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et qui prédit infailliblement la chûte prochaine des empires, du fond du tonneau où il prèche, et qu'il croit avoir appartenu autrefois à Diogène. Les étonnants progrès de l'impératrice Catherine II, et de la nation russe, sont une preuve assez forte que Pierrele Grand a bâti sur un fondement ferme et durable.

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Il est même de tous les législateurs, après Mahomet, celui dont le peuple s'est le plus signalé après lui. Les Romulus et les Thésée n'en approchent pas.

Une preuve assez belle qu'on doit tout en Russie à Pierre-le-Grand, est ce qui arriva dans la cérémonie de l'action de grâces rendues à Dieu, selon l'usage, dans la cathédrale de Petersbourg, pour la victoire du comty d'Orloff qui brûla la flotte ottomane toute entière, en 1770.

Le prédicateur, nommé Platon, et digne de ce nom, passa, au milieu de son discours, de la chaire où il parlait, au tombeau de Pierre-le-Grand, et embrassant la statue de ce fondateur: »C'est toi, dit-il, qui às rem»porté cette victoire, c'est toi qui as construit >parmi nous le premier vaisseau, etc. etc.« Ce trait que nous avons rapporté ailleurs, et qui charmera la postérité la plus reculée, est, comme la conduite de plusieurs officiers russes, un exemple du sublime.

Un comte de Schouwaloff, chambellan de l'impératrice Elisabeth, l'homme de l'empire peut-être le plus instruit, voulut, en 1759,

communiquer à l'historien de Pierre le: documents authentiques nécessaires, et on n'a écrit que d'apres eux.

§. II. Le public a quelques prétendues histoires de Pierre-le-Grand; la plupart ont été composées sur des gazettes. Celle qu'on a donnée à Amsterdam, en quatre volumes, sous le nom du boyard Nestesuranoy, est une de ces fraudes typographiques trop communes. Tels sont les Mémoires d'Espagne sous le nom de don Juan de Colmenar, l'Histoire de Louis XIV, composée par le jésuite la Motte sur de prétendus Mémoires d'un ministre d'état, et attribuée à La Martinière; telles sont l'Histoire de l'empereur Charles VI, et celle du prince Eugene, et tant d'autres..

C'est ainsi qu'on a fait servir le bel art de l'imprimerie au plus méprisable des cómmerces. Un libraire de Hollande commande un livre comme un manufacturier fait fabriquer des étoffes; et il se trouve malheureu sement des écrivains que la nécessité force de vendre leur peine à ces marchands, comme des ouvriers à leurs gages; de là tous ces insipides panégyriques et ces libelles diffamatoires dont le public est surchargé c'est un des vices les plus honteux de notre siècle.

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Jamais l'histoire n'eut plus besoin de preuves authentiques que dans nos jours, où l'on trafique si insolemment du mensonge. L'auteur qui donne au public l'Histoire de l'empire de Russie sous Pierre-le-Grand, est le même qui écrivit, il y a trente ans, l'Histoiré

de Charles XII, sur les mémoires de plusieurs personnes publiques, qui avaient long-temps vécu auprès de ce monarque. La présente histoire est une confirmation et un supplément de la première.

On cé croit obligé ici, par respect pour le public et pour la vérité, de mettre au jour un témoignage irrécusable, qui apprendra quelle foi on doit ajouter à l'Histoire de Charles XII.

Il n'y a pas long-temps que le roi de Pologne, duc de Lorraine, se faisait relire cet ouvrage, à Commerci; il fut si frappé de la vérité de tant de faits dont il avait été le témoin, et si indigné de la hardiesse avec Jaquelle on les a combattus dans quelques libelles et dans quelques journaux, qu'il voulut fortifier, par le sceau de son témoignage, la croyance que mérite l'historien; et que, ne pouvant écrire lui-même, il ordonna à un de ses grands officiers d'en dresser un acte authentique *).

Cet acte envoyé à l'auteur lui causa une surprise d'autant plus agréable qu'il venait d'un roi aussi instruit de tous ces évènements que Charles XII lui-même, et qui d'ailleurs est connu dans l'Europe par son amour pour le vrai, autant que par sa bienfaisance.

On a une foule de témoignages aussi incontestables sur l'Histoire du Siècle de

* Il est imprimé au-devant de l'Histoire de' Charles XII.

Louis XIV, ouvrage non moins vrai et non moins important, qui respire l'amour de la patrie, mais dans lequel cet esprit de patriotisme n'a rien dérobé à la vérité, et n'a jamais ni outré le bien, ni déguisé le mal; ouvrage composé sans intérêt, sans crainte et sans espérance, par un homme que sa situation met en état de ne flatter personne.

Il y a peu de citations dans le Siècle de Louis XIV, parce que les évènements des premières années, connus de tout le monde, n'avaient besoin que d'être mis dans leur jour, et que l'auteur a été témoin des derniers. Au contraire, on cite toujours ses garants dans l'Histoire de l'empire de Russie, et le premier de ces témoins c'est Pierre-le-Grand lui-même.

§. II. On ne s'est point fatigué, dans cette histoire de Pierre-le-Grand, à rechercher vainement l'origine de la plupart des peuples qui composent l'empire immense de Russie, depuis le Kamtchatka jusqu'à la mer Baltique. C'est une étrange entreprise de vouloir prouver, par les pièces authentiques, que les Huns vinrent autrefois du nord de la Chine en Sibérie, et que les Chinois euxmêmes sont une colonie d'Egyptiens. Je sais que des philosophes d'un grand mérite ont cru voir quelque conformité entre ces peuples; mais on a trop abusé de leurs doutes; on a voulu convertir en certitude leurs conjectures.

Voici, par exemple, comme on s'y prend aujourd'hui pour prouver que les Egyptiens

sont les pères des Chinois. Un ancien a compté que l'Egyptien Sésostris alla jusqu'au Gange; or, s'il alla vers le Gange, il put aller à la Chine, qui est très-loin du Gange; done il y alla: or la Chine alors n'était point peuplée; il est donc clair que Sésostris la peupla. Les Egyptiens dans leurs fêtes allumaient des chandelles; les Chinois ont des lanternes; dont on ne peut douter que les Chinois ne soient une colonie d'Egypte.

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De

plus, les Egyptiens ont un grand fleuve; les Chinois en ont un. Enfin il est evident que les premiers rois de la Chine ont porté les noms des anciens rois d'Egypte: car dans le nom de la famille Yu, on peut trouver les caractères qui, arrangés d'une autre façon, forment le mot Menès. Il est donc incontestable que l'empereur Yu prit son nom de Menes, roi d'Egypte, et l'empereur Ki est évidemment le roi Atoës, eu changeant k en a, et i en toës.

Mais si un savant de Tobolsk ou de Pékin avait lu quelqu'un de nos livres, il pourrait prouver bien plus démonstrativement que nous venons des Troyens. Voici comme il pourrait s'y prendre et comme il étonnerait son pays par ses profondes recherches. Les livres les plus anciens, dirait-il, et les plus respectés dans le petit pays d'occident, nommé France, sont les romans; ils étaient écrits dans une langue pure, dérivée des anciens Romains qui n'ont jamais menti. Or, plus de vingt de ces livres authentiques, déposent que Francus,

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