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ne tromperez ni vous ni les autres. Si jamais vos talens cultivés vous mettent en

le despotisme c'est la tranquillité de la mort; elle est plus destructive que la guerre même.

Ainsi, le fanatisme, quoique plus fuueste dans ses effets immédiats que ce qu'on appelle aujourd'hui l'esprit philosophique, l'est beaucoup moins dans ses conséquences. D'ailleurs, il est aisé d'étaler de belles maximes dans des livres; mais la question est de savoir si elles tjennent bien à la doctrine, si elles en découlent nécessairement; et c'est ce qui n'a point paru clair jusqu'ici. Reste à savoir encore si la philosophie, à son aise et sur le trône, commanderoit bien à la gloriole, à l'intérêt, à l'ambition, aux petites passions de l'homme, et si elle pratiqueroit cette humanité si douce qu'elle nous vante Ja plume à la main.

Par les principes, la philosophie ne peut faire aucun bien, que la religion ne le fasse encore mieux, et la religion en fait beaucoup, que la philosophie ne sauroit faire.

Par la pratique, c'est autre chose; mais encore fautil examiner. Nul homme me suit de tout point sa religion, quand il en a une; cela est vrai: la plupart n'en ont guère, et ne suivent point du tout celle qu'ils ont; cela est encore vrai ; mais enfin, quel jues-uns en ont" une, la suivent. du moins en partie, et il est indubitable que des motifs de religion les empêchent souvent de mal faire, et obtiennent d'eux des vertus, des actions louables, qui n'auroient point eu lieu sans ces motifs.

Qu'un moine nie un dépôt, que s'ensuit-il, sinou

état de parler aux hommes, ne leur parlez jamais que selon votre conscience, sans

qu'un sot le lui avoit confié ? Si Pascal en eût nié un cela prouveroit que Pascal étoit un hypocrite, et rien de plus. Mais un moine !... Les gens qui font trafic de la religion sont-ils donc ceux qui en ont? Tous les crimes qui se font dans le clergé, comme ailleurs, ne prouvent point que la religion soit inutile, mais que très-peu de gens ont de la religion.

Nos gouvernemens modernes doivent incontestable. ment au christianisme leur plus solide autorité, et leurs révolutions moins fréquentes; il les a rendus eux-mêmes moins sanguinaires: cela se prouve par le fait, en les comparant aux gouvernemens anciens. La religion mieux connue, écartant le fanatisme, a donné plus de douceur aux mœurs chrétiennes. Ce changement n'est point l'ou vrage des lettres, car partout où elles ont brillé, l'humanité n'en a pas été plus respectée; les cruautés des Athéniens, des Egyptiens, des empereurs de Rome, des Chinois, en font foi. Que d'oeuvres de miséricorde sont l'ouvrage de l'Evangile! Que de restitutions, de réparations, la confession ne fait-elle point faire chez les catholiques! Chez nous, combien les approches des temps de communion n'opèrent-elles point de réconci liations et d'aumônes ? Combien le jubilé des Hebreux ne rendoit-il pas les usurpateurs moins avides? misères ne prévenoit-il pas ? la fraternité légale unissoit toute la nation; on ne voyoit pas un mendiant chez eux: en n'en voit pas non plus chez les Tures, où les fonda

que

de

vous embarrasser s'ils vous applaudiront. L'abus du savoir produit l'incrédulité.

tions pieuses sont innombrables. Ils sont, par principe de religion, hospitaliers, même envers les ennemis de leur culte.

« Les Mahometans disent, selon Chardin, qu'après » l'examen qui suivra la résurrection universelle, tous << les corps iront passer un pont appellé Poulo Serrho

qui est jeté sur le feu éternel, pont qu'on peut appeler, disent-ils, le troisième et dernier examen, le vrai jugement final, parce que c'est là où se fera la séparation des bons d'avec les méchans..... etc.

Les Persans, poursuit Chardin, sont fort infatués n de ce pont, et lorsque quelqu'un souffre une injure dont, par aucune voie ni dans aucun temps, il ne peut avoir raison, sa dernière consolation est de dire: Eh »bien , par le Dieu vivant, tu me le paieras au double nau dernier jour; tu ne passeras point le Poul-Serrho, que tu ne me satisfasses auparavant : je m'attacherai nau bord de ta veste, et me jetterai à tes jambes. J'ai » va beaucoup de gens éminens, et de toutes sortes de professions, qui, appréhendant qu'on ne crit ainsi karo sur eux, au passage de ce pont redoutable, sollicitoient ceux qui se plaignoient d'eux, de leur pardonner cela m'est arrivé cent fois à moi même. Des gens de qualité qui m'avoient fait faire, par importuvnité, des démarches autrement que je n'eusse voulu, m'abordoient au bout de quelque temps, qu'ils pen"soient que le chagrin en étoit passé, et me disoient.

Tout savant dédaigne le sentiment vulgaire chacun en veut avoir un à soi. L'orgueilleuse philosophie mène à l'esprit fort, comme l'aveugle dévotion mène au fanatisme. Evitez ces extrémités; restez toujours ferme dans la voie de la vérité, ou de ce qui vous paroîtra l'être dans la

»Je te prie, halal becon antchisra, c'est-à-dire, rends» moi cette affaire licite ou juste. Quelques uns même >> m'ont fait des présens et rendu des services, afin que » je leur pardonnasse en déclarant que je le faisois de >> bon cœur ; de quoi la cause n'est autre que celle créance, >> qu'on ne passera point le pont de l'enfer qu'on n'ait >> rendu le dernier quatrin à ceux qu'on a oppressé. >> T. 7, in-12, pag. 50. »

Croirai je que l'idée de ce pont, qui répare lant d'iniquités, n'en prévient jamais? Que si l'on ôtoit aux Persans celle idée, en leur persuadant qu'il n'y a ni PoulSerrho ni rien de semblable, où les opprimés soient venclair n'est-il pas que gés de leurs tyraus après la mort, cela mettroit ceux-ci fort à leur aise, et les délivreroit du soin d'appaiser ces malheureux? Il est donc faux que celte doctrine ne fut pas nuisible; elle ne seroit donc pas la vérité,

Philosophe, tes lois morales sont fort belles; mais montre m'en, de grace, la sanction. Cesse un moment de baltre la campagne, et dis-moi neticment ce que in mels à la place da Poul-Serrho.

simplicité de votre cœur, sans jamais vous en détourner par vanité ni par foiblesse, Osez confesser Dieu chez les philosophes; osez prêcher l'humanité aux intolérans. Vous serez seul de votre parti, peut-être; mais vous porterez en vous-même un témoignage qui vous dispensera de ceux des hommes. Qu'ils vous aiment ou vous haïssent, qu'ils lisent ou méprisent vos écrits, il n'importe. Dites ce qui est vrai, faites ce qui est bien; ce qui importe à l'homme est de remplir ses devoirs sur la terre, et c'est en s'oubliant qu'on travaille pour soi. Mon enfant, l'intérêt particulier nous trompe; il n'y a que l'espoir du juste qui ue trompe point,

AMEN.

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J'AI transcrit cet écrit, non comme une règle des sentimens qu'on doit suivre en matière de religion, mais comme un exemple de la manière dont on peut raisonner avec son élève, pour ne point s'écarter de la méthode que j'ai tàché d'établir. Tant qu'on ne donne rien à l'autorité des hom

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