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pire de Zénobie, ni des guerres qu'elle

avoit soutenues virilement contre une nation puissante, ni de la mort de son mari. Car ces circonstances ne contribuent pas à donner une plus grande idée du palais qu'elle a bâti. Si, au contraire, le règne de cette princesse avoit été plus paisible on auroit pu supposer qu'elle en auroit fait de plus grandes dépenses en bâtimens, et il n'eût pas été hors de propos de le remarquer. Il semble donc que la Bruyère ne prévoie pas ce qu'il va dire, lorsqu'il commence ainsi.

Ni les troubles, Zénobie, qui habitent votre empire, ni la guerre que vous avez soutenue virilement contre une nation. puissante depuis la mort du roi votre époux, ne diminuent rien de votre magnificence. Vous avez préféré à toute autre contrée les rives de l'Euphrate pour y élever un superbe édifice, etc.

Il faut considérer une pensée composée comme un tableau bien fait, où tout est d'accord. Soit que le peintre sépare ou groupe les figures, qu'il les éloigne ou les rapproche, il les lie toutes par la part.

qu'elles prennent à une action principale. Il donne à chacune un caractère; mais ce caractère n'est développé que par les accessoires qui conviennent aux circonstances. Il n'est jamais occupé d'une seule figure; il l'est continuellement du tableau entier; il fait un ensemble où tout est dans une exacte proportion. Venons à des modèles.

Turenne s'exerçoit aux vertus civiles : En montrant, d'un côté, les circonstances où ce général s'exerçoit aux vertus civiles, et de l'autre, les qualités qu'il apportoit à cet exercice, cette pensée se développera, et les parties seront parfaitement liées. C'est ce que Fléchier a fait.

C'est alors que dans le doux repos d'une condition privée, ce prince se dépouillant de toute la gloire qu'il avoit acquise pandant la guerre, et se renfermant dans une société peu nombreuse de quelques amis choisis, s'exerçoit sans bruit aux vertus civiles: sincère dans ses discours, simple dans ses actions, fidèle dans ses amitiés, exact dans ses devoirs, réglé dans ses desirs, grand même dans les moindres choses.

Vous prendriez, Monseigneur, une fausse idée de Despréaux, si vous n'en jugiez que par les passages que j'ai rapportés. Il mérite souvent d'être étudié un modèle. Mais comme nous

comme

avons déjà lu de ses ouvrages, et que nous en lirons encore, je ne vous en donnerai, le présent, qu'un seul exemple que

pour

vous reconnoîtrez.

Il s'agit d'un chanoine qui repose dans un bon lit.

Dans le réduit obscur d'une alcôve enfoncée, S'élève un lit de plume, à grands fras amassée; Quatre rideaux pompeux, par un double contour, En défendent l'entrée à la clarté du jour:

Là, parmi les douceurs d'un tranquille silence, Règne sur le duvet une heureuse indolence.

Souvent les idées se développent et se

lient par
explique cette pensée :

le contraste; c'est ainsi que Bossuet

Carthage fut soumise à Rome.

Annibal fut battu, et Carthage, autrefois maîtresse de toute l'Afrique, de la mer Méditerranée, et de tout le commerce de l'univers, fut contrainte de subir le joug que Scipion lui imposa.

La Bruyère développe aussi, par des contrastes, l'amour du peuple pour les nouvelles de la guerre.

Le peuple, paisible dans ses foyers, au milieu des siens, et dans le sein d'une grande ville, où il n'a rien à craindre ni pour ses biens, ni pour sa vie, respire le feu et le sang, s'occupe de guerre, de ruine, d'embrasement et de massacre souffre impatiemment que des armées qui tiennent la campagne, ne viennent pas à se rencontrer.

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En voilà assez pour vous faire connoître avec quel discernement on doit modifier les différentes parties d'un discours. Il nous reste à examiner le caractère des tours dont on peut faire usage.

VOUS

CHAPITRE I I.

Des tours en général.

ous avez vu dans le premier livre comment on peut rendre une pensée considérée en elle-même, et sans égard aux différentes manières dont elle peut être modifiée. Mais, si cette pensée est employée dans des circonstances différentes, elle devient susceptible de différens accessoires; et puisqu'elle change, il faut que le langage change comme elle. Tout l'art consiste, d'un côté, à la saisir avec tous ses rapports; et de l'autre, à trouver dans la langue des expressions qui peuvent la développer avec toutes ses modifications.

On ne se contente pas dans un discours. de parcourir rapidement la suite des idées principales; on s'arrête, au contraire, plus ou moins sur chacune; on tourne pour ainsi dire autour, pour saisir les points de vue sous lesquels elles se développent et se lient les unes aux autres. Voilà pourquoi

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