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quelle source de beautés, celles que nous voyons sont-elles parties? quel est en lui-même le principe de tant d'éclat, et d'une parure si riche et si diversifiée. .

Duguet était à peine âgé de 12 ans, lorsqu'il commença à donner des preuves de la fécondité de son esprit et de sa grande facilité à écrire. Entré dans la congrégation de l'Oratoire, il professa la philosophie à Troyes, et ensuite la théologie à Paris. Il a donné une foule d'ouvrages, tous relatifs à la morale et à la religion, parmi lesquels on remarque l'Explication de l'ouvrage des six jours, les Caractères de la charité, etc. Le style de Duguet est en général pur, noble et élégant; mais trop coupé et trop brillant: on y trouve une infinité de tours heureux, mais trop d'abondance le rend quelquefois trainant.

FÉNÉLON

(FRANÇOIS DE SALIGNAC DE LA MOTTE), né au château de Fénélon, près de Sarlat (Dordogne), en 1651, mourut à Cambrai en 1715.

De l'Air.

Après avoir considéré les eaux, appliquons-nous à examiner d'autres masses encore plus étendues. Voyez-vous ce qu'on nomme l'air? C'est un corps si pur, si subtil et si transparent, que les rayons des astres, situés dans une distance presque infinie de nous, le percent tout entier, sans peine et en un seul instant, pour venir éclairer nos yeux. Un peu moins de subtilité dans ce corps fluide nous aurait dérobé le jour, et ne nous aurait laissé tout au plus qu'une lumière sombre et confuse, comme quand l'air est plein de brouillards épais. Nous vivons plongés dans des abîmes d'air, comme les poissons dans des abîmes d'eau. De même que l'eau, si elle se subtilisait, deviendrait une espèce d'air qui ferait mourir les poissons, l'air, de son côté, nous ôterait la respiration, s'il devenait plus épais et plus humide. Alors nous nous noierions dans les flots de cet air épaissi, comme un animal terrestre se noie dans la mer.

Qui est-ce qui a purifié, avec tant de justesse, cet air que nous respirons ? S'il était plus épais, il nous suffoquerait; comme, s'il était plus subtil, il n'aurait pas cette douceur qui fait une nourriture continuelle du dedans de l'homme. Nous éprouverions partout ce qu'on éprouve sur le sommet des mon

tagnes les plus hautes, où la subtilité de l'air ne fournit rien d'assez humide et d'assez nourrissant pour les poumons. Mais quelle puissance invisible excite et apaise si soudainement les tempêtes de ce grand corps fluide? Celles de la mer n'en sont que les suites. De quel trésor sont tirés les vents, qui purifient l'air, qui attiédissent les saisons brûlantes, qui tempèrent la rigueur des hivers, et qui changent en un instant la face du ciel ? Sur les ailes de ces vents, volent les nuées d'un bout de l'horizon à l'autre. On sait que certains vents règnent en certaines mers, dans des saisons précises; ils durent un temps réglé, et il leur en succède d'autres, comme tout exprès, pour rendre les navigations commodes et régulières. Pourvu que les hommes soient patients et aussi ponctuels que les vents, ils feront sans peine les plus longues navigations.

Du Feu.

Voyez-vous ce feu qui paraît allumé dans les astres, et qui répand partout sa lumière? Voyez-vous cette flamme que certaines montagnes vomissent, et que la terre nourrit de soufre dans ses entrailles? Ce même feu demeure paisiblement caché dans les veines des cailloux, et il y attend à éclater, jusqu'à ce que le choc d'un autre corps l'excite, pour ébranler les villes et les montagnes. L'homme a su l'allumer et l'attacher à tous ses usages, pour plier les plus durs métaux, et pour nourrir avec du bois, jusque dans les climats les plus glacés, une flamme qui lui tienne lieu de soleil, quand le soleil s'éloigne de lui. Cette flamme se glisse subtilement dans toutes les semences. Elle est comme l'âme de tout ce qui vit, elle consume tout ce qui est impur, et renouvelle ce qu'elle a purifié. Le feu prête sa force aux hommes trop faibles, il enlève tout à coup les édifices et les rochers. Mais veut-on

le borner à un usage plus modéré, il réchauffe l'homme, il cuit ses aliments. Les anciens, admirant le feu, ont cru que c'était un trésor céleste que l'homme avait dérobé aux dieux. (Existence de Dieu.)

Le Singe.-(Fable.)

Un vieux singe malin étant mort, son ombre descendit dans la sombre demeure de Pluton, où elle demanda à retourner parmi les vivants. Pluton voulait la renvoyer dans le corps d'un âne pesant et stupide, pour lui ôter sa souplesse, sa viva

cité et sa malice; mais elle fit tant de tours plaisants et badins, que l'inflexible roi des enfers ne put s'empêcher de rire, et lui laissa le choix d'une condition. Elle demanda à entrer dans le corps d'un perroquet. "Au moins, disait-elle, je conserverai par là quelque ressemblance avec les hommes que j'ai si long-temps imités. Étant singe, je faisais des gestes comme eux, et étant perroquet, je parlerai avec eux dans les plus agréables conversations."

A peine l'âme du singe fut-elle introduite dans ce nouveau corps, qu'une vieille femme causeuse l'acheta. Il fit ses délices; elle le mit dans une belle cage. Il faisait bonne chère, et discourait toute la journée avec la vieille radoteuse, qui ne parlait pas plus sensément que lui. Il joignait à son nouveau talent d'étourdir tout le monde, je ne sais quoi de son ancienne profession. Il remuait sa tête ridiculement, il faisait craquer son bec, il agitait ses ailes de cent façons, et faisait de ses pattes plusieurs tours qui sentaient encore les grimaces de Fagotin. La vieille prenait à toute heure ses lunettes pour l'admirer; elle était bien fâchée d'être un peu sourde, et de perdre quelquefois des paroles de son perroquet, à qui elle trouvait plus d'esprit qu'à personne. Ce perroquet gâté devint bavard, importun et fou. Il se tourmenta si fort dans sa cage, et but tant de vin avec la vieille, qu'il en mourut.

Le voilà revenu devant Pluton, qui voulut cette fois le faire passer dans le corps d'un poisson, pour le rendre muet. Mais il fit encore une farce devant le roi des ombres, et les princes ne résistent guère aux demandes des mauvais plaisants qui les flattent. Pluton accorda donc à celui-ci qu'il irait dans le corps d'un homme mais comme le dieu eut honte de l'envoyer dans le corps d'un homme sage et vertueux, il le destina au corps d'un harangueur ennuyeux et importun, qui mentait, qui se vantait sans cesse, qui faisait des gestes ridicules, qui se moquait de tout le monde, qui interrompait les conversations les plus polies et les plus solides, pour dire des riens, ou les sottises les plus grossières. Mercure, qui le reconnut en ce nouvel état, lui dit en riant: "Ho! ho! je te reconnais; tu n'es qu'un composé du singe et du perroquet que j'ai vus autrefois. Qui t'oterait tes gestes et tes paroles apprises par cœur sans jugement, ne laisserait rien de toi. D'un joli singe et d'un bon perroquet, on n'en fait qu'un sot homme."

Fénélon fut élevé très-jeune au sacerdoce, et bientôt après choisi pour diriger l'éducation religieuse des jeunes filles nouvellement converties au catholicisme, fonctions qu'il remplit pendant dix ans avec autant de zèle que de talent. Ce fut en cette occasion qu'il composa le Traité de l'éducation des filles, et celui du Ministère des pasteurs, ouvrages qui com

mencèrent sa réputation, et le firent placer à la tête des missionnaires chargés de convertir les protestants de l'ouest de la France. Dans cette entreprise difficile, la douceur, la bienveillance et l'éloquence de Fénélon obtinrent en peu de temps beaucoup plus de succès qu'on n'en attendait. Nommé précepteur du duc de Bourgogne en 1689, Fénélon s'acquitta encore de cet emploi avec un succès digne de sa sagesse et de ses talents. Ce prince était né avec un naturel hautain, une humeur violente et inégale, et une disposition secrète à mépriser les hommes; les leçons et les exemples de Fénélon le rendirent le plus doux, le plus sensible et le plus vertueux des princes. Ce fut, dit-on, l'éducation de ce prince qui inspira à Fénélon ses Contes, ses Fables, ses Dialogues des morts, les Directions pour la conscience d'un roi, et les Aventures de Télémaque. Cette dernière production obtint les suffrages de toute l'Europe; il n'est peut-être pas d'ouvrage dans notre langue qui ait été plus loué que ce Télémaque. C'est en effet un des livres les plus originaux et les mieux écrits du dix-septième siècle, pour l'élégance, la beauté et la pureté du style; mais il doit être permis de douter qu'un tel roman eût aujourd'hui le même succès: des répétitions et des longueurs sans fin, peu de vraisemblance dans le fond, la jactance incessante du héros du roman, des exagérations quelquefois choquantes, et enfin un langage presque toujours mythologique, rendent la lecture de ce livre peu attachante; et, quoiqu'on en dise, le rédacteur de cette notice doute que beaucoup de personnes de bon sens aient jamais eu le courage ou la patience de lire Télémaque d'un bout à l'autre. Cette opinion pourra paraître singulière après tout ce qu'on a entendu dire de ce livre, mais, écrivant pour de jeunes élèves peu capables de juger par eux-mêmes, et surtout pour des étrangers, nous croyons devoir les prémunir contre une admiration irréfléchie, en appelant leur attention sur ces faits.

Fénélon a encore écrit des Dialogues sur l'éloquence, un Traité sur l'existance de Dieu, etc. Pour faire en un mot l'éloge de cet écrivain, il suffira de dire que c'est un de nos meilleurs modèles en prose. Mais, ainsi que le dit La Harpe, la gloire littéraire n'est pas la partie la plus intéressante de son éloge: doué de toutes les vertus chrétiennes, de toutes les qualités qui font l'homme de bien, il a été un des plus beaux modèles de l'humanité.-Euvres complètes, Paris, 1822, 22 vol. in-8vo.

ABBADIE

(JACQUES), né près de Pau en 1654, mourut à Londres en 1727.

Utilité des bonnes Œuvres.

De nos prières et de nos aumônes, la meilleure part ne s'arrête point ici-bas; elle monte devant Dieu. Le monde est une figure qui passe déjà, et les cieux doivent un jour disparaître avec un bruit de tempête; mais les œuvres de la charité nous suivent après la mort, et elles doivent nous accompagner jusqu'au trône de Dieu, après la destruction des trônes de la terre. Faire du bien n'est donc pas seulement la vie

des belles âmes; c'est encore le moyen de perpétuer une belle vie; c'est moissonner dans le temps pour l'éternité; c'est jeter sur la terre une semence qui, germant au-delà du tombeau, nous produit dans le ciel une moisson de gloire et de bonheur; c'est une divine manière de se perpétuer, un moyen de triompher de la mort, un art de ne mourir jamais.

Ayant terminé ses études avec distinction à Sedan, Abbadie devint ministre de la religion calviniste, et après avoir voyagé en Hollande et en Allemagne, il se fixa en France où il exerça les fonctions de son ministère. Sa réputation le fit appeler à Berlin, d'où il passa bientôt en Angleterre, et ensuite en Irlande où il obtint le doyenné de Killaloe. La pureté de ses mœurs, la droiture et l'aménité de son caractère, l'étendue de ses connaissances, et son éloquence simple et naturelle le firent également rechercher des gens du monde et des savants. C'est en Angleterre qu'il composa la plus grande partie de ses ouvrages, dont les plus estimés sont ses Traités de la vérité de la religion chrétienne, de la Divinité de J. C., et de l'Art de se connaître soi-même. Ces traités, qui méritèrent également les suffrages des Protestants et des Catholiques, furent traduits dans les principales langues de l'Europe.

VERTOT

(RENÉ-AUBERT DE), né au château de Bennetot (Seine-Inf.) l'an 1655, mourut à Paris en 1735.

Caractère de Pompée.

Pompée attirait sur lui, pour ainsi dire, les yeux de toute la terre. Il avait été général avant que d'être soldat, et sa vie n'avait été qu'une suite continuelle de victoires; il avait fait la guerre dans les trois parties du monde, et il en était toujours revenu victorieux. Il vainquit dans l'Italie Carinas et Carbon, du parti de Marius; Domitius dans l'Afrique; Sertorius, ou pour mieux dire, Perpenna dans l'Espagne; les pirates de Cilicie sur la Méditerranée; et, depuis la défaite de Catilina, il était revenu à Rome, vainqueur de Mithridate et de Tigrane.

Par tant de victoires et de conquêtes, il était devenu plus grand que les Romains ne le souhaitaient, et qu'il n'avait osé lui-même l'espérer. Dans ce haut degré de gloire où la fortune l'avait conduit comme par la main, il crut qu'il était de sa dignité de se familiariser moins avec ses concitoyens. Il paraissait rarement en public; et, s'il sortait de sa maison, on le

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