coule de ses lèvres. Poète, ses idées deviennent des impressions, des images, des accords; il ne médite plus, il est inspiré; il ne voit plus, il contemple; il n'expose pas, il peint; il ne dit pas, il chante. Destiné au barreau par son père, avocat à Nancy, Lacretelle ne montra dans ses premières études que des dispositions fort communes et peu propres à donner une idée des grands talents qu'il a déployés par la suite dans le cours de sa brillante carrière. Ses moyens se développèrent et son goût pour l'étude se forma après la lecture de quelques discours de Servan, dont nous avons parlé, page 179; et ce fut dans cette première lecture qu'il puisa ces grands principes de philosophie, de morale et de patriotisme dont ses écrits portent le cachet. Jurisconsulte profond, littérateur éclairé, écrivain judicieux, Lacretelle a laissé un grand nombre d'ouvrages, parmi lesquels on remarque le Discours sur le préjugé des peines infamantes, couronné par l'Académie; l'Eloge du duc de Montausier, qui fit admettre l'auteur à l'Institut; Essai sur l'éloquence du barreau; enfin 12 ou 15 autres ouvrages, se composant: de plaidoyers, de Mélanges de jurisprudence, de philosophie, de littérature, de Mémoires sur la politique, sur l'instruction, etc. Il a de plus contribué à la rédaction de plusieurs journaux et autres entreprises littéraires et scientifiques. Lacretelle fut membre de l'Assemblée constituante, et entra au corps legislatif en 1801, mais il n'approuva pas toujours les projets de Napoléon. Enfin, aussi philosophe dans sa conduite que dans ses écrits, toujours ferme dans ses principes, il sut, en toute circonstance, conserver une honorable indépendance. Aussi zélé pour le bien public que désintéressé pour lui-même, il vécut et mourut dans une pauvreté volontaire. Il avait remplacé La Harpe dans le chaire de littérature à l'Institut.-Œuvres diverses, 16 vol. in-8vo. BERTIN (ANTOINE, chevalier de), né à l'île-Bourbon le 10 8bre. 1752, mort à St. Domingue en 1790. Les Restes, les Souvenirs de l'ancienne Rome. Le zéphyr règne dans les airs; Et, mollement porté sur la mer de Tyrrhène, Je découvre déjà la ville des Césars, Rome, en guerriers fameux autrefois si féconde, Voilà donc les lauriers des fils de Scipion Où semble encore errer l'ombre d'un peuple libre ! Oh! qui me nommera tous ces marbres épars, Ton livre en main, voluptueux Horace, J'irai dans les champs de Sabine, De tes modestes bains, de tes humbles celliers ; De leurs débris sacrés un reste enseveli, Et, dans ce désert embelli Par l'Anio grondant dans sa chute rapide, Des cascades de Tivoli. Puissé-je, hélas ! au doux bruit de leur onde, Ce petit coin de l'univers Rit plus à mes regards que le reste du monde. Y rompent de leur poids les branches gémissantes, Ne portent point envie aux raisins de Calès. Dès l'âge de 9 ans ce poète fut conduit en France, et après avoir fait de brillantes études à Paris, il entra au service, parvint en peu de temps au grade de capitaine et obtint la croix de St. Louis. Compatriote et ami intime de Parny, dont nous parlerons bientôt, Bertin a excellé comme lui dans le genre érotique. Ses pièces fugitives, ses lettres en vers, ses voyages en prose et en vers, ont eu un succès aussi flatteur que mérité; mais sa réputation est principalement fondée sur ses élégies, intitulées Les Amours, que le poète semble avoir écrites sous leur dictée: du naturel, de l'esprit, du sentiment, un style brillant et passionné, tel est le principal caractère de cet ouvrage. Enfin les productions de ce poète aimable, enlevé aux muses à la fleur de l'âge, sont regardées comme des modèles du bon goût. S'étant rendu à St. Domingue pour y épouser une jeune créole qu'il avait connue à Paris, Bertin tomba malade le jour même où son mariage devait être célébré, et ne voulant pas différer la cérémonie, il fut marié dans son appartement, et mourut le dix-septième jour de cette cruelle maladie. Il a fait lui-même son véritable portrait dans les deux vers suivants qu'on trouve dans une de ses pièces : En amitié fidèle encor plus qu'en amour, Tout ce qu'aima mon cœur, il l'aima sans retour. Euvres complètes, 5 vol. in-8vo, Paris 1826: plusieurs autres éditions. NOTA. On ne doit pas confondre ce poète avec plusieurs auteurs du même nom, et entre autres Théodore-Pierre BERTIN, l'un des plus infatigables traducteurs modernes, mort en 1819. Il a traduit dans notre langue plus de 60 ouvrages anglais et allemands. PARNY (Évariste-Désiré DESFORGES, Chevalier de), né à l'Ile-Bourbon en 1753, mort à Paris en 1814. La Rose. Lorsque Vénus, sortant du sein des mers, (Poésies diverses.) Le Réveil d'une mère. Un sommeil calme et pur comme sa vie, Tous deux du lit assiégent le chevet; Sur ses devoirs lui fait un longs discours, A cet aspect, dans les yeux de sa sœur, Des pieds, des mains, de la voix et du geste, Mais le tambour au loin s'est fait entendre: D'un cri de joie il ne peut se défendre ; Il voit passer les poudreux escadrons; De la trompette et des aigres clairons, Le son guerrier l'anime; il veut descendre, Il veut combattre; il s'arme, il est armé. Un chapeau rond, surmonté d'un panache, Couvre à demi son front plus enflammé ; A son côté fièrement il attache Arrivé jeune en France, Parny entra au collège de Rennes, et après avoir terminé ses études, il avait formé la résolution d'embrasser la vie monastique, et passa quelque temps chez les trapistes, qu'il quitta pour entrer au service militaire. A l'âge de 20 ans, il fit un voyage à l'IleBourbon, où il fit connaissance avec une jeune créole qu'on refusa de lui donner, et qu'il a si souvent chantée sous le nom d'Eléonore dans ses admirables Elégies, qui l'ont fait surnommer le Tibulle français. Cette fille fut forcée par ses parents d'épouser un riche colon, et Parny retourna en France vivement affecté de cette perte, qui eut cependant l'avantage de faire de lui un de nos premiers poètes élégiaques. Parny était parvenu au grade de capitaine de dragons, et puis à celui d'aide-de-camp; mais son goût pour la solitude lui fit abandonner le service, et il se retira à la campagne, près de St. Germain, où il vécut pendant longtemps. Outre ses Elégies, il a laissé un grand nombre d'autres poésies. On lui reproche de n'avoir pas assez respecté la religion dans quelques-uns de ses poèmes, et surtout dans celui de la Guerre des dieux. Quant au mérite littéraire, toutes ses compositions sont de vrais modèles du bon goût: un style toujours pur, élégant et naturel, a fait placer ce poète au rang de nos classiques du 17e. siècle. Parny était de l'Institut et de l'Académie française. Euvres complètes, 1824, 2 vol. in-8vo.-Œuvres choisies, Paris, 1827, 1 vol. in-8vo. COLLIN D'HARLEVILLE (JEAN-FRANÇOIS), né à Maintenon (Eure-et-Loir) en 1755, mort à Paris en 1806. L'Art du Peintre, décrit par le Poète. Admirable en effet, et qui tient du prodige !... Oh! oui, sans doute, Armand, quel charme! quel prestige! Avec un peu de toile, un pinceau, des couleurs, Tu peins l'azur du ciel, le bel émail des fleurs, |