A mes Pénates. Petits dieux avec qui j'habite, O mes pénates, mes dieux lares, Je peux voyager sans escorte. Mes vœux sont courts; les voici tous : S'il est des cœurs faux, dangereux, Soyez de fer, d'acier pour eux. (Poésies diverses.) Ce poète fut reçu à l'Académie française en 1778, à la place devenue vacante par la mort de Voltaire; et en ce qui regarde la tragédie, il a prouvé qu'il était digne de succéder à ce grand homme. Ducis est un de nos meilleurs tragiques de la fin du 18me. siècle. La distribution de ses plans n'est pas toujours heureuse, mais il excelle dans quelques scènes, par la noblesse des pensées, par la vigueur et l'énergie d'un style pur, plein d'harmonie et revêtu des plus brillantes couleurs. Il ne commença à écrire pour le théâtre qu'à l'âge de 33 ans, et ses deux premières pièces ne réussirent pas très-bien. Quelques-unes de ses meilleures sont tirées des sujets de Shakspeare; il transporta sur le théâtre français, Hamlet, Roméo et Juliette, le Roi Léar, Macbeth, et Othello; mais ce sont des imitations, et non des traductions, car ces compositions n'ont absolument que le titre de commun avec celles du poète anglais. Edipe chez Admète est une imitation de la tragédie de Sophocle, mais le poète français a surpassé son modèle. Abufar, ou la Famille arabe, tragédie pleine d'intérêt, passe pour une de ses meilleures compositions originales. Ses poésies fugitives ne sont pas moins dignes de lui; il a su y réunir la force, l'élégance, la grâce et la variété. La vie de Ducis a été celle d'un vrai sage, ou plutôt d'un patriarche, quoique souvent assez bizarre. Il fut quelque temps secrétaire de Louis XVIII, et lui resta toujours dévoué. Pendant l'exil de ce prince, le poète se trouva dans la misère la plus complète, et cependant il refusa obstinément le poste de sénateur avec 40,000 francs par an et la croix d'honneur que Napoléon lui offrit plusieurs fois. A la restauration il fut généreusement récompensé de sa fidélité. Ducis appartenait à des parents peu aisés, qui tenaient une petite boutique de poterie, mais qui s'étaient attiré l'estime de toute la ville par leurs vertus, et il avait fait ses études au collège de cette ville. Il était si attaché à ses bons parents, qu'il leur dédiait presque toujours ses ouvrages. Lorsqu'il eut composé son discours de réception à l'Académie, il le lut d'abord à sa mère qui lui dit: "Mon fils, cela me semble bien beau, mais c'est bien long." Il se hâta de l'abréger avec l'assistance de Thomas, son ami intime. En refusant les offres de Napoléon, il disait qu'il aimait mieux porter des haillons que des chaines. Shakspeare était son idole. Il assistait régulièrement au théâtre et aux sermons pathétiques du P. de Neuville. Outre ses tragédies, Ducis a laissé le Banquet de l'amitié, poème en 4 chants; des épîtres, et beaucoup de poésies diverses. Ses œuvres forment 3 vol. in-8vo, Paris 1826; mais il existe un grand nombre d'autres éditions sous divers formats: une de 1827, 7 vol., in-18. MALFILATRE (JACQUES-CHARLES-LOUIS), né à Caen l'an 1733, mort à Paris en 1767. Les deux Serpents. A cet autel de gazons et de fleurs Déjà la main des sacrificateurs A présenté la génisse sacrée, Jeune, au front large, à la corne dorée ; Prêt à frapper, tient le fer suspendu... Un bruit s'entend... l'air siffle.. l'autel tremble. L'un près de l'autre ils glissent, et sur l'herbe Mais l'animal, que leur souffle empoisonne, Comme un réseau, l'enferme et l'emprisonne, Le feu jaillit de ses larges naseaux : (Poème de Narcisse.) Malfilatre était né avec un génie véritablement poétique: il avait à peine fini ses études de collége, qu'il obtint quatre fois le prix de poésie à l'Académie de Rouen. Ces succès précoces l'engagèrent à se dévouer aux muses, et sans une mort prématurée qui le surprit au milieu de ses travaux, il se fût sans doute placé au premier rang des poètes français. Son poème de Narcisse dans l'ile de Vénus, bien qu'il n'eût pas le temps d'y mettre la dernière main, est rempli de beautés. Une extrême pauvreté fut la cause principale de la mort de ce poète, qui a laissé une mémoire très-respectable. Il a traduit en vers français une partie des Eglogues et des Géorgiques de Virgile-Poésies diverses, Paris 1825, 1 vol. in-8vo. LEMIERRE (ANTOINE-MARIE), né à Paris en 1733, mort à Saint-Germain-en-Laie en 1793. Le Clair de lune. Mais de Diane au ciel l'astre vient de paraître ; Des différents objets la couleur affaiblie, Reine des nuits, l'amant devant toi vient rêver, Il tarde au voyageur, dans une nuit obscure, L'Anatomie. Au temple d'Esculape une école est placée ; Pur chef-d'œuvre des cieux quand l'âme l'illumine, Tu frémis, jeune artiste? ah! surmonte l'horreur Et si ce n'est point là que l'homme entier s'enferme, Les nerfs et leur dédale, et, d'un regard savant, (La Peinture, ch. 1.) Outre une foule de poèmes qui eurent tous du succès, on doit à ce poète plusieurs tragédies, dont trois seulement, Guillaume Tell, Hypermnestre et la Veuve de Malabar, sont restées au théâtre. La Peinture passe pour |