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va modifier dignité; il n'étoit donc pas naturel qu'elle modifiât sénateurs. Voici un exemple d'une autre espèce:

Il a fallu, avant toute chose, vous faire lire dans l'écriture l'histoire du peuple de Dieu, qui fait le fondement de la religion. Boss.

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Ici du peuple détermine l'espèce d'his toire, et de Dieu détermine l'espèce de peuple. Ces deux mots étant suffisamment déterminés, l'esprit ne s'y arrête plus ; il remonte au substantif histoire, et rapporte à ce nom la proposition incidente. Voilà donc un second cas où le conjonctif se lie à un substantif éloigné. On seroit choqué de cette construction: vous avez appris l'histoire du peuple de Dieu, qui est le créateur du ciel et de la terre. C'est donc une règle de rapporter le conjonctif au substantif le plus éloigné, toutes les fois que le dernier substantif, n'étant employé que pour déterminer le premier, ne demande lui-même aucune modification.

Mais si l'on disoit avec Bossuet: on vous a montré avec soin l'histoire de ce grand

royaume que vous êtes obligé de rendre

heureux

heureux; que se rapporteroit à ce grand royaume. Car si ce substantif commence à être déterminé, il ne l'est pas assez, et il fait encore attendre quelqu'autre modification: voilà le seul cas où la proposition incidente appartient au dernier substantif. Jusqu'ici, je ne parle que des constructions où les substantifs se déterminent successivement, parce que ce sont les seules qui puissent embarrasser. Dans les autres, il ne vous arrivera pas de vous tromper. Vous sentez bien que vous ne pouvez pas dire: ils trouvèrent des obstacles dans cette guerre qu'ils surmontèrent; ni ils trouvèrent dans cette guerre des obstacles qu'ils entreprirent. Vous direz toujours ils trouvèrent des obstacles dans cette guerre qu'ils entreprirent ; ils trouvèrent dans cette guerre des obstacles qu'ils surmontèrent.

Vous avez vu, en étudiant la grammaire, pourquoi on dit : une espèce de fruit qui est múr en hiver, une sorte de bois qui est dur. C'est que l'esprit s'arrêtant sur les mots fruit et bois, déjà déterminés par ce qui précède, leur rap

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ponte tout ce qui suit. Par la même raison une troupe de soldats qui pillèrent le château, sera mieux qu'une troupe de soldats qui pilla le château.

La règle générale que vous devez vous faire dans ces sortes de cas, c'est de n'avoir nul égard à la forme matérielle du discours, de ne point examiner quel est le dernier substantif; mais de considérer P'idée sur laquelle votre esprit se porte plus naturellement. Voici un passage de Fléchier, où vous trouverez des exemples de toute espèce.

Cette sagesse ( de Turenne) étoit la source de tant de prospérités éclatantes. Elle entretenoit cette union des soldats avec leur chef, qui rend une armée invincible: elle répandoit dans les troupes un esprit de force, de courage et de confiance, qui leur faisoit tout souffrir, tout entreprendre dans l'exécution de ses desseins: elle rendoit enfin des hommes grossiers capables de gloire. Car, messieurs, qu'est-ce qu'une armée ? C'est un corps animé d'une infinité de passions différentes, qu'un homme ha

bile fait mouvoir pour la défense de la patrie: c'est une troupe d'hommes armés, qui suivent aveuglément les ordres d'un chef, dont ils ne savent pas les intentions : c'est une multitude d'ames, pour la plupart, viles et mercenaires, qui, sans songer à leur propre réputation, travaillent à celle des rois et des conquérans : c'est un assemblage confus de libertins, qu'il faut assujettir à l'obéissance; de láches, qu'il faut mener au combat ; de téméraires, qu'il faut retenir; d'impatiens, qu'il faut accoutumer à la constance.

Exerçons-nous encore sur d'autres exemples. Cette construction, les tableaux de Rubens qui sont au Luxembourg, est fort correcte car on sent que Rubens n'est là que pour déterminer l'espèce de tableau, et qu'il ne demande point d'être modifié. On diroit, au contraire, les tableaux de ce peintre qui vient de Rome, parce que ce peintre veut une modifi cation.

Les tableaux de Rubens qui est un grand peintre, est donc une construction

forcée. Le lecteur croit d'abord que le conjonctif qui se rapporte à tableau, et il voit ensuite qu'il se rapporte à Rubens. Cette équivoque est momentanée; elle est levée sur-le-champ, mais enfin c'est une équivoque, et les constructions ne sont jamais plus nettes, que lorsque le rapport indiqué par ce qui précède, n'est jamais changé par ce qui suit.

C'est un effet de la providence divine qui est conforme à ce qui a été prédit : c'est un effet de la providence divine, qui veille sur nous. Voilà deux constructions, sur lesquelles les grammairiens ont beaucoup disserté, Dans la première, qui est conforme se rapporte à effet, comme il doit s'y rapporter ; car si on disoit, sans achever la phrase: c'est un effet de la providence divine qui, on rapporteroit naturellement qui à effet, plutôt qu'à providence divine; parce que ce mot est celui sur lequel l'attention s'arrêt plus particulièrement. On est prévenu qu'un effet est l'idée principale dont on va s'occuper et celle par conséquent qui sera modifiée. Quand ensuite on lit de la providence

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