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CHAPITRE TROISIÈME

LES CIVILISATIONS AMÉRICAINES

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Indépendance des civilisations américaines jusqu'au xv° siècle. PREMIÈRE PÉRIODE. Civilisations guatémaliennes : Culhuacan. DEUXIÈME PÉRIODE. Civilisations mexicaines: Tula, Tenochtitlan. Civilisations de l'Amérique méridionale: Cuzco, Quito, Bogota. Aire occupée par la civilisation dans les trois continents. - Forme de ces territoires. Invariabilité de la dimension méridienne. Distance de l'arc méridien à l'équateur.

Si les civilisations, en Europe et en Asie, ont grandi à l'écart, il doit en être de même, à plus forte raison, des civilisations américaines, comparées à celles de l'ancien monde. Nous n'entendons pas affirmer que, durant la période historique, il n'y ait eu aucune relation entre ces deux terres que séparent les flots des deux océans; mais, ce qui est certain, c'est que, jusqu'au xv siècle de notre ère, ces relations ont été toutes fortuites en aucun point, il ne s'est établi de communications suivies, de courant continu, d'une côte à l'autre. A partir du moment où la boussole est trouvée, tout change; le développement des peuples américains est arrêté et la civilisation indigène perd tout libre essor : le continent qu'avait découvert Colomb devient, d'un bout à l'autre, une colonie européenne. La civilisation,

transplantée du vieux monde, a germé sur ce sol et y a donné de vigoureux rameaux : l'étude de cette végétation nouvelle a sa place naturelle dans la dynamique des civilisations. L'efflorescence humaine dans le nouveau monde, en tant que produit spontané du sol, finit à l'arrivée des Espagnols.

A cette époque, la civilisation américaine n'avait nulle part franchi la portion du continent comprise entre les tropiques. Elle s'était cantonnée aux abords de la Cordillère des Andes et sur le plateau d'Anahuac, tantôt perchée au sommet des monts, tantôt habitant les campagnes qui bordent leurs talus. C'est par la plaine que l'illumination a commencé.

PREMIÈRE PÉRIODE

Du siècle? au xno siècle?

Vers sa partie médiane, le continent américain, dont la largeur moyenne est de cinq à six cents lieues, se rétrécit brusquement, à tel point que, sur un espace de plus de deux mille kilomètres, sa largeur moyenne ne dépasse pas quarante lieues. Il y a là comme une faille énorme entre deux mondes; et la brisure de la chaîne, qui forme comme l'épine dorsale du nouveau continent, a amené l'étranglement des terres. Dans la région moyenne de l'isthme, on a découvert, il y a plusieurs années, des ruines importantes; des cités, dont aucun historien

n'avait jamais parlé, ont été mises au jour et ressuscitées, comme par enchantement.

On a fait revivre Mitla, Quiché, Copan, Izamal (1), Uxmal, Palenqué, la plus célèbre et la mieux explorée de ces villes mortes. Les seules ruines de Palenqué, ou plutôt de Culhuacan (car tel était son vrai nom), recouvrent une superficie de plus de trente kilomètres; sur tout cet emplacement, on se heurte à une véritable forêt de pilastres, de colonnes et de pyramides; les bas-reliefs, d'une exécution très fine, y sont extrêmement nombreux; les débris des monuments sont formés d'énormes blocs de pierre, revêtus de stuc. Le mieux conservé de tous ces édifices est le temple du Soleil (2).

Au seul aspect de ces ruines on se fait une idée de l'âge de cette civilisation. De même que, dans la paléontologie humaine, la dureté des os indique la décrépitude du sujet, de même, dans l'étude archéologique des civili

1. « Izamal, à en juger par l'importance de ses ruines, dut ètre autrefois un grand centre de population. Les alentours sont parsemés de pyramides artificielles, et deux, entre autres, sont les plus considérables de la péninsule (Yucatan). Placées face à face, et à 1 kilomètre l'une de l'autre, elles étaient composées d'une pyramide de 250 mètres de côté, sur 15 de hauteur, servant de base à une seconde beaucoup plus petite. Sur cette seconde pyramide, se trouvait le temple, d'où le prêtre ou le chef pouvait facilement haranguer la multitude assemblée à ses pieds sur les vastes plateaux de la première pyramide (D. Charnay.)

2. Ce temple << a 11 m. 75 de face, sur 8 m. 45 de profondeur. Les piliers, le toit et la crête ornementale qui le domine, tout est couvert de sculptures et de décorations... L'intérieur du temple se composait d'une grande pièce, éclairée par les trois ouvertures de la façade, d'un sanctuaire au milieu, et de deux petites chambres obscures sur les côtés. » (D. Charnay.)

sations, de l'aspect grandiose des débris, de la masse énorme des constructions, des dimensions colossales des édifices, on peut induire, pour les monuments, une haute antiquité. Les ruines des cités guatémaliennes ont cet air de majesté et de grandeur, que n'ont pas les débris des autres villes américaines, et que l'on ne trouve que dans les vieilles civilisations (1). D'ailleurs les preuves directes de cette antiquité ne manquent pas. Sur un tronc d'acajou, qui avait poussé sur les ruines d'un de ces monuments, M. Larainzar a compté dix-sept cents cercles concentriques : d'où il a conclu que ces ruines existaient déjà il y a dix-sept cents ans; car à chaque floraison, le tronc des végétaux s'enrichit d'une nouvelle couche de matière ligneuse. Il en résulte que cette civilisation est la première venue parmi celles du nouveau monde, celle du Mexique qui, de toutes les autres, est la plus vieille, ne remontant pas au delà du via siècle de notre ère (2). Les écrivains espagnols, qui nous ont laissé de nombreux mémoires sur cette dernière, et en général sur toutes celles qui existaient au moment de la conquête, ne disent pas un mot des cités de Guatemala et d'Yucatan, preuve qu'à cette époque elles étaient déjà tombées dans l'oubli.

1. « Les descriptions que nous avons de monuments tels que ceux de Copan, de Palenqué et d'Uxmal, rendent très probable la supposition que l'Amérique centrale a été autrefois le siège d'une civilisation semblable dans tous ses points essentiels à celles de l'Inde et de l'Egypte.» (Buckle.)

2. Si nous ne faisons commencer cette civilisation qu'au 1er siècle, c'est pour nous conformer aux règles de la plus stricte prudence historique: elle peut être beaucoup plus vieille.

DEUXIÈME PÉRIODE

De l'an 600 à l'an 1500 de notre ère.

Civilisations mexicaines.-Des plaines guatémaliennes, la civilisation s'éleva, au nord, jusque vers les régions. moyennes du plateau d'Anahuac, où naquirent et se développèrent les cités mexicaines. Vers le vr° siècle de notre ère, les tribus nomades des Toltèques envahissent les hautes vallées du pays et bâtissent Tula, qui fut la première ville du plateau (1). Durant six cents ans, les invasions se succèdent, les cités se fondent et se multiplient, la civilisation se développe. Les Aztèques furent les derniers envahisseurs : ils prirent pour capitale Tenochtitlan, aujourd'hui Mexico (2). Les principales villes de la région étaient Téotihuacan (3), la ville sainte de

1. D. Charnay décrit ainsi un de ses temples. «< Construit en pierres magnifiquement taillées, il avait la forme d'un carré long; à l'intérieur, le toit était formé par des pierres polies et bien ajustées, qui, se rapprochant les unes des autres, arrivaient à se réunir dans le haut, et formaient comme une espèce de voûte. Au dedans, se trouvait un piédestal, sculpté avec le plus grand soin, et sur lequel on plaçait la statue de la déesse; elle était en or massif, couverte d'émeraudes, et artistement travaillée. »>

2. Cette ville, au dire de Torquemada, comptait, à l'époque de la conquête, 120,000 maisons. En attribuant 4 habitants à chaque maison, ce chiffre correspond à une population d'environ 500,000 habitants.

3. Téotihuacan signifie « ville des dieux. » Sa pyramide du Soleil a été souvent décrite. « Elle s'élève abruptement de la plaine, comme une excroissance volcanique; elle a 232 mètres de base, sur 66 de hauteur... On voit encore les quatres esplanades échelonnées sur les hauteurs, mais on ne trouve plus trace d'escalier. Le corps de la

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