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que temps après, M. Thiers publia son itinéraire dans les Pyrénées et le midi de la France, 1 vol. in-18. Mais le succès de ces ouvrages fut bientôt effacé par la publication de son admirable Histoire de la révolution française, 10 vol. in-8vo, et 2 vol. grand in-8vo. En 1830, quelques mois avant la révolution, conjointement avec M. Mignet et ArmandCarrel,* M. Thiers fonda le National, et ce fut des bureaux de ce journal que partit le premier signal de cette révolution opérée en 3 jours. Depuis cette époque, M. Thiers a été tour à tour ministre d'Etat et membre de la Chambre des députés. Son Histoire du Consulat et de l'Empire vient de paraître, et on l'a déjà traduite en anglais et en allemand. Il est de l'Académie française.

HUGO

(VICTOR), né à Besançon en 1802.

Moïse sauvé des eaux.

"Mes sœurs, l'onde est plus fraîche aux premiers feux du jour ! Venez le moissonneur repose en son séjour;

La rive est solitaire encore ;

Memphis élève à peine un murmure confus;
Et nos chastes plaisirs, sous ces bosquets touffus,
N'ont d'autres témoins que l'Aurorė.

"Au palais de mon père on voit briller les arts;
Mais ces bords pleins de fleurs charment plus mes regards
Qu'un bassin d'or ou de porphyre;

Ces chants aériens sont mes concerts chéris ;
Je préfère aux parfums qu'on brûle en nos lambris
Le souffle embaumé du zéphyre!

* François-Auguste MIGNET, conseiller-d'Etat, etc. né à Aix en 1796, fit ses études au collége d'Avignon, et son droit à Aix où il fut reçu avocat en 1818. Il se fixa à Paris en 1821. En 1824, il publia son Histoire de la révolution française, 2 vol. in-18, ouvrage très-estimé. On a encore de lui, Notices et mémoires historiques, 2 vol. in-8vo. Son ouvrage De la féodalité, des institutions de saint Louis et de la législation de ce prince, fut couronné par l'Académie en 1821. M. Mignet travaille depuis longtemps, dit-on, à un grand ouvrage historique.

Nicolas-Armand CARREL naquit à Rouen en 1800. Ayant fini ses études dans sa ville natale, il entra dans l'armée à l'âge de 17 ans, et en sortit au bout de 5 ou 6 ans, après avoir essuyé bien des traverses et des dangers. Excellent écrivain, il était resté seul rédacteur en chef du National lorsqu'il fut tué dans un duel il y a environ 10 ans. Nous avons de lui: un Résumé de l'histoire d'Ecosse, 1 vol. in-18; Résumé de l'histoire des Grecs modernes, 1 vol. in-18; Histoire de la contre-révolution en Angleterre, sous Charles II et Jacques II, 1 vol. in-8vo et in-18.

"Venez: l'onde est si calme et le ciel est si pur!
Laissez sur ces buissons flotter les plis d'azur
De vos ceintures transparentes;
Détachez ma couronne et ces voiles jaloux;
Car je veux aujourd'hui folâtrer avec vous,
Au sein des vagues murmurantes.

"Hâtons-nous...Mais, parmi les brouillards du matin, .
Que vois-je ?-Regardez à l'horizon lointain...
Ne craignez rien, filles timides!

C'est sans doute, par l'onde entraîné vers les mers, Le tronc d'un vieux palmier qui, du fond des déserts, Vient visiter les pyramides.

"Que dis-je! si j'en crois mes regards indécis,
C'est la barque d'Hermès ou la conque d'Isis
Que pousse une brise légère.

Mais non; c'est un esquif où, dans un doux repos,
J'aperçois un enfant qui dort au sein des flots,
Comme on dort au sein de sa mère !

"Il sommeille; et, de loin, à voir son lit flottant,
On croirait voir voguer, sur le fleuve inconstant,
Le nid d'une blanche colombe.

Dans sa couche enfantine il erre au gré du vent;
L'eau le balance, il dort, et le gouffre mouvant
Semble le bercer dans sa tombe!

"Il s'éveille: accourez, ô vierges de Memphis!
Il crie...Ah! quelle mère a pu livrer son fils
Au caprice des flots mobiles?

Il tend les bras; les eaux grondent de toute part.
Hélas! contre la mer il n'a d'autre rempart
Qu'un berceau de roseaux fragiles.

"Sauvons-le...-C'est peut-être un enfant d'Israël
Mon père les proscrit: mon père est bien cruel
De proscrire ainsi l'innocence!

Faible enfant! ses malheurs ont ému mon amour,
Je veux être sa mère: il me devra le jour,
S'il ne me doit pas la naissance."

Ainsi parlait Iphis, espoir d'un roi puissant,
Alors qu'aux bords du Nil son cortége innocent
Suivait sa course vagabonde;

Et ces jeunes beautés qu'elle effaçait encor,
Quand la fille des rois quittait ses voiles d'or,
Croyaient voir la fille de l'onde.

Sous ses pieds délicats déjà le flot frémit.
Tremblante, la pitié vers l'enfant qui gémit
La guide en sa marche craintive;

Elle a saisi l'esquif! fière de ce doux poids,
L'orgueil sur son beau front, pour la première fois,
Se mêle à la pudeur naïve.

Bientôt divisant l'onde et brisant les roseaux,

Elle apporte à pas lents l'enfant sauvé des eaux

Sur le bord de l'arène humide :

Et ses sœurs tour à tour, au front du nouveau-né, Offrant leur doux sourire à son œil étonné, Déposaient un baiser timide!

Accours, toi qui, de loin, dans un doute cruel, Suivais des yeux ton fils sur qui veillait le ciel; Viens ici comme une étrangère;

Ne crains rien en pressant Moïse entre tes bras, Tes pleurs et tes transports ne te trahiront pas, Car Iphis n'est pas encor mère !

Alors, tandis qu'heureuse et d'un pas triomphant,
La vierge au roi farouche amenait l'humble enfant,
Baigné des larmes maternelles,

On entendait en chœur, dans les cieux étoilés,
Des anges, devant Dieu, de leurs ailes voilés,
Chanter les lyres éternelles.

"Ne gémis plus, Jacob, sur la terre d'exil;
Ne mêle plus tes pleurs aux flots impurs du Nil:
Le Jourdain va t'ouvrir ses rives.

Le jour enfin approche où vers les champs promis Gessen verra s'enfuir, malgré leurs ennemis,

Les tribus si longtemps captives.

"Sous les traits d'un enfant délaissé sur les flots, C'est l'élu du Sina, c'est le roi des Fléaux, Qu'une vierge sauve de l'onde.

Mortels, vous dont l'orgueil méconnaît l'Éternel, Fléchissez un berceau va sauver Israël,

Un berceau doit sauver le monde !"

Les Souvenirs.

Pourquoi devant mes yeux revenez-vous sans cesse,

O jours de mon enfance et de mon allégresse?

Qui donc toujours vous rouvre en nos cœurs presque éteints,
O lumineuse fleur des souvenirs lointains ?

Oh! que j'étais heureux! oh! que j'étais candide!
En classe, un banc de chêne, usé, lustré, splendide,
Une table, un pupitre, un lourd encrier noir,
Une lampe, humble sœur de l'étoile du soir,
M'accueillaient gravement et doucement; mon maître,
Comme je vous l'ai dit souvent, était un prêtre
A l'accent calme et bon, au regard réchauffant,
Naïf comme un savant, malin comme un enfant,
Qui m'embrassait, disant, car un éloge excite :
"Quoiqu'il n'ait que neuf ans, il explique Tacite."
Puis, près d'Eugène,* esprit qu'hélas ! Dieu submergea,
Je travaillais dans l'ombre, (et je songeais déjà
Tandis que j'écrivais,) sans peur, mais sans système,
Versant le barbarisme à grands flots sur le thème,
Inventant aux auteurs des sens inattendus,

Le dos courbé, le front touchant presque au Gradus,
Je croyais, car toujours l'esprit de l'enfant veille,
Ouïr confusément, tout près de mon oreille,
Les mots grecs et latins, bavards et familiers,
Barbouillés d'encre, et gais comme des écoliers,
Chuchoter, comme font les oiseaux dans une aire,
Entre les noirs feuillets du lourd dictionnaire,
Bruits plus doux que le bruit d'un essaim qui s'enfuit,
Souffles plus étouffés qu'un soupir de la nuit,
Qui faisaient, par instants, sous les fermoirs de cuivre,
Frissonner vaguement les pages du vieux livre!

Le devoir fait, légers comme de jeunes daims,
Nous fuyions à travers les immenses jardins,
Éclatant à la fois en cent propos contraires.
Moi, d'un pas inégal je suivais mes grands frères ;
Et les astres sereins s'allumaient dans les cieux,
Et les mouches volaient dans l'air silencieux,
Et le doux rossignol, chantant dans l'ombre obscure,
Enseignait la musique à toute la nature;

Tandis qu'enfant jaseur, aux gestes étourdis,

* C'était son frère. (N. E.)

Jetant partout mes yeux ingénus et hardis,
D'où jaillissait la joie en vives étincelles,
Je portais sous mon bras, noués par trois ficelles,
Horace et les festins, Virgile et les forêts,
Tout l'Olympe, Thésée, Hercule, et toi, Cérès,
La cruelle Junon, Lerne et l'hydre enflammée,
Et le vaste lion de la roche Némée.

(Les Rayons et les Ombres).

M. Victor Hugo est fils du général de ce nom, mort à Paris en 1828. Il a déjà publié un grand nombre d'ouvrages en vers et en prose, qui lui ont acquis de la célébrité, mais qui n'ont pas tous le même mérite, et la critique n'a pas manqué d'en signaler les défauts. Au nombre de ses meilleurs romans on place Notre-Dame de Paris, 2 vol. in-8vo. Ses Odes et Ballades sont estimées. La pièce de Moise sur le Nil, que nous avons donnée, fut couronnée par l'Académie de Toulouse en 1820. Les œuvres complètes de M. Victor Hugo ont été publiées en 2 vol. grand in-8vo., et en 28 vol. in-18. On y trouve 4 ou 5 romans, 7 ou 8 drames, un grand nombre de poésies, des mélanges de littérature, etc. l'Académie française.

Il est de

ALVIN

(Auteur contemporain), né en Belgique.

LA MORT DE L'ENFANT.

A ma Fille.

Écoute, lorsqu'on est bien sage, mon enfant,
Lorsque l'on n'a rien fait de ce que Dieu défend,
Si l'on vient à mourir, le bon Dieu qui nous aime
Nous prend auprès de lui, nous donne des joujoux :
Dit aux anges du ciel de jouer avec nous;
Et l'on devient alors un bel ange soi-même.

Ta mère, que sitôt, chère enfant, tu perdis!
Le bon Dieu l'appela dans son beau paradis :
Car elle était si sage, et si belle et si bonne
Qu'un jour il envoya ses anges la chercher...
Ils sont venus, malgré nos pleurs, nous l'arracher
Pour lui donner là-haut une blanche couronne.

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