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anciens Latins appelloient la mammelle Ruma, et appellent encores aujourd'huy la deesse que lon reclame pour eslever les enfans de mammelle, Rumilia: aux sacrifices de laquelle on n'use point de vins, ains y offre lon du laict, et 2 de l'eau meslée avec du miel.

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VI. CES deux enfans donques estans là ainsi gisans, on escrit, qu'il y survint une louve, laquelle leur donna à tetter, et un pivert qui aida aussi à les nourrir et garder. Ces deux bestes sont estimées estre sacrées au dieu Mars, et les Latins honorent et reverent sigulierement le pivert. Ce qui aida grandement à faire croire le dire de la mere, laquelle afferma qu'elle avoit conceu les deux enfans, du dieu Mars: toutefois aucuns disent qu'elle print ceste opinion par erreur, pource qu'Amulius qui la despucella, l'alla trouver tout armé, et la forcea. Les autres tiennent que le nom

Dans les Demandes Romaines. Dem. LVII, Plutarque l'appelle la déesse Rumina.

Et de l'eau meslée avec du miel n'est pas dans le grec. c,

de la nourrice, qui nourrit de mammelle les deux enfans, donna occasion au bruit commun de forvoyer en ceste fable, à cause de l'ambiguité de sa signification, pource que les Latins appellent d'un mesme nom Lupas, c'est à dire louves, les femelles des loups, et les femmes qui abandonnent leur corps à tous venans, comme faisoit celle nourrice, femme de Faustulus, qui emporta les enfans en sa maison. Elle s'appelloit en droit nom Acca Larentia, à qui les Romains sacrifient encores aujourd'huy et luy offre le prebstre de Mars, au mois d'avril, les effusions de vin et de laict accoutumées ès funerailles : et la feste mesme s'appelle Larentia. Il est bien vray qu'ilz honorent encores une autre Larentia, pour telle occasion: Le sacristain du temple de Hercules ne sachant un jour à quoy passer son temps, comme il est vraysemblable, convia de gayeté de cueur le dieu à jouer aux dez avec luy, soubs condition, que s'il gaignoit, Hercules seroit tenu de luy envoyer quelque bon heur : et s'il perdoit aussi, qu'il appresteroit très bien à soupper à Hercules, et luy ameneroit une belle femme pour coucher avec luy. Les conditions du jeu ainsi articulées, le sacristain jetta les dez pour Hercules premierement, et puis après pour soy mesme. Il advint que Hercules gaigna, et le sacristain recognoissant bonne foy, et estimant estre raisonnable qu'il accomplist la paction que luy mesme avoit faicte, appresta un beau soupper, et loua ceste Larentia courtisane, laquelle estoit bien belle mais non encore guieres renommée et l'ayant

festoyée dedans le temple mesme, y feit dresser un lict, et après le soupper l'enferma dedans, comme si Hercules eust deu venir coucher avec elle : et dit on que veritablement il y vint, et qu'il luy commanda, qu'elle s'en allast le matin sur la place, et y saluast le premier homme qu'elle y rencontreroit, en le retenant pour son amy. Ce qu'elle feit, et trouva le premier un nommé Tarrutius, homme ja fort aagé, lequel avoit amassé beaucoup de biens, et si n'avoit point d'enfans: aussi n'avoit il jamais esté marié. Il s'accointa de ceste Larentia, et l'aima tellement, que depuis venant à mourir, il la laissa son heritiere de plusienrs grands biens, dont elle mesme laissa depuis la plus grande partie au peuple Romain par son testament: et dit on qu'estant ja fort renommée et honorée, comme celle que lon estimoit estre l'amie d'un dieu, elle disparut au mesme lieu où estoit enterrée la premiere Larentia. Le lieu s'appelle aujourd'huy Velabrum, pour autant que la riviere venant à desborder, on estoit souvent contraint de passer en bateau pour aller par cest endroit là sur la place, et appelloit on ceste maniere de passer en bateau, Velatura. Les autres disent que ceulx qui faisoient des jeux et passetemps publiques, pour gaigner la faveur du peuple, avoient accoustumé de couvrir de voiles et de toiles ce passage là, par où lon va de la place aux lices où se font les courses des chevaulx, en commenceant à cest endroit là: et les Romains appellent en leur langue une voile, velum. C'est la 'Le grand Cirque

cause pour laquelle ceste seconde Larentiá est honorée à Rome.

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VII. FAUSTULUS donques, le maistre porchier d'Amulius, enleva les deux petits enfans, sans que personne en sceust rien, comme les uns disent, ou, comme les autres le comptent, avec plus de semblance de verité, du sceu et avec intelligence de Numitor, lequel secrettement fournit argent à ceulx qui les nourrirent. Car on dit mesme qu'ilz furent portez en la ville des Gabiens, là où ilz apprirent les lettres, et toutes autres choses honnestes, que lon a accoustumé de faire apprendre aux enfans de bonne et noble maison: et dit on qu'ilz furent nommez Remus et Romulus, à cause que lon les trouva tettans le pis d'une louve. Si monstra bien incontinent la beaulté de leurs corps seulement à veoir leur taille, et les traicts de leurs visages, de quelle nature ilz seroient mais à mesure qu'ilz allerent croissans, le courage leur creut aussi, et devinrent hommes assurez et hardis, de sorte qu'ilz ne se troubloient, ny ne s'estonnoient aucunement pour quelque danger qui se presentast devant leurs yeulx. Toutefois il sembloit bien, que Romulus avoit plus de sens et d'entendement que son frere: car en toutes choses qu'ilz avoient à desmeler avec leurs voisins, touchant la chasse, ou les bornes de leurs pasturages, il donnoit evidemment à cognoistre qu'il estoit né pour commander, et non pas pour obeir. A ceste cause estoient ilz tous deux bien voulus de leurs semblables, et de ceulx qui estoient de plus basse

condition qu'eulx : mais au reste, quant à ceulx qui avoient la superintendance sur les trouppeaux du roy, ilz n'en faisoient compte, disant qu'ilz n'avoient rien de meilleur qu'eulx, et ne se soucioient point de leurs courroux ny de leurs menaces: ains s'addonnoient à tous exercices et toutes occupations honnestes, n'estimans point, que vivre en oysiveté, sans travailler, fust chose belle ny bonne : ains plustost exerciter et endurcir son corps à chasser, courir, combatre les brigandz, poursuivre les larrons, et à secourir ceulx ausquelz lon faisoit tort. Pour lesquelles raisons ilz furent en peu de temps fort renommez: et s'estant emeu d'adventure quelque debat et different entre les pasteurs d'Amulius et ceulx de Numitor, de maniere que ceulx de Numitor emmenoient par force partie du bestial des autres, ilz ne le peurent endurer, ains allerent après, et les batirent très bien : et leur ayant faict prendre la fuite, ramenerent la plus grande partie des bestes qu'ilz emmenoient: de quoy Numitor fut fort couroucé, mais eulx ne s'en soucierent guieres, ains amasserent à l'entour d'eulx bonne trouppe d'hommes vagabonds, qui n'avoient ne feu ne lieu, et de serfz fugitifs qu'ilz desbauchoient eulx mesmes, en leur donnant hardresse et courage de se desrober de leurs maistres.

VIII. MAIS un jour, pendant que Romulus estoit empesché à quelque sacrifice, pource qu'il estoit homme devot, aimant à sacrifier aux dieux, et qu'il s'entendoit en l'art de deviner et predire les choses à advenir, les bergers de Numitor rencontrerent

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