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EUDAMIDA S.

que

Vous ne m'en dites que trop. Ce sont ces sentimens-là j'aurois achetés de tout mon sang, et je n'ai pu les obtenir; ils sont pour un autre qui ne les a pas si bien mérités. Philonoé, vous que j'adore, vous me rendez le plus malheureux homme qui soit sur la terre.

PHILON O É.

Que je me repens de vous avoir parlé comme j'ai cru le devoir ! Pourquoi me suis-je abondonnée à ma funeste sincérité naturelle ?

EUDA MIDA S.

Tout ce qui vient de vous a un si grand charme pour moi, que je vous rends grace de cette sincérité, toute cruelle qu'elle est. Je ne puis m'empêcher de vous la compter pour un mérite. Mais poussez-là jusqu'au bout, dussé-je en mourir. Avez-vous quelque engagement avec Démocède ?

PHILON O É.

Aucun. Je l'ai seulement écouté, parce que ni vous, ni ma mère vous ne désapprouviez pas qu'il me vît; et que d'ailleurs ma mère me disoit que vous pourriez bien ne pas user de vos droits sur moi.

Et si j'en use?

EUDAM I DA S.

Vous sentez donc bien qu'il seroit trop dangereux pour vous de le voir ? voilà ce qui fait ma peine mortelle. Il y auroit quelqu'un que votre devoir me sacrifieroit, mais que votre cœur ne me sacrifieroit pas. Je n'en puis soutenir la pensée.

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PHILON o í.

Et moi je ne puis soutenir la vue de votre douleur. Quoi! pour récompense de l'amitié qui vous lioit à mon père, et que vous avez fait éclater après sa mort plus généreusement que jamais, pour récompense des bienfaits dont vous nous comblez, ma mère et moi, ce sera moi qui ferai le malheur de votre vie? Non, vous êtes maître de ma destinée, et je suis ravie que vous le soyiez. Parlez que voulez-vous que je fasse ?

EUD AM I DA S.

Hélas! ce que je voudrois n'est plus en votre pouvoir. Plaignez-moi, Philonoé, puisque vous ne pouvez rien de plus; vous ne sauriez mieux placer votre pitié que sur le malheureux Eudamidas.

PHILO NO É.

Ah! je vous dois bien plus qu'une pitié inutile. Je ne puis rien faire de plus conforme à vos intentions et à vos desirs, que de ne plus voir Démocède. J'y renonce absolument.

EUDA MIDA S.

Non, non ; je vous tyranniserois, ou du moins ce seroit votre reconnoissance, votre situation qui vous tyranniseroit au lieu de moi. Apprenez combien je suis éloigné de vouloir de vous un sentiment forcé, ni vous contredire sur rien. Je vais vous mettre dans un état dont je connois bien tout le péril pour moi : mais il n'importe, si je ne suis pas heureux, vous le serez. Je me dépouille de tout le droit que me donne le testament, et je vous laisse une liberté entière de choisir entre Démocède et moi.

PHILO NO É.

Je ne l'accepte point; je veux être toujours soumise aux dernières volontés de mon père.

EUDA MIDA S.

Vous l'accepterez: c'est le seul acte d'autorité que j'exercerai sur vous. Je vous demande seulement de prendre un peu de temps pour comparer l'amour de Démocède au mien, et pour bien choisir. N'appréhendez point mes reproches; je mourrai sans vous en faire. Adieu, Philoadieu.

noé,

PHILO NO É.

Ah! Eudamidas!...

EUDA MIDA S.

Je fais une réflexion. Vous ne craignez pas apparemment que si vous choisissez Démocède, je n'use du droit que j'aurois de vous laisser sans bien ?

PHILO NO É.

Grands Dieux que cette crainte étoit éloignée de me tomber dans l'esprit, et que j'étois occupée de sentimens bien différens !

EUD AM I DA S.

Elle eût été bien injuste. Si vous choisissez Démocède, je vous promets pour dot la moitié de mon bien.

PHILO NO É.

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Je ne puis vous parler; les larmes m'ôtent l'usage de la voix laissez-moi les aller cacher.

Je n'entends que trop ces larmes vous voudriez que rival vous aimât autant.

mon

ACTE I V.

SCENE I.

DÉMOCÈDE, I DA S.

DÉMOCÈDE.

CROIS-MOI, Idas ; il n'y a que les affaires des sots qui vont mal. Pour les miennes, elles sont si bien conduites, que je parierai hardiment pour le succès.

I DA S.

Seigneur, je ne saurois m'empêcher de vous croire mal posté entre ces deux femmes : quelque grand capitaine que vous soyiez, le poste est trop dangereux.

DÉMOCÈDE.

J'ai fort adroitement rassuré Ericlée ; j'engage toujours de plus en plus Philonoé, qui m'aime assurément plus qu'elle ne pense. Que crains-tu ?

I DA S.

Je crains deux femmes que vous entreprenez à la fois et sous les yeux l'une de l'autre. Alcibiade, le chef, le maître, le coriphée des fripons en amour ne s'en fût pas tiré.

DEMOCÈDE.

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Tu m'animes en me rappellant un si grand nom. Je vois venir Ericlée: demeure, et je vais tâcher de te donner des traits d'Alcibiade,

SCÈNE.

SCÈNE I I.

DEMOCÈDE, ÉRICLÉE, IDAS.

ERICLÉ E.

J'ESPÈR RE, Démocède, que vous allez être content de moi vous m'avez entièrement guérie de mes soupçons, et je ne vous en fatiguerai plus.

DÉMOCÈ DE.

Ah! Madame, que je suis heureux que vous me rendiez enfin justice! Je ne vivois pas pendant que j'étois incertain de la manière dont vous pensiez sur moi.

É RICLE E.

On est sujette à prendre des défiances de ceux précisément dont on voudroit être le plus sûre; et même plus ils sont aimables, plus on s'en défie. Mais à la fin on revient, et on est bien-aise d'en revenir.

DEMOCE D E.

Madame, c'est cette disposition-là, c'est ce plaisir de revenir, dont je ne puis assez vous rendre graces, et qui fait toute ma félicité.

ERICLE E.

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Pour vous prouver combien je suis revenue, je vais Vous conter ce qui s'est passé entre mon frère et moi. Il étoit résolu, comme je vous ai dit tantôt, à épouser Philonoé je ne sais ce qui est venu à la traverse: mais il a cru que vous étiez amoureux d'elle, et sa résolution étoit fort ébranlée. Là-dessus, je l'ai parfaitement rassuré : je lui ai dit- que vous étiez constant pour moi, que votre attachement étoit fidèle, enfin tout ce que vous m'eussiez Tome IV.

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