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modificatrices; et ce que nous savons des civilisations est à la fois en raison inverse de leur antiquité et de leur éloignement (1).

Le temps n'a sur le monument qu'une influence superficielle et extrêmement lente; mais son action s'exerce

1. Si l'on désigne abréviativement par e la connaissance des faits, par d la distance du lieu où s'est accompli un événement, par t l'époque de son arrivée, par k une quantité qui reste constante, on peut représenter le degré de précision des faits historiques par la formule

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En discutant algébriquement cette formule, on voit que quatre cas peuvent se présenter :

La valeur de d est voisine de zéro.

1. La valeur de t est peu différente de zéro. Dans ce cas, la valeur de la fraction est un maximum, puisque d et t atteignent leurs plus faibles valeurs : la connaissance historique est alors très précise. C'est le cas des nations de l'Europe actuelle.

2. La valeur de t est très élevée : alors la connaissance devient moins précise. Tel est le cas civilisations étrusques.

La valeur de d devient très grande.

3. La valeur de t redevient proche de zéro : c'est le même cas que précédemment on peut donner comme exemple la civilisation japonaise.

4. La valeur de t s'élève; l'antiquité vient ajouter son action. à l'éloignement, comme cela arrive pour la civilisation hindoue.

De sorte qu'au point de vue subjectif, trois cas seulement sont à

considérer :

1. d et t ont une valeur peu différente de zéro: la connaissance historique atteint sa plus grande précision.

2. d out ont séparément une valeur élevée : la connaissance historique est vague.

3. d et t ont simultanément une valeur élevée : la connaissance historique perd toute précision.

d'une manière à la fois rapide et profonde sur le manuscrit, qui peut être, non seulement altéré mainte et mainte fois, mais entièrement détruit d'un seul coup. En revanche, pendant que le monument reste cloué en sa place, le manuscrit est essentiellement mobile, il se transporte avec la plus grande facilité. Des deux sortes de matériaux qui sont à la disposition de l'historien, on peut dire que les uns, sans pouvoir vaincre l'espace, résistent bien au temps, tandis que les autres, tout en s'altérant rapidement, bravent l'éloignement et suppriment la distance. Or il n'existe aucun moyen pour diminuer la durée : « temps passé ne revient pas, » ce proverbe restera éternellement vrai. Pour retenir les années qui s'envolent, il faudrait que l'homme réussît à faire tourner la terre en sens inverse; bien plus, il faudrait qu'il supprimât tous les mouvements de l'univers, car chacun d'eux peut servir de mesure au temps: c'est là plus qu'un rêve, c'est une absurdité. Nous possédons au contraire de nombreux moyens pour raccourcir les distances le plus perfectionné consiste à poser sur la surface du globe une voie à frottement doux, sous forme de deux rubans métalliques, et d'atteler aux voitures courant sur cette route « les chevaux du soleil: » c'est le nom pittoresque que Stephenson donnait à la force solaire, condensée dans la houille pendant les périodes géologiques.

Ainsi tandis que l'homme n'a aucune action sur le temps, il sait diminuer les distances dans des proportions qui peuvent dépasser toute limite. Des deux sortes de témoignages, il faut en conclure que le plus précieux

pour nous est le monument. Dès aujourd'hui nous pouvons nous transporter à l'endroit où il repose, étudier ses ruines, analyser sa structure, déchiffrer ses.inscriptions: quant à remonter le cours des âges écoulés jusqu'à l'époque où un manuscrit a été rédigé, pour en vérifier l'authenticité et la provenance, c'est là un travail qui sera toujours au-dessus des forces de l'homme. Et d'ailleurs il ne faudrait pas croire que cette immobilité, cette résistance au transport, qui caractérise le monument, fût pour cette sorte de document une cause d'infériorité : par lui le travail de l'historien est rendu un peu plus pénible, c'est vrai, mais la certitude historique y gagne énormément. Pendant que l'homme se meut, se déplace, change d'air, son œuvre reste fixée au sol, et, gardant à la fois la double empreinte du temps et du lieu, reconstitue d'un seul coup les deux données essentielles de l'histoire.

Depuis longtemps la civilisation a abandonné les rivages de la mer qui vit grandir Athènes; l'homme a comme déserté ces plages qui furent pendant si longtemps le théâtre de sa dévorante activité : mais des ruines sont là pour nous dire que ces contrées, aujourd'hui solitaires, ont été autrefois le siège d'une civilisation brillante et prospère. L'homme a passé, le monument est resté, à la vérité mutilé et amoindri, mais toujours reconnaissable et susceptible d'être reconstitué pièces par pièces. La similitude entre les sociétés et les organismes, que nous avons posée au début de ce chapitre, se poursuit jusqu'à la fin de même que c'est

par l'étude des crânes que l'anthropologiste reconstitue les races du passé, de même c'est par les ruines des cités enfouies, par les débris des villes écroulées, par toutes ces têtes de mondes en poussière, que l'historien ressuscite les sociétés mortes ou évanouies.

CHAPITRE QUATRIÈME

LA VARIABLE

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Les orga

Les influences du milieu sont limitées au monde solaire. nismes sont des mécanismes, et le soleil est le générateur du mouvement, et par conséquent de la vie, à la surface de la terre. — La terre fournit la matière. Les influences du milieu comprennent à la fois le soleil et la terre; la variable indépendante est double. Les influences solaires l'emportent sur les influences terrestres : la variable principale est le climat. Invariabilité du milieu durant la période de la civilisation.

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Le mot de milieu est encore plus complexe que celui de civilisation: pris dans toute sa généralité, il désigne la totalité des choses existantes. Mais dans la série des influences par lesquelles l'univers agit sur l'homme, il y a des termes d'une valeur très inégale. Comme nous l'avons fait remarquer, la loi des masses domine le monde; mais la loi des masses ne va jamais sans une autre, qui est celle des distances. Lorsqu'un mouvement se propage également dans tous les sens, son intensité décroît en raison inverse du carré de l'éloignement (1). L'homme étant un atome dans l'univers, seules les parties avoisinant l'atome pourront exercer sur lui une

1. Voyez page 30.

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