BARTHÉLEMY (AUGUSTE-MARSEILLE), né à Marseille en 1795. Laocoon. Laocoon (le sort l'appelait à l'autel) Nous fuyons pleins d'horreur; eux, sur la même ligne, S'avancent, et d'abord, collés à ses enfants, Les enlacent tous deux de leurs nœuds étouffants, Et se tord de douleur dans ces longues spirales, 1 (Enéide.) Le Mirage. Soudain des cris de joie, éclatant dans la nue, Une immense oasis, dans des vapeurs lointaines, Le poète Barthélemy a acquis une juste célébrité dans le genre satirique. Avant de quitter Marseille, il s'était fait connaître par quelques pièces assez piquantes où l'on reconnaît déjà cet esprit vigoureux et indépendant dont toutes ses productions portent le cachet. Arrivé à Paris vers 1824, il s'y fixa et s'associa avec Méry, son compatriote, et ils ont depuis travaillé de concert. Le premier fruit de leur union fut les Sidiennes, recueil de satires sur le 19ẹ. siècle, publié en 1825, avec cette épigraphe qui paraît avoir toujours été depuis leur devise: Meliùs est ut scandalum oriatur, La Villéliade, poème héroï-comique qu'ils publièrent en 1826, d'abord en 4 chants et puis augmenté de 2 chants, eut 15 éditions en peu de temps, Cet ouvrage, ainsi que le titre l'indique, fut composé au sujet du ministère Villèle. La même année vit paraître Rome à Paris, poème satiri que en 4 chants. La Bacriade, ou la guerre d'Alger, autre poème hérofcomique, parut en 1827. Enfin, après plusieurs autres satires politiques dirigées contre les ministres de Charles X, les deux amis firent paraître, en 1828, Napoléon en Egypte, poème en 8 chants, qui eut 12 éditions la première année. Le poème sur le fils de Napoléon, intitulé Le fils de l'homme, fut saisi par la police, et Méry se trouvant malade à Marseille, Barthélemy seul fut traduit devant les tribunaux et condamné à 3 mois de prison et 1000 f. d'amende, malgré le beau discours de 350 vers qu'il prononça devant ses juges pour sa défense. Les deux poètes ont publié plusieurs autres ouvrages depuis, parmi lesquels se trouve un poème sur la révolution de 1830, qu'ils composèrent dans l'espace de 3 nuits. MÉRY (JOSEPH) naquit à Marseille en 1798. Il entra au séminaire de cette ville à l'âge de 9 ans et en sortit à 16, pour aller étudier le droit à Aix. Quoique jeune, il avait fait de grands progrès en théologie. Sa jeunesse est un enchaînement d'aventures romanesques, ou plutôt un drame très-compliqué. Ayant eu le malheur de tuer un jeune homme dans un duel qu'il eut à Aix, M. Méry se trouva obligé de retourner à Marseille où il publia quelques écrits. Forcé encore d'en venir à un cartel, on le refuse, il suit son homme jusqu'à Paris. Là, se livrant aux plaisirs, il se passe peu de jours qu'il n'ait quelque affaire d'honneur. Blessé dangereusement, il repart pour Marseille, et bientôt après on le voit à Rome, qu'il est obligé de quitter au bout de 6 mois, pour de nouvelles traverses de galanterie. Revenu à Marseille, il y fonda un journal quotidien que le gouvernement supprima en 1822, et fit subir au propriétaire quelques mois de prison. Le voilà maintenant à Constantinople, d'où il est encore chassé par des persécutions. Arrivé de nouveau à Marseille, il s'y livre à la poésie latine, traduit en vers latins la Henriade de Voltaire, et puis repart pour Paris où il arrive en 1824. Ici commence son association avec Barthélemy, mais ce n'est pas la fin de ses aventures. Attaqué d'une maladie grave, effet des plaisirs de sa jeunesse et de l'étude, il fait construire une voiture de voyage en forme de lit, et part pour Marseille. Il y arriva après un voyage de 3 mois, ne fesant que ou 3 lieues par jour. Sa santé s'étant rétablie, M. Méry se maria, acheta une maison de campagne sur le bord la mer, son ami alla l'y joindre, et ils continuèrent leurs travaux littéraires. Mais un duel qu'il eut avec un voyageur hollandais qui s'était établi près de lui à la campagne, lui fit prendre le parti de regagner Paris, et s'y trouva encore à côté du compagnon de ses travaux. Après avoir partagé les dangers des événements de juillet 1830, ils ont continué leur carrière littéraire. Ils avaient fondé La Némésis, satire hebdomadaire, en vers, dont il paraissait une livraison de 8 page in-4to tous les dimanches.-Euvres de Barthélemy et Méry, 2 vol. in-8vo, et 6 vol. in-32. Barthélemy a traduit en vers français l'Enéide, 2 vol. in-8vo, avec le texte latin en regard. Il a composé plusieurs autres ouvrages sans l'assistance de son ami. Méry a aussi écrit seul plusieurs romans, tels que: l'Assassinal, Scènes de la vie italienne, Un amour dans l'avenir, Anglais et Chinois, La comtesse Hortensia, la Floride, Nouvelle de jour, etc.; un poème sur le jeu de trictrac, et autres. 29* SALVANDY (NARCISSE-ACHILLE de), né à Condom (Gers) en 1796. L'Homme au milieu de la Création. Lorsque Dieu plaça sur la terre l'homme nu et désarmé, ce fils de la création, qui allait en être le roi, ne se distinguait du reste des êtres vivants par aucun indice de sa future grandeur. Peut-être même avait-il plus de faiblesse et de misère. Ne pouvant ni se perdre au fond des eaux, ni traverser rapidement les airs, il ne pouvait pas davantage échapper, comme le ciron, par sa petitesse, aux attaques de la bête fauve; saisir une proie comme le renard; combattre comme le lion; fuir comme la gazelle; franchir les marécages, les ravins escarpés, en courant, comme l'écureuil, de branche en branche, de forêt en forêt, d'un bout des continents à l'autre. Sans défense contre les feux du Midi et contre les froids du Nord, en butte à tous les périls, à toutes les souffrances, la race humaine ne semblait jetée sur la terre, par un caprice cruel du sort, que pour disparaître aussitôt, dévorée par les fléaux dont elle se voyait assaillie. Si les autres enfants de la création avaient eu un langage, ils auraient dit : "Quel est cet être chétif, dont la peau sans duvet sera brûlée par les premiers rayons du jour, trempée par la première rosée des nuits, lacérée par les moindres frimas? Sa bouche n'est bonne tout au plus qu'à lacérer les membres d'ennemis déjà terrassés. Sa main n'a point d'armes pour les saisir vivants et les déchirer. Son pied, nu comme tout le reste, n'est propre ni à le défendre, ni presque à le soutenir un caillou, une ronce suffiront pour l'ensanglanter. Son œil éclaire peutêtre les espaces lointains, mais ne saurait que par un effort suivre le sol qui fuit sous ses pas; ce n'est d'ailleurs qu'un flambeau incomplet qui ne s'allume qu'au feu du soleil, et s'éteint avec lui: il perd toutes ses lumières quand elles sont les plus utiles, dans l'obscurité. Sa longue chevelure n'est point un vêtement ni une défense; cet ornement funeste semble-t-il autre chose qu'un embarras, qu'un piége qu'il porte avec lui, dans lequel il se prendra sans cesse, s'il essaye de fuir sous l'abri des forêts ? "Poursuivi par la faim, par la pluie, par l'un de nous, quelle sera sa nourriture? Où cherchera-t-il un refuge? Il tentera de cueillir un fruit, de trouver un asile sur les branches d'un arbre protecteur. Mais comment ses membres délicats pourront-ils embrasser l'apre et vaste tronc ? Son corps s'épuisera de sueur et de sang dans ce travail, pour nous si facile. Ses pieds ne s'attacheront pas, dans le sommeil comme ceux de l'oiseau, au rameau battu par la tempête. Il n'osera se livrer au repos; et l'aigle, qui le découvrira dans le feuillage, ira le déchirer de sa serre impitoyable; l'ours montera jusqu'à la cime, pour le saisir et le dévorer; l'éléphant l'atteindra de la trompe dans sa retraite impuissante; le serpent dont il aura troublé le nid l'enlacera de ses nœuds, et le brisera, avec sa compagne, contre le tronc hospitalier. Voudrait-il fuir sous les eaux? II ne peut y vivre; les traverser pour chercher asile sur d'autres bords? L'hirondelle franchit l'Océan, l'alcyon habite un pli de la vague, mille insectes courent au travers des flots; mais lui, il périrait à quelques brasses du rivage, si même les monstres des mers le laissaient envahir leur domaine. L'empire des eaux et celui des airs sont également inaccessibles pour lui; et sur la face de la terre, impuissant à la défense comme à l'attaque, inhabile à se nourrir comme à se venger, faible jouet du plus faible d'entre nous, il n'aura vu la lumière que pour souffrir, trembler et mourrir !" Mais Dieu avait dit à l'homme, en le créant à sa ressemblance et en le bénissant: "Crois et multiplie! remplis la terre, subjugue-la! Règne sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur tous les êtres vivants qui se meuvent sur la terre !" Dieu avait dit. Peu de temps s'écoula, et les créatures robustes, armées, terribles, fuyaient de toutes parts. La créature débile et nue avait su poursuivre, atteindre, dompter les monstres de l'air et ceux de l'Océan. L'oiseau abattu, le poisson dévoré, lui fournissaient la plume et l'arête qui mettaient à la portée de son bras les hôtes les plus rapides des forêts. Ami dévoué, sentinelle obéissante, le chien faisait la garde à ses côtés, et donnait la vie pour sa vie. Le tigre le vêtissait de sa peau. La cavale le nourrissait de son lait et de sa chair. Le taureau, l'âne, l'éléphant, le dromadaire, domptés, formaient autour de lui en quelque sorte une famille d'esclaves, qui employaient à l'envi leur force patiente à le servir. Toute la nature vivante semblait, comme autant d'artisans dociles, n'avoir d'autre tâche que d'aplanir devant lui les obstacles, de rapprocher les distances, de lui chercher, sur la surface de la terre et dans son sein, des richesses et des jouissances toujours nouvelles. Le chameau, le renne, le cheval, cette noble conquête, transportaient au gré de ses vœux les plus lourds fardeaux, les matériaux les plus utiles, et au besoin, lui-même, |