dans son genre, des qualités telles qu'il était impossible que le même homme les réunît, et dont l'ensemble était cependant nécessaire pour donner à l'étude de la nature une impulsion aussi rapide. Tous deux passionnés pour leur science et pour la gloire, tous deux infatigables dans le travail, tous deux d'une sensibilité vive, d'une imagination. forte, d'un esprit transcendant, ils arrivèrent tous deux dans la carrière armés des ressources d'une érudition profonde; mais chacun s'y traça une route différente, suivant la direction particulière de son génie. Linnæus saisissait avec finesse les traits distinctifs des êtres; Buffon en embrassait d'un coup d'œil les rapports les plus éloignés. Linnæus, exact et précis, se créait une langue à part pour rendre ses idées dans toute leur vigueur; Buffon, abondant et fécond, usait de toutes les ressources de la sienne pour développer l'étendue de ses conceptions. Personne mieux que Linnæus ne fit jamais sentir les beautés de détail dont le Créateur enrichit avec profusion tout ce qu'il a fait naître ; personne mieux que Buffon ne peignit jamais la majesté de la création, et la grandeur imposante des lois auxquelles elle est assujettie. Le premier, effrayé du chaos où l'incurie de ses prédécesseurs avait laissé l'histoire de la nature, sut, par des méthodes simples et par des définitions courtes et claires, mettre de l'ordre dans cet immense labyrinthe, et rendre facile la connaissance des êtres particuliers; le second, rebuté de la sécheresse d'écrivains qui, pour la plupart, s'étaient contentés d'étre exacts, sut nous intéresser à ces êtres particuliers par les prestiges de son langage harmonieux et poétique. Quelquefois, fatigué de l'étude pénible de Linnæus, on vient se reposer avec Buffon; mais toujours, lorsqu'on a été délicieusement ému par ses tableaux enchanteurs, on veut revenir à Linnæus pour classer avec ordre ces charmantes images dont on craint de ne conserver qu'un souvenir confus; et ce n'est pas sans doute le moindre mérite de ces deux écrivains que d'inspirer continuellement le désir de revenir de l'un à l'autre, quoique cette alternative semble prouver et prouve en effet qu'il leur manque quelque chose à chacun. (Prospectus du Dictionnaire des sciences naturelles.) Cuvier savait lire avant d'avoir accompli sa troisième année. Né de parents protestants, après avoir terminé ses humanités dans le collége de sa ville natale, il concourut, à l'âge de 14 ans, pour une des bourses fondées à l'université de Tubingen par le duc de Wurtemberg, en faveur des étudiants qui se destinaient à la carrière évangélique, mais on refusa de l'admettre. Son père, officier dans un régiment suisse, le fit entrer à l'é- cole militaire de Stuttgard, formée depuis peu de temps. Il y fit de ra pides progrès dans le dessin, la littérature, le droit, et surtout les sciences naturelles. Au bout de 4 ans, il sortit de cette école avec un brevet de lieutenant; mais sa passion pour l'étude de la nature le détourna bientôt d'une carrière pour laquelle il n'avait aucun goût. Cependant, se trouvant sans fortune, il fut obligé de chercher un moyen d'existance, et entra chez un riche seigneur de Normandie en qualité de précepteur de ses enfants. Cuvier n'en coutinua pas moins avec un zèle infatigable ses études favorites, et il profita de son séjour sur les bords de la mer, pour en observer les productions. Arrivé plus tard à Paris, ses liaisons avec Lacépède, Geoffroy-St.-Hilaire et autres, le firent nommer professeur d'histoire naturelle et puis d'anatomie comparée, et il ne tarda pas à se frayer une route entièrement nouvelle. Ses principaux ouvrages sont: Tableau élémentaire de l'Histoire naturelle des animaux; Leçons d'anatomie comparée, 5 vol. in-8vo; Histoire des progrès des sciences naturelles, depuis 1789, 2 vol. in-8vo; Le Règne animal distribué d'après son organisation, 5 vol. in-8vo; Recherches sur les ossements fossiles des quadrupèdes, 5 vol. in-4to, 1825; Discours sur les révolutions de la surface du globe, etc., etc. Ces ouvrages, traduits dans presque toutes les langues de I'Europe, ont excité la surprise et l'admiration des savants, et placé Cuvier à la tête des plus célèbres naturalistes. Mais ce grand homme ne s'est pas contenté d'immortaliser son nom par ses travaux scientifiques; il occupe une place distinguée dans notre littérature: ses Eloges histori ques, lus dans les séances publiques de l'Institut, et recueillis en 2 vol. in8vo, lui ouvrirent les portes de l'Académie française, comme ses autres productions lui avaient ouvert celles de l'Académie des sciences, dont il était secrétaire. Il serait difficile de citer un savant dont les connaissances et les travaux aient été plus variés: littérature, poésie, physiologie, mathématiques, chimie, physique, agronomie, philosophie, étude des langues, son vaste génie embrassait tout. Cuvier ne resta pas toujours étranger à la politique; il occupa plusieurs postes élevés sous l'empire et sous la monarchie. Il a coopéré au Dictionnaire des sciences médicales, à celui des sciences naturelles, au Journal des savants, aux Annales du muséum, à la Biographie universelle, etc. Son frère, Frédéric CUVIER, membre de l'Institut, directeur en chef de la ménagerie de Paris, a publié plusieurs ouvrages sur l'histoire naturelle des mammifères. ESMÉNARD (JOSEPH-ALPHONSE), né à Pélissane (Bouches-du-Rhône) en 1770, mort en 1811. La Pêche de la Baleine. L'ancre mord les glaçons, vieux enfants de l'hiver. Et qu'il poursuit encor sous sa glace éternelle; A l'instant tout est prêt. Sans trouble, sans terreur, Et d'un fer imprévu le frappe en l'évitant. Soudain la mer bouillonne en sa masse ébranlée; Dans des gouffres sans fond le monstre s'engloutit ; Au lieu même où le monstre, épuisé, haletant, (Poème de la Navigation.) La Prière du Soir à Bord d'un Vaisseau. "Dieu créateur! dit-il, toi dont les mains fécondes Et, d'un regard chargé de tes ordres sublimes, La prière s'élève aux pieds de l'Éternel. (Ibid. ch. vIII.) Esménard était fils d'un avocat distingué. Lorsqu'il eut fini ses études au collége des Oratoriens à Marseille, il s'embarqua pour St. Domingue, et fit deux voyages sur le continent de l'Amérique. L'aspect imposant de la mer lui inspira son poème de la Navigation, qu'il ne publia qu'en 1805, en 8 chants: il en donna une seconde édition en 6 chants l'année suivante. Cette production se fait remarquer par un style vigoureux et élégant, et par une versification soignée; cependant elle n'eut pas un très-grand succès malgré les éloges de La Harpe. Le Triomphe de Trajan, tragédie lyrique donnée en 1807, eut 100 représentations. On a encore de lui quelques autres opéras, un recueil de poésies diverses, des fragments de ses voyages, etc. Esménard n'était pas fort réglé dans sa conduite: il avait obtenu diverses places qui lui rapportaient plus de 100,000 francs, et cependant il ne laissa que des dettes. Il avait été l'élève du poète Delille. Il périt en s'élançant hors d'une diligence dans un moment de danger. Il était de l'Institut. CHÈNEDOLLÉ (CHARLES de), né à Vire (Calvados) en 1770, mort depuis quelques années. Les Empires détruits. Il faut ici du temps interroger l'oracle, N'est-ce pas sur ces bords que brilla le Pirée ? |