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pourrait-il être sublime sans elle, ou plus qu'elle ?" En effet, de grands mots et de petites idées ne font jamais que de l'enflure la force de l'expression s'évanouit, si la pensée est trop faible ou trop légère pour y donner prise.

(Eléments de littérature.)

Après avoir fini ses études chez les jésuites, ce littérateur, dont les parents étaient pauvres, se livra à l'enseignement pendant quelque temps, et débuta dans sa carrière littéraire par de petites piéces de poésie qui furent couronnées à l'Académie des Jeux-Floraux. Ces succès précoces le firent connaître de Voltaire qui l'encouragea et se déclara son protecteur. Arrivé à Paris, il obtint encore un prix de poésie à l'Académie française, et donna successivement 3 ou 4 tragédies qui n'eurent pas un très-grand succès, mais elles le firent connaître avantageusement et contribuèrent à sa fortune. Outre ses pièces de théâtre, il a laissé une foule d'ouvrages dont les plus estimés sont: ses Contes moraux; Bélisaire, roman fort bien écrit et qui a été traduit dans plusieurs langues, mais dont la lecture n'est pas très-attachante; les Incas, autre roman qu'on préfère au précédent; et ses excellents Eléments de littérature, un des meilleurs ouvrages que nous ayons en ce genre dans notre langue, et sur lequel repose principalement la réputation de l'auteur. On trouve dans ses Mélanges un grand nombre de pièces de poésie, dont quelques-unes n'ont pas moins de 500 vers. Il a fourni beaucoup d'articles à l'Encyclopédie. Ses Mémoires d'un père pour servir à l'instruction de ses enfants, 4 vol. in-12, malgré les erreurs qu'on y remarque, offrent une lecture variée et attachante. Marmontel était de l'Académie française, et ce fut lui qui y remplaça d'Alembert comme secrétaire.-Euvres complètes, Paris, 1818, 18 vol. in-8vo.

ANQUETIL

(LOUIS-PIERRE DUPERRON), né en 1723 et mort en 1808, à Paris.

Louis XV, mort en 1774.

Vers la fin de sa vie, ce prince craignait les affaires et en montrait ouvertement le dégoût. Les plaisirs même l'ennuyaient, s'ils n'étaient aiguisés par une variété difficile à inventer : tout ce qui ne lui était pas personnel lui était comme étranger. Il a laissé à son petit-fils qui lui a succédé, une cour livrée à un faste dévorant, des finances en désordre, un royaume intérieurement troublé par des mécontentemens sourds. Le murmure, l'inquiétude générale annonçait des orages; le relâchement des liens entre le peuple et le souverain faisait

craindre la dissolution totale de l'État. Le monarque, dit-on, prévoyait ces malheurs; mais au lieu de travailler à les prévenir, craignant la peine et tout entier à sa jouissance, il semblait dire à la révolution: "attendez que je n'y sois plus."

Ce prince était bon maître. Il avait des principes de religion que son penchant pour les plaisirs, et l'empire que ce penchant prenait sur lui, n'effaça jamais. Louis XV, entouré de l'éclat des sciences rendues si brillantes sous Louis XIV, ne s'en laissait pas éblouir. Il les favorisait avec discernement; les écrivains en tout genre, trop multipliés alors comme ils le sont encore, ne trouvaient pas auprès de lui un accès encourageant; mais il protégeait noblement les entreprises littéraires et les autres projets dont on lui démontrait l'utilité.

Ayant fini de bonne heure ses études avec un succès extraordinaire, dès l'âge de 20 ans l'abbé Anquetil occupa avec la plus grande distinction les chaires de belles-lettres, de philosophie et de théologie au collège de Saint-Jean. Placé par la suite à la tête du séminaire de Reims, il y composa l'Histoire civile et politique de cette ville, 3 vol. in-12. Plus tard, il dirigea le collége de Senlis pendant 10 ans, et enfin accepta la cure de Chateau-Renard où il fut comme adoré de ses paroissiens pendant 20, et y aurait probablement fini ses jours sans la révolution. Emprisonné comme tant d'autres en 1793, il fut mis en liberté l'année suivante, reçu à l'Institut en 1795, et enfin employé au ministère des affaires étrangères jusqu'à sa mort. Toutes ces occupations ne l'empêchèrent pas de cultiver les lettres, qu'il aima passionnément toute sa vie et qu'il a enrichies d'un grand nombre d'ouvrages historiques fort bien écrits, dont les plus estimés sont : l'Esprit de la ligue, ou histoire politique des troubles en France pendant le 16e. et le 17e. siècle, 3 vol. in-12; L'Intrigue du cabinet sous Henri IV et sous Louis XIII, terminée par la Fronde, 4 vol. in12; Précis de l'histoire universelle, 12 vol. in-12, ouvrage réimprimé un grand nombre de fois et traduit dans la plupart des langues de l'Europe; et enfin l'Histoire de France depuis les Gaulois jusqu'à la fin de la monarchie, 14 vol. in-12, souvent réimprimée, et continuée jusqu'en 1830 par L. Gallois, 4 vol. in-8vo. Ses autres ouvrages sont, Louis XIV, sa cour et le Régent, 5 vol. in-12; Mémoires et la vie du maréchal de Villars, 4 vol. in-12; Louis XIV, Louis XV et Louis XVI, 1 vol. in-8vo; des Mémoires insérés dans le journal de l'Institut; Mémoires sur la vie de son frère, le savant orientaliste, mort en 1805, âgé de 82 ans, non moins célèbre par ses travaux que par sa vie singulière; etc. Réglé dans sa conduite, modéré dans ses désirs, Anquetil conserva toutes ses facultés jusqu'à la fin de sa vie, et â l'âge de 80 ans il travaillait encore 10 heures par jour.

GAILLARD

(GABRIEL-HENRI), né à Ostel, près de Soissons, en 1726, mourut à Paris en 1806.

Passage des Alpes par François I.

On part; un détachement reste et se fait voir sur le mont Cenis et sur le mont Genèvre, pour inquiéter les Suisses, et leur faire craindre une attaque. Le reste de l'armée passe à gué la Durance, et s'engage dans les montagnes, du côté de Guillestre; trois mille pionniers la précèdent. Le fer et le feu lui ouvrent une route difficile et périlleuse à travers des rochers: on remplit des vides immenses avec des fascines et de gros arbres; on bâtit des ponts de communication; on traîne, à force d'épaules et de bras, l'artillerie dans quelques endroits inaccessibles aux bêtes de somme : les soldats aident les pionniers, les officiers aident les soldats; tous indistinctement manient la pioche et la cognée, poussent aux roues, tirent les cordages; on gravit sur les montagnes; on fait des efforts plus qu'humains; on brave la mort qui semble ouvrir mille tombeaux dans ces vallées profondes que l'Argentière arrose, et où des torrents de glaces et de neiges fondues par le soleil se précipitent avec un fracas épouvantable. On ose à peine les regarder de la cime des rochers sur lesquels on marche en tremblant par des sentiers étroits, glissants et raboteux, où chaque faux pas entraîne une chute, et d'où l'on voit souvent rouler au fond des abîmes et les hommes et les bêtes avec toute leur charge. Le bruit des torrents, les cris des mourants, les hennissements des chevaux fatigués et effrayés, étaient horriblement répétés par tous les échos des bois et des montagnes, et venaient redoubler la terreur et le tumulte.

On arriva enfin à une dernière montagne où l'on vit avec douleur tant de travaux et tant d'efforts prêts à échouer. La sape et la mine avaient renversé tous les rochers qu'on avait pu aborder et entamer; mais que pouvaient-elles contre une seule roche vive, escarpée de tous côtés, impénétrable au fer, presque inaccessible aux hommes ? Navarre, qui l'avait plusieurs fois sondée, commençait à désespérer du succès, lorsque des recherches plus heureuses lui découvrirent une veine plus tendre qu'il suivit avec la dernière précision; le rocher fut entamé par le milieu, et l'armée, introduite au bout de huit jours dans le marquisat de Saluces, admira ce que peuvent l'industrie, l'audace et la persévérance.

Gaillard abandonna le barreau pour s'adonner aux lettres qu'il cultiva avec succès. On a de lui des Mélanges historiques, poétiques et littéraires, en 4 vol. in-8vo; les Histoires de Marie de Bourgogne, 1 vol; de François I, 7 vol. in-12; de Charlemagne, 4 vol. in 12; de la Rivalité de la France et de l'Angleterre, 11 vol. in-12; et de la France et de l'Espagne, 8 vol. in-12. Ces ouvrages ont acquis à Gaillard une réputation d'historien bien méritée. Son style, sans avoir toute la rapidité et la précision qu'on pourrait désirer, est pur et élégant, et sa narration pleine d'intérêt. Parmi les autres productions de sa plume, on remarque le Dictionnaire historique qui se trouve dans l'Encyclopédie méthodique; plusieurs Eloges académiques, et autres discours; un cours de Rhétorique française, à l'usage des demoiselles; ses Observations sur l'Histoire de France de Velly, Villaret et Garnier, 4 vol in-12; des Mémoires dans le recueil de l'académie; la Vie de Milesherbes, dont il fut l'ami intime, 1 vol. 8vo; etc. Gaillard remporta plusieurs prix de poésie et d'éloquence dans différentes académies. Il était de l'Institut, de l'Académie française et de celle des inscriptions.

LEBRUN

(PONCE-DENIS ECOUCHARD), né en 1729 et mort en 1807, à Paris.

Dieu et son Essence.

De cet Etre infini, l'infini te sépare.

Du char glacé de l'Ourse aux feux de Sirius

:

Il règne il règne encore où les cieux ne sont plus.
Dans ce gouffre sacré quel mortel peut descendre ?
L'immensité l'adore, et ne peut le comprendre ;
Et toi, songe de l'Etre, atome d'un instant,
Égaré dans les airs sur ce globe flottant,
Des mondes et des cieux spectateur invisible,
Ton orgueil pense atteindre à l'Etre inaccessible !
Tu prétends lui donner tes ridicules traits;
Tu veux, dans ton Dieu même, adorer tes portraits'
Ni l'aveugle hasard, ni l'aveugle matière,
N'ont pu créer mon âme, essence de lumière.
Je pense ma pensée atteste plus un Dieu
Que tout le firmament et ses globes de feu.
Voilé de sa splendeur, dans sa gloire profonde,
D'un regard éternel il enfante le monde.
Les siècles devant lui s'écoulent, et le Temps
N'oserait mesurer un seul de ses instants.

Ce qu'on nomme Destin n'est que sa loi suprême ;
L'immortelle Nature est sa fille, est lui-même.
Il est, tout est par lui: seul Etre illimité,

En lui tout est vertu, puissance, éternité.
Au-delà des soleils, au-delà de l'espace,

Il n'est rien qu'il ne voie, il n'est rien qu'il n'embrasse.
Il est seul du grand Tout le principe et le fin,

Et la création respire dans son sein.

(Poème de la Nature.)

Fils d'un employé de la maison de Conti, Lebrun fut lui-même secrétaire de ce prince. Il avait fait de très-bonnes études au collége Mazarin, et avant l'âge de 26 ans il s'était déjà placé au rang de nos premiers poètes lyriques, et cette gloire lui est restée. C'est dans l'Ode qu'il s'est le plus distingué; plein de verve, de feu, d'imagination et d'enthousiasme, dans ce genre il a égalé Rousseau, dont les modèles et les sages leçons de Louis Racine ne lui furent pas inutiles. Au commencement de la révolution française, Lebrun chanta la naissance de la liberté avec l'accent d'un délire véritablement poétique; mais quand il vit les événements de 1793, sa muse changea de ton et déplora les malheurs de la France. Il a laissé deux poèmes inachevés, la Nature et les Veillées du Parnasse, dont on a publié des fragments qui sont remplis de beautés. Dans l'Epigramme, il a surpassé J. B. Rousseau; il en a fait plus de 600. Lebrun fut malheureux en ménage, ainsi qu'on le voit dans plusieurs de ses pièces. Il eut une foule d'admirateurs qui ne l'appelaient que le Pindare français; mais son caractère irascible et scuvent son ingratitude envers ses bienfaiteurs lui avaient fait beaucoup d'ennemis. Il était membre de l'Institut.-Euvres complètes, 1811, 4 vol. in-8vo.

PALISSOT DE MONTENOY

(CHARLES), né à Nancy en 1730, mort à Paris en 1814.
Le faux Philosophe.

Il s'en donne le nom,

Comme tous ces messieurs qui, fiers de leur raison,
Se croyant appelés à réformer la terre,

A tous les préjugés ont déclaré la guerre.
Petits pédants obscurs, qui pensent à la fois
Éclairer l'univers et régenter les rois :
Fanatiques d'orgueil, dont la folle manie.
Est de se croire un droit exclusif au génie :
Flatteurs, en affichant le mépris des grandeurs ;
De tout ce qu'on révère audacieux frondeurs ;

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