cette cendre, est-ce donc l'homme? Non, non, et la philosophie se hâte trop de sceller la tombe. Qu'ells nous montre des parties distinctes dans la pensée, alors nous comprendrons qu'elle puisse se dissoudre. Elle ne l'a pas fait, elle ne le fera jamais; jamais elle ne divisera l'idée de justice, ni ne la concevra divisée en différentes portions ayant entre elles des rapports de grandeur, de forme et de distance; elle est une, ou elle n'est point. Et le désir, l'amour, la volonté, voit-on clairement que ce soit des propriétés de la matière, des modifications de l'étendue? Voit-on clairement qu'une certaine disposition d'éléments composés produise le sentiment essentiellement simple, et qu'en mélangeant des substances inertes, il en résulte une substance active, capable de connaître, de vouloir et d'aimer? Merveilleux effet de l'organisation! Cette boue que je foule aux pieds n'attend qu'un peu de chaleur, un nouvel arrangement de ses parties, pour devenir de l'intelligence, pour embrasser les cieux, en calculer les lois, pour franchir l'espace immense, et chercher par-delà tous les mondes, non seulement visibles, mais imaginables, un infini qui la satisfasse. Atome à l'étroit dans l'univers! Certes, je plains les esprits assez faibles pour croupir dans ces basses illusions; que si encore ils s'y complaisent, s'ils redoutent d'être détrompés, je n'ai point de termes pour exprimer l'horreur et le mépris qu'inspire une pareille dégradation. Et que disent-ils, cependant? Ils appellent les sens en témoignage; ils veulent que la vie s'arrête là où s'arrêtent les yeux; semblables à des enfants qui, voyant le soleil descendre au-dessous de l'horizon, le croiraient à jamais éteint. Mais quoi! sont-ils donc les seuls qu'ait frappés le triste spectacle d'organes en dissolution? sont-ils les premiers qui aient entendu le silence du sépulcre? Il y a six mille ans que les hommes passent comme des ombres devant l'homme, et néanmoins le genre humain, défendu contre le prestige des sens par une foi puissante et par un sentiment invincible, ne vit jamais dans la mort qu'un changement d'existence; et malgré les contradictions de quelques esprits dépravés, il conservera toujours, comme un dogme de la raison générale, une haute tradition de l'immortalité. Que ceux-là donc qui la repoussent se séparent du genre humain, et s'en aillent à l'écart porter aux vers leur pâture, un cœur palpitant d'amour pour la vérité, la justice, et une intelligence qui connaît Dieu. L'Abbé de Lamennais s'est placé au rang des écrivains français les plus éloquents de l'époque. Il n'a pas paru d'ouvrage dans ce siècle qui ait fait autant de bruit que son fameux Essai sur l'indifférence en matière de religion, dont la première partie parut en 1817. Cet ouvrage a été l'objet de nombreuses attaques qui ont même suscité à l'auteur des affaires désagréables; mais comme œuvre littéraire, personne n'en a contesté le mérite. M. Lamennais a publié une vingtaine d'autres petits ouvrages ou brochures sur la religion, la politique, l'instruction; la morale, etc., parmi lesquels on remarque les Paroles d'un croyant, et le Livre du peuple. Euvres, 2 vol. in-8vo. Essais philosophiques, 5 vol. in-8vo. MILLEVOYE (CHARLES-HUBERT), né à Abbeville en 1782, mort à Paris en 1816. Le Lion de Florence. Près des murs de Florence une contume antique Le peuple des hameaux, dans les champs d'alentour, Elle tombe à genoux. "Rends moi, rends-moi mon fils!" (La Tendresse maternelle.) La Fleur. Fleur mourante et solitaire, La même faux nous moissonne, Chaque jour le temps nous vole L'homme perdant sa chimère, (Elégies.) X La Chute des Feuilles. De la dépouille de nos bois Le bois cher à ses premiers ans : "Bois que j'aime! adieu... je succombe; Votre deuil me prédit mon sort; Et dans chaque feuille qui tombe Je vois un présage de mort. Fatal oracle d'Epidaure, Tu m'as dit: "Les feuilles des bois A tes yeux jauniront encore, Cache au désespoir de ma mère Mon ombre un instant consolée !" Sous le chêne on creusa sa tombe... Mais son amante ne vint pas Visiter la pierre isolée : Et le pâtre de la vallée Troubla seul du bruit de ses pas Le silence du mausolée. Ses études terminées, ce poète voulut entrer dans le barreau, mais bientôt il préféra le commerce de la librairie, qu'il abandonna aussi au bout de 3 ans, pour suivre son penchant pour les muses. Ses petits poèmes, L'Indépendance de l'homme de lettres, le Voyageur, la Mort de Rotrou et la Mort de Goffin, furent successivement couronnés par l'Académie, ainsi que celui de Belzunce ou la Peste de Marseille. Il a laissé plusieurs autres poèmes également dignes d'estime, tels que: Eginhard et Emma, la Rançon d'Egild, la Religieuse, Charlemagne et Dagobert, Alfred, et l'Amour maternel. Il composa 3 ou 4 tragédies qui sont trèsfaibles. Sa traduction des premiers chants de l'Iliade d'Homère fait regretter que la mort ne lui ait pas permis d'achever ce grand travail. Mais ce sont surtout ses Elégies qui lui assurent une réputation durable; elles sont pleines de charme et de mélancolie. Il mourut de consomption. Quelques jours avant sa mort, il écrivait à un ami: "Je possède la vraie fortune; des loisirs, de l'indépendance, une excellente mère, une épouse aimable et sensible, et un parfait ami." La veille de sa mort il écrivait encore, et il expira en lisant un volume de Fénélon.Euvres complètes, Paris 1824, 6 vol. in-8vo; et, 1827, 4 vol. in-8vo. LEBRUN (PIERRE), né à Paris en 1785. Melvil à la Reine Elisabeth pour la détourner du Meurtre de Marie Stuart. Madame, on vous abuse alors que de Marie Les peuples désormais ne vont plus voir en elle (Marie Stuart, act. IV, sc. II.) Plaintes et Reproches de Marie Stuart à Elizabeth. Par où commencerai-je ? Et comment à ma bouche |