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ciens, l'action du sol sur le développement humain est prépondérante, et partout où les terrains récents viennent affleurer à la surface de la terre, on est certain d'y rencontrer la civilisation. Les faits sont là pour faire justice de cette exagération. Dans la figure 15, on a représenté les formations récentes qui émergent sur le continent européen, en se bornant à celles dont la superficie dépasse dix mille kilomètres carrés; ces formations se répartissent suivant cinq groupes, l'un occupant la région néerlandaise et danoise, un autre la partie orientale de la péninsule italique, le troisième la plaine hongroise, le quatrième le centre de la presqu'île d'Anatolie, le dernier enfin, à lui seul plus étendu que tous ceux qui précèdent, recouvrant toute la portion méridionale du territoire russe. S'il était vrai, comme on

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l'affirme, que la civilisation accompagne partout les terrains récents, c'est à l'orient de l'Europe, et non à. l'occident, que le développement humain aurait dù atteindre son maximum d'énergie; nous savons que, non seulement il n'en est rien, mais que cette région,

qui contourne la mer Noire et la Caspienne, est toujours restée rebelle à la civilisation. Dans la presqu'île d'Anatolie, la civilisation s'est développée à peu près partout, sauf dans la partie centrale, où se trouve situé l'amas de terres récentes; les cités helléniques étaient toutes confinées à la région côtière. On peut constater des faits du même genre dans les groupes situés à l'occident de l'Europe; la Hongrie est la province la plus arriérée de tout l'empire d'Autriche (1); la péninsule italique, où dominent les formations récentes, est bien en arrière de la France, moins favorisée par les influences minéralogiques; la Hollande et le Danemarck sont dépassés par Grande-Bretagne, où les terrains primitifs recouvrent de larges portions du territoire. Et, en effet, la conclusion à laquelle nous sommes arrivés, à savoir que les formations récentes sont les plus favorables au développement humain, est loin d'avoir le caractère absolu et rigoureux qu'on lui prète : il n'y a pas là une loi, mais une simple règle, et, comme telle, sujette à de nombreuses exceptions (2).

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1. En Hongrie, remarque le docteur A. Zimmermann, « le sol est gras et fertile, mais la population clair semée, insouciante et ennemie du travail, de sorte que d'immenses terrains, qui pourraient faire de magnifiques champs de blé, ne servent aujourd'hui, comme du temps d'Attila, qu'aux ébats de nombreux troupeaux de chevaux et de bœufs sauvages. Les camps des Huns et les rings des Avares, épars dans la plaine, ont été remplacés par des villages plus ou moins considérables, mais tout aussi dispersés; les demeures passagères des nomades sont devenues des habitations fixes, mais le peuple a hérité de l'indolence de ses devanciers. >>

2. La stérilité de la végétation n'est pas indissolublement liée à l'existence des terrains primitifs, pas plus que sa fécondité n'est inhérente à la présence des terrains récents: le Brésil, dont la fer

D'ailleurs on voudrait attribuer aux influences minéralogiques une importance capitale sur la civilisation qu'on ne le pourrait pas; leur faible portée s'y oppose.

Figure 16

Les formations géologiques, comme le montre la figure 16, ne s'étendent que sur des superficies de terrains peu

tilité est extraordinaire, est composé en grande partie de terres primitives; la Sologne, qui est de formation tertiaire, est le sol le plus ingrat que l'on puisse voir. En Bretagne, remarque Puillon-Boblaye «l'influence de la nature des roches sur la fertilité du sol et le genre de culture est très remarquable... Le sol formé de la destruction des granites et des roches feldspathiques produit à peine du blé noir; le terrain de transition, beaucoup plus fertile, donne, dans quelques circonstances, des récoltes abondantes, et les pâturages y sont excellents, excepté pourtant dans les parties formées par le grès: sur ce sol, ordinairement maigre, il croit à peine des ajoncs et des bruyères rabougries. Les lambeaux de terrains tertiaires qui couvrent quelques plateaux sont tous d'une stérilité remarquable. » Ce dernier fait montre bien que la relation entre la fécondité de la terre et l'âge du terrain n'est nullement absolue.

étendues(1); elles se coupent, s'enchevêtrent, se disloquent l'une l'autre, et comme telles elles ne sont propres qu'à différencier des cantons, des districts, des provinces (2); ce n'est qu'exceptionnellement qu'elles serviront à caractériser des régions d'une certaine amplitude, comme la France et l'Allemagne : en aucun cas, elles ne pourront différencier deux continents ou deux parties de continent, à la manière des influences hygrométriques qui séparent l'Orient de l'Occident, l'Afrique de l'Europe, l'Australie de l'Asie, ou des influences barométriques, à l'aide desquelles le nouveau monde se distingue de l'ancien. L'influence minéralogique est à l'ensemble des influences terrestres ce que ces dernières sont aux influences thermiques.

1. Dans la figure 16, on n'a représenté que les lignes marquant la séparation des neuf assises fondamentales; si l'on avait figuré chaque étage, la superficie des formations géologiques serait plus restreinte

encore.

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2. « On a souvent reconnu que les contours des anciens pagi gaulois correspondaient assez exactement aux limites des formations géologiques, et, de nos jours, la plupart de ces pagi se reconstruiraient encore d'eux-mêmes, si la centralisation administrative ne s'opposait pas brutalement à l'action des affinités naturelles. Chaque sol a sa race spéciale; le granit a la sienne, les terrains calcaires ont la leur, de même que la région des laves et des cratères éteints. >>> (E. Reclus.)

CHAPITRE CINQUIÈME

CONCLUSION

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Evolution de la théorie des influences du milieu.. Finalité et adaptation. La science a suivi l'ordre des apparences; les historiens se sont trop attachés aux influences minéralogiques. Ordre d'im-portance. L'influence du milieu s'exerce, non sur la société directement, mais sur l'individu (Buckle). · Elle s'exerce, non sur l'épiderme, mais sur le sang (Montesquieu). L'homme est le produit du milieu alimentaire. L'influence du milieu s'exerce, non pas seulement sur la génération présente, mais sur l'ensemble des générations antérieures. (Kant.)- Coordonnées historiques.

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Cette doctrine de l'influence du milieu, dont nous venons de faire si longuement l'application à l'homme, n'est point une théorie nouvelle; depuis près d'un siècle, sous le nom de principe d'adaptation, elle a fait son apparition dans la science, où petit à petit elle s'est substituée à la vieille hypothèse des causes finales (1).

1. Lamarck formulait ainsi le principe d'adaptation: «De grands changements dans les circonstances amènent pour les animaux de grands changements pour leurs besoins, et de pareils changements dans les besoins en amènent nécessairement dans leurs actions; » et comme la fonction fait l'organe, il en résulte que l'être vivant est le produit du milieu. Geoffroy Saint-Hilaire se chargea de défendre la nouvelle doctrine contre les attaques de Cuvier; tout le monde a présent à l'esprit la lutte mémorable qui s'ensuivit. Auguste Comte,

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