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Monsieur le noir; mais, franchement,
Autre part c'est tout autrement.

En France, par exemple, on ne vous croirait guère :
L'astre à qui vous faites la guerre,

Là, par ses rayons bienfaisants,
De fleurs et de fruits, tous les ans,
Couvre mes champs et mon parterre.
S'éloignant sans trop me geler,
S'approchant sans trop me brûler,
De mon climat, qu'il favorise,
A la faucille, au soc, il livre tour à tour
Mes campagnes, qu'il fertilise

Par son départ et son retour."

Vous qui craignez le feu, vous qui craignez la glace,
Venez donc à Paris: gens d'excellent conseil
Disent qu'un sage ne se place
Trop près ni trop loin du soleil.

La Feuille.

De ta tige détachée,
Pauvre feuille desséchée,
Où vas-tu ?-Je n'en sais rien.
L'orage a brisé le chêne

Qui seul était mon soutien.
De son inconstante haleine
Le zèphyr ou l'aquilon
Depuis ce jour me promène
De la forêt à la plaine,
De la montagne au vallon.
Je vais où le vent me mène,
Sans me plaindre ou m'effrayer;

Je vais où va toute chose,

Où va la feuille de rose

Et la feuille de laurier.

(Fables.)

Le premier ouvrage marquant de ce poète fut sa tragédie de Marius à Minturnes, qui obtint un succès mérité. Celle de Germanicus, jouée pour la première fois en 1817, produisit une telle sensation qu'elle excita du désordre au théâtre. Reprise quelque temps après, le public lui a continué ses applaudissements. Membre de l'Institut, puis de l'Académie française et de celle de Madrid, Arnault occupa plusieurs postes honorables sous l'empire, mais il perdit tout à la restauration, et fut forcé de passer à l'étranger. Rappelé de son exil en 1819, le gouvernement lui alloua une pension de retraite, et il fut porté sur le testament de Napoléon pour une somme de 100,000 francs. Outre les ouvrages déjà cités, on

lui doit 10 ou 12 autres tragédies; quelques comédies; 1 volume de fables, dans un genre nouveau; des discours sur l'instruction publique, qu'il prononça pendant son administration de l'université; des discours sur l'état des sciences, des lumières et des arts en France; des mélanges de critique littéraire; Histoire de Napoléon, etc. Il a coopéré à la rédaction de plusieurs entreprises littéraires.-Euvres complètes, 8 vol. in-8vo, Paris, 1827.

Lucien-Emile ARNAULT, fils du précédent, était préfet du département de l'Ardèche, lorsque la chute de l'empire le priva de cette place, et il s'est depuis adonné à la culture des lettres. Il a composé plusieurs tragédies qui ont eu du succès, parmi lesquelles on remarque Régulus, et Pierre de Portugal.

CHATEAUBRIAND

(FRANÇOIS-AUGUSTE, vicomte de), né à Combourg (Ille-et-Vilaine) en 1768.

Destruction de Jérusalem.

La religion accrut sa force sous les règnes de Vespasien et de Titus, par la consommation d'un des oracles écrits aux livres saints: Jérusalem périt....

Des prodiges annoncèrent la destruction du temple; une voix avait été entendue qui disait: Sortons d'ici. Jésus, fils d'Ananus, courant autour des murailles de la ville assiégée, s'était écrié: Malheur! malheur sur la ville! malheur sur le temple! malheur sur le peuple! malheur sur moi! Famine, peste et guerre civile au-dedans de la cité; au-dehors, les soldats romains crucifiaient tout ce qui voulait s'échapper: les croix manquèrent et la place pour dresser les croix. On éventrait les fugitifs pour fouiller dans leurs entrailles l'or qu'ils avaient avalé. Six cent mille cadavres de pauvres furent jetés dans les fossés, par-dessus les murailles.

On

changeait les maisons en sépulcres, et quand elles étaient pleines on en fermait les portes. Titus, après avoir pris la forteresse Antonia, attaqua le temple, le 17 juillet 70 de J.-C., jour où le sacrifice perpétuel avait cessé faute de mains consacrées pour l'offrir...

Le temple fut brûlé le 8 août de cette année 70, ensuite la ville basse incendiée, et la ville haute emportée d'assaut. Titus fit abattre ce qui restait du temple et de la ville, excepté trois tours; on promena la charrue sur les ruines Telle fut la grandeur du butin, que le prix de l'or baissa de moitié en

Syrie.

Onze cent mille Juifs moururent pendant le siége, quatre-vingt-dix-sept mille furent vendus; à peine trouvait-on des acheteurs....

(Etudes historiques.)

Le Meschacebé, ou Mississipi.

Ce fleuve, dans un cours de plus de mille lieues, arrose une délicieuse contrée, que les habitants des États-Unis appellent le nouvel Eden, et à qui les Français ont laissé le doux nom de Louisiane. Mille autres fleuves tributaires du Meschacebé, le Missouri, l'Illinois, l'Arkanzas, l'Ohio, le Wabache, le Tennessee, l'engraissent de leur limon et la fertilisent de leurs eaux. Quand tous ces fleuves se sont gonflés des déluges de l'hiver, quand les tempêtes ont abattu des pans entiers de forêts, le Temps assemble, sur toutes les sources, les arbres déracinés: il les unit avec des lianes, il les cimente avec des vases, il y plante de jeunes arbrisseaux, et lance son

Le

ouvrage sur les ondes. Charriés par les vagues écumantes, ces radeaux descendent de toutes parts au Meschacebé. vieux fleuve s'en empare, et les pousse à son embouchure pour y former une nouvelle branche. Par intervalles, il élève sa grande voix; en passant sous les monts, il répand ses eaux débordées autour des colonnades des forêts et des pyramides des tombeaux indiens: c'est le Nil des déserts. Mais la grâce est toujours unie à la magnificence dans les scènes de la nature; et, tandis que le courant du milieu entraîne vers la mer les cadavres des pins et des chênes, on voit, sur les deux courants latéraux, remonter, le long des rivages, des îles flottantes de pistia et de nénuphar, dont les roses jaunes s'élèvent comme de petits pavillons. Des serpents verts, des hérons bleus, des flammants roses, de jeunes crocodiles, s'embarquent passagers sur ces vaisseaux de fleurs, et la colonie, déployant au vent ses voiles d'or va aborder, endormie, dans quelque anse retirée du fleuve.

Les deux rives du Meschacebé présentent un tableau le plus extraordinaire. Sur le bord occidental, des savanes se déroulent à perte de vue: leurs flots de verdure, en s'éloignant, semblent monter dans l'azur du ciel, où ils s'évanouissent. On voit, dans ces prairies sans bornes, errer à l'aventure des troupeaux de trois ou quatre mille buffles sauvages. Quelquefois un bison, chargé d'années, fendant les flots à la nage, se vient coucher parmi les hautes herbes, dans une île du Meschacebé. A son front orné de deux croissants, à sa barbe an

tique et limoneuse, vous le prendriez pour le dieu mugissant du fleuve, qui jette un regard satisfait sur la grandeur de ses ondes et la sauvage abondance de ses rives.

Telle est la scène sur le bord occidental; mais elle change tout-à-coup sur la rive opposée, et forme avec la première un admirable contraste. Suspendus sur le cours des ondes, groupés sur les rochers et sur les montagnes, dispersés dans les vallées, des arbres de toutes les formes, de toutes les couleurs, de tous les parfums, se mêlent, croissent ensemble, montent dans les airs à des hauteurs qui fatiguent les regards. Les vignes sauvages, les bignonias, les coloquintes, s'entrelacent au pied de ces arbres, escaladent leurs rameaux, grimpent à l'extrémité des branches, s'élancent de l'érable au tulipier, du tulipier à l'alcée, en formant mille grottes, mille voûtes, mille portiques. Souvent égarées d'arbre en arbre, ces lianes traversent des bras de rivières, sur lesquels elles jettent des ponts et des arches de fleurs. Du sein de ses massifs embaumés, le superbe magnolia élève son cône immobile: surmonté de ses larges roses blanches, il domine toute la forêt, n'a d'autre rival que le palmier, qui balance légèrement auprès de lui ses éventails de verdure.

Une multitude d'animaux, placés dans ces belles retraites par la main du Créateur, y répandent l'enchantement et la vie. De l'extrémité des avenues on aperçoit des ours enivrés de raisins, qui chancellent sur les branches des ormeaux: des troupes de cariboux se baignent dans un lac; des écureuils noirs se jouent dans l'épaisseur des feuillages; des oiseaux moqueurs, des colombes virginiennes de la grosseur d'un passereau, descendent sur les gazons rougis par les fraises; des perroquets verts, à tête jaune, des piverts empourprés, des cardinaux de feu grimpent en circulant au haut des cyprès; des colibris étincellent sur le jasmin des Florides, et des serpents oiseleurs sifflent suspendus aux dômes des bois, en s'y balançant comme des lianes.

Si tout est silence et repos dans les savanes, de l'autre côté du fleuve, tout ici, au contraire, est mouvement et murmure : des coups de bec contre le tronc des chênes, des froissements d'animaux qui marchent, broutent ou broient entre leurs dents les noyaux des fruits, des bruissements d'ondes, de faibles mugissements, de sourds meuglements, de doux roucoulements, remplissent ces déserts d'une tendre et sauvage harmonie. Mais quand une brise vient à animer toutes ces solitudes, à balancer tous ces corps flottants, à confondre toutes ces masses de blanc, d'azur, de vert, de rose, à mêler toutes les couleurs, à réunir tous les murmures, il se passe de telles

choses aux yeux, que j'essaierais en vain de les décrire à ceux qui n'ont point parcouru ces champs primitifs de la nature. (Génie du christianisme.)

La Cataracte de Niagara.

Nous arrivâmes bientôt au bord de la cataracte, qui s'annonçait par d'affreux mugissements. Elle est formée par la rivière Niagara, qui sort du lac Érié, et se jette dans le lac Ontario; sa hauteur perpendiculaire est de cent quarante-quatre pieds depuis le lac Erié jusqu'au saut, le fleuve arrive toujours en déclinant par une pente rapide; et, au moment de la chute, c'est moins un fleuve qu'une mer, dont les torrents se pressent à la bouche béante d'un gouffre. La cataracte se divise en deux branches, et se courbe en fer-à-cheval. Entre les deux chutes s'avance une île, creusée en dessous, qui pend avec tous ses arbres, sur le chaos des ondes. La masse du fleuve, qui se précipite au midi, s'arrondit en un vaste cylindre, puis se déroule en nappe de neige, et brille au soleil de toutes les couleurs celle qui tombe au levant, descend dans une ombre effrayante; on dirait une colonne d'eau du déluge. Mille arcs-en-ciel se courbent et se croisent sur l'abîme. L'onde, frappant le roc ébranlé, rejaillit en tourbillons d'écume qui s'élèvent au-dessus des forêts, comme les fumées d'un vaste embrasement. Des pins, des noyers sauvages, des rochers taillés en forme de fantômes, décorent la scène. Des aigles, entraînés par le courant d'air, descendent en tournoyant au fond du gouffre, et des carcajoux se suspendent par leurs longues queues au bout d'une branche abaissée, pour saisir dans l'abîme les cadavres brisés des élans et des ours. (Génie du christianisme.)

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Prière à bord d'un Vaisseau.

Le globe du soleil, dont nos yeux pouvaient alors soutenir l'éclat, prêt à se plonger dans les vagues étincelantes, apparaissait entre les cordages du vaisseau, et versait encore le jour dans des espaces sans bornes. On eût dit, par le balancement de la poupe, que l'astre radieux changeait à chaque instant d'horizon. Les mâts, les haubans, les vergues du navire étaient couverts d'une teinte de rose. Quelques nuages erraient sans ordre dans l'orient, où la lune montait avec lenteur. Le reste du ciel était pur; et, à l'horizon du nord, formant un glorieux triangle avec l'astre du jour, et celui de la

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