Athènes ensuite, puis tout à fait au nord, Constantinople, pour ne parler que des principales cités. Dans la région italique, Carthage, sur la côte africaine, s'illumine la première; Rome lui succède, et vers la fin du moyen âge, Florence et Venise. Enfin, dans la région ibérique, la civilisation arabe, cantonnée dans le midi de la péninsule, est remplacée par la civilisation espagnole, qui a son centre plus au nord. Dans chacune de ces régions, on retrouve le même ordre de succession de bas en haut la civilisation, partie des bords inférieurs de la Méditerranée, va en s'élevant vers les rivages septentrionaux.

Pendant tout le moyen âge, on peut suivre pas à pas ce mouvement ascendant. La Gaule avait commencé à s'illuminer par le midi. Au Ive siècle, Arles avait 100,000 habitants; et Constantin, qui voulait transporter le siège de l'empire hors de Rome, hésita longtemps entre Byzance et cette ville qu'un poète de l'époque appelle la Rome des Gaules, Gallula Roma, Arelas (1). Tout autour d'Arles s'élevaient des cités qui prospérèrent rapidement, Antibes, Grasse, Fréjus, Marseille, Aix, Avignon, qui fut un instant la résidence des papes, Nîmes, Aigues-Mortes, Agde, Narbonne, formant

1. « Arles s'élevait sur un plateau calcaire de 25 mètres d'altitude, à pentes doucement étagées vers le fleuve, qui la baignait sur la moitié de son enceinte. La cité riche et patricienne était sur la rive gauche; sur l'autre bord s'étendait la vile plébéienne, maritime et commerçante... Les deux villes communiquaient par un immense pont en pierre, dû à la magnificence de Constantin, et dont les amorces des culées se voient encore sur les quais de la ville moderne. »> (Ch. Lenthéric.)

presque une ligne continue, de Nice à Toulouse. Toutes ces villes avaient leur organisation distincte (1) et leur langue propre; l'agriculture y était florissante (2); et, bien avant les villes du nord, elles avaient leur littérature et leurs poèmes, leurs bardes et leurs chansons. Mais peu à peu le nord s'éveille, et le midi s'assoupit ; en même temps, la civilisation, franchissant le détroit, atteint l'île britannique, qui, durant tout le moyen âge, était restée bien en arrière du continent. Son agriculture 'était au-dessous de celle de la France (3); jusqu'au siècle dernier sa marine resta inférieure à celle de la Hollande (4); son industrie était rudimentaire, et pour tous les objets fabriqués elle était tributaire de l'industrie flamande (5); il en était de même pour le négoce, et cette

1. « Là, les villes avaient pris beaucoup de développement, d'importance et de richesse. Beaucoup de petits seigneurs féodaux s'étaient alliés avec les bourgeois; une partie du clergé avait également embrassé leur cause; en un mot, le pays se trouvait dans une situation assez analogue à celle de l'Italie. Aussi, dans le courant du Xe siècle et au commencement du xue, les villes de Provence, de Languedoc, d'Aquitaine, tendaient-eiles à prendre un essor politique, à se former en républiques indépendantes, tout comme au delà des Alpes. » (Guizot.)

2. « La Provence et le Languedoc furent de bonne heure les parties de la France les mieux cultivées. » (L. de Lavergne.)

3. « Après le règne d'Elisabeth, on y était encore en pleine barbarie. Guichardin évalue à deux millions d'ames la population de l'Angleterre. Les trois quarts du pays restaient en friche. Des bandes de vagabonds dé astaient les campagnes... Pendant tout le cours du xvi siècle, la France vend du blé à la Grande-Bretagne » (L. de Lavergne.) 4. Au xvn siècle, l'Europe possédait 22,000 bâtiments de transport le dixième seulement appartenait à l'Angleterre, tandis que la Hollande en avait à elle seule la moitié.

5. Pendant tout le moyen âge, l'Angleterre élevait, comme aujour

puissance commerciale, aujourd'hui la première du monde, laissait toutes les transactions entre les mains des Lombards et des marchands du continent (1). Depuis, les choses ont bien changé; et à l'heure actuelle, l'ile bretonne marche en tête de l'Europe (2).

Enfin ce mouvement de la civilisation vers le nord se constate jusque dans les formations historiques de la dernière période; la capitale de la Russie fut successivement Kiev, Moscou, Pétersbourg; à chaque étape, la cité s'élève en latitude de cinq degrés vers le pôle. Tous ces faits sont concordants, et les divers mouvements des civilisations, en apparence si désordonnés et si complexes, peuvent en réalité être compris dans une même formule. Au lieu de faire intervenir, pour chaque civilisation qui tombe, une cause spéciale de décadence, comme le font les théories que nous avons réfutées, aussi bien celles qui reposent sur la variabilité du milieu, que celles qui prennent pour point de départ l'homme lui-même, nous réduisons tout à un fait unique. Ce

d'hui, de nombreux troupeaux de moutons; mais elle ne savait point encore tisser la laine. Les insulaires vendaient leurs laines grèges aux Flamands, qui les leur revendaient manufacturées, à des prix très élevés.

1. Matthieu Paris rapporte que, sous Henri III, le taux de l'intérêt, s'élevait au chiffre formidable de 10 0/0 tous les deux mois, ce qui faisait 0 0/0 par an, alors qu'en France on ne payait que 20 0/0, à Barcelone et à Gênes, 10 0/0.

2. « A la fin du XVIIIe siècle, l'agriculture anglaise était déjà plus riche que la nôtre aujourd'hui... Dès le règne de la reine Anne, l'Angleterre prend visiblement le pas sur la France pour l'industrie et le commerce, c'est-à-dire pour tout, car ce progrès suppose et renferme tous les autres. »( L. de Lavergne.)

n'est pas encore l'explication, c'est déjà la loi, et une loi qui se présente avec la marque de l'unité, c'est-à-dire avec la marque qui caractérise toute doctrine vraiment scientifique comme le faisait remarquer Al. de Humboldt, «<le terme vers lequel les sciences doivent tendre directement, c'est la découverte des lois, du principe d'unité qui se révèle dans la vie universelle de la

nature, >>

CHAPITRE DEUXIÈME

CORRELATION THERMIQUE

Pour les civilisations, comme pour les climats, le parallèle n'est pas un élément différenciateur exact. Corrélation entre la marche des civilisations et le tracé des isothermes. - Cette corrélation est très marquée dans chaque région de la zone méditerranéenne. — La loi thermique démontrée par les statistiques. Il faut bien distinguer les civilisations des nationalités. France. Allemagne.

Italie. Russie.

Le transport des civilisations s'effectue suivant la même loi que les variations du climat; pourtant, de ce que l'une et l'autre catégorie de phénomènes se modifient avec la latitude, on ne pourrait en conclure que les influences thermiques sont les vraies causes du mouvement des civilisations. Bien d'autres phénomènes suivent la même loi de variation; tels sont la pesanteur et le magnétisme terrestre, dont l'intensité croit avec le sinus de la latitude, tandis que les influences solaires décroissent avec le cossinus de la latitude. Mais il y a un moyen de s'assurer s'il y a corrélation exacte entre la marche des civilisations et les variations thermiques.

Le parallèle n'est qu'approximativement une ligne isotherme; et l'écart entre la courbe géométrique et la courbe vraie peut atteindre des valeurs assez élevées.