A BRUYÈRE eut une vie où il n'y a, pour ainsi dire, rien d'extérieur et dont le récit tiendrait, si l'on voulait, en une douzaine de lignes. Un acte, retrouvé à une date relativement récente, atteste que Jean de La Bruyère fut baptisé le 17 août 1645, dans la petite église de Saint-Christophe, qui tournait le dos à Notre-Dame, à l'autre bout de la place. du Parvis. Il est donc né, non pas à Dourdan, comme on l'a cru longtemps, mais à Paris, et au cœur même de Paris, dans la Cité. Son père était contrôleur général des rentes de l'Hôtel de Ville, et ne possédait que peu de rentes, pour son particulier. Il n'en possédait même aucune, et il se serait trouvé dans une situation embarrassée, si un frère, oncle et parrain de Jean de La Bruyère, qui s'était enrichi dans des maniements d'argent et qui restait célibataire, n'était venu s'installer sous le même toit et n'avait partagé les charges d'une famille nombreuse: elle comportait sept enfants, dont trois, il est vrai, eurent une existence assez brève. Le père mort en 1666, l'oncle mourut en 1671. Ce qui lui revint de l'héritage permit à Jean de La Bruyère de connaître une période de splendeurs. Il eut un carrosse et des chevaux, et dè ces gens « feuille-morte» dont parlent Les Caractères, autrement dit des laquais. Cela ne dura pas bien longtemps, pour des raisons qu'il faut très probablement chercher encore dans l'état des affaires de la famille. La Bruyère s'était fait recevoir avocat au Parlement, vers le milieu de 1665; il n'y a aucun indice qu'il ait jamais exercé la profession. En novembre 1673, il se rendit acquéreur, pour une vingtaine de mille livres, d'une charge de trésorier de France au bureau des finances de la généralité de Caen; le rapport annuel était de deux à trois mille livres. Ce ne fut là pour lui qu'un placement de capitaux, car il ne fit acte de présence à Caen qu'une seule semaine, le temps que l'on procédât à son installation, et par la suite on ne l'y revit plus. |