmme ainsi soit que toutes nations, non plus que tous hommes particuliers, ne sont pas propres à estre regies d'une mesme sorte de gouvernement, pource qu'il est plus expedient à aucune de servir, que de commander, et qu'au jugement du prince des philosophes, la plus parfaitte des trois especes du gouvernement de la chose publique, et la plus selon Dieu et nature, est celle de la royauté, ceulx qui par election ou par nativité y sont soubmis, doyvent bien affectueusement esvertuer toutes leurs forces, et de corps et d'entendement, pour faire chascun en son endroit et selon sa vacation, service à leur souverain: attendu que servans à un, ilz profitent à tous, et qu'en luy seul gist l'heur et malheur de ses subjects: de luy depend le repos ou travail,

l'aise ou misere de tous ceulx qui vivent soubs son empire: luy seul represente la chose publique, veu que sa voulunté est loy, sa parole arrest, et sa vie discipline exemplaire de bien ou de mal faire.

Si me semble à ce propos qu'Artabanus, l'un des capitaines du roy Xerxes, respondit sagement à Themistocles, lors qu'il se retira fuitif de la Grece en la cour de Perse: << Les << Loix et coustumes des hommes, dit il, sont « differentes, Themistocles, et y a des << choses tenues pour honnestes en un païs, << qui ne le sont pas en un autre : mais bien <<< est il par tout honneste à chascun, de << maintenir et garder celles de son païs. << Car quant à vous autres Grecs, on dit << que vous n'avez rien si cher ny en si << grande recommandation, que la liberté « et l'egalité mais nous Persiens estimons « que la plus belle et la plus saincte ordon<<< nance que nous ayons, soit celle qui <<< nous commande d'honorer, servir et re<<< verer nostre roy, ne plus ne moins que <<< l'image de Dieu vivant, qui regit et gou<< verne tout ce monde. >>

C'EST bien un tiltre auguste et venerable

que celuy là, et le plus magnifique et le plus digne, qui sçauroit estre donné à un monarque souverain, prouveu qu'il s'en veuille souvenir, et qu'il ait tousjours la crainte de Dieu, et la raison, qui luy sonne continuellement aux oreilles. Ce qui jadis s'observoit par coustume en la cour de Perse: là où l'un des gentilzhommes de la chambre avoit la charge de se trouver tous les matins au reveil du roy, et luy dire: << Leve toy, Sire, pour prouvoir aux affaires, <<< dont le grand Mesoromasdes ( car ainsi appelloient ilz Dieu ) veut que tu ayes le << soing »>.

сс

CE discours de raison naturelle, Sire quant encore le commandement des Escritures sainctes, où l'authorité des princes est si authentiquement fondée, n'y seroit point, oblige assez tous voz subjects à desirer de vous faire service: et de ma part, ayant cherché de vous en faire en l'institution de Messeigneurs d'Orleans et d'Angoulesme, voz très heureusement nez enfans, que Dieu benie, pour employer le temps, qui me demeuroit vuide, à faire encore quelque autre chose qui vous fust aggreable, après avoir vacqué au devoir de

l'office, auquel il vous a pleu me commettre, de leur enseigner les lettres, je me suis mis à revoir ce que de long temps j'avoye traduit de grec en françois des Vies de Plutarque, et à continuer de traduire ce qui m'en restoit tant que finablement, ayant conduit l'œuvre totale à chef, j'ay pris la hardiesse de la vous presenter imprimée, et la faire sortir soubs la sauve-garde de vostre très illustre nom, en public, és mains de voz hommes : non que j'eusse opinion qu'il pust issir de moy, personne si basse et si petite en toute qualité, chose qui meritast d'estre mise devant les yeux de vostre Majesté : mais bien ayant certaine confiance, que l'œuvre de soy est si recommandable et si excellente, qu'elle pourra faire excuser le defaut qui s'y trouvera de ma part, pource que je confesse avoir plus estudié à rendre fidelement ce que l'autheur a voulu dire, que non pas à orner ou polir le langage, ainsi que luy mesme a mieulx aimé escrire doctemement et gravement en sa langue, que non pas doucement ny facilement.

MAIS en recompense il y a tant de plaisir, d'instruction et de profit en la substance du livre, qu'en quelque style qu'il soit mis,

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