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c'en est fait d'ellle et de son autorité. Dès ce moment, pouvoir revient à un seul et un essai de monarchie a lier. L'Assembléc frappe donc de son côté; et aux destitutions du président elle répond par une décision qui le prive de ses ministres. Mais comment obtient-elle ce vote? Par le concours des Montagnards, par l'assistance de ceux qui mènent l'Etat à sa ruine. En supposant donc qu'elle sorte victorieuse de cette lutte, elle sera condamnée à s'appuyer sur le parti anarchique; et dans ce cas, à quoi faut-il s'attendre ou plutôt à quoi ne faut-il pas s'attendre? La prétendue république sera alors en réalité le despotisme tribunitien. Si au contraire elle succombe et que le président, encouragé par la lassitude où par l'indifférence générale, parvienne à la chasser, l'empire est fait, comme dit encore M. Thiers; mais quel empire, et quel empereur! Certes, ce ne sera pas un semblable monarque qui tuera la révolution et qui pourra arrêter le mouvement imprimé à la société par les principes destructeurs, qui sont dans les esprits et dans la législation.

Mais c'est égal. Il n'en est pas moins évident que, par la seule force des choses, on marche vers le gouvernement d'un seul et que la souveraineté populaire est de nouveau déclarée une chimère et une absurdité.

Et il est remarquable que la Belgique, qui a en apparence résisté à la révolution en conservant sa royauté constitutionnelle, soit aussi entraînée dans ce moment, et qu'en obéissant à une sorte de mouvement régulier, elle ne laisse pas d'avancer dans la voie dangereuse où elle s'est engagée. Plus loin, nous raconterons les faits; ici, nous dirons ce qu'ils signifient; et, pour finir, nous nous bornerons à une courte réflexion.

Dans notre ministère exclusivement libéral, les éléments ne sont pourtant pas homogènes. Les hommes du progrès auront beau faire, ils n'auront pas l'unité. Il est impossible que ce qui est changeant et mobile par principe de vie, présente un point fixe, et que les esprits qui ont cette nature, se rencontrent et soient parfaitement d'accord. L'un marche plus vite que l'autre, et tel voudroit s'arrêter pendant que l'autre avance toujours.

Les discussions sur le budget de la guerre ont fait éclater cette différence d'opinions et de vues, et le banc ministériel s'est divisé. Dans cet embarras, le cabinet a dû s'adresser au Roi et le prier d'aviser.

On croyoit à une démission véritable, à un changement

de ministère. Des gens simples s'imaginoient même qu'on alloit revenir à une organisation mixte... C'étoit mal connoître notre situation et le principe qui nous entraîne.

La crise s'est terminée et a dû se terminer par la victoire de l'élément actif sur l'élément qui résiste. M. le ministre de la guerre a dû se retirer'; et ses collègues, pour être moins gênés ou faute d'un général complaisant, ne l'ont pas remplacé.

C'est une difficulté de moins sans doute. Mais les ministres qui restent, ne sont pas au terme de leur embarras, et d'autres cas se présenteront où la division éclatera. Peu-à-peu, ceux qui ont le plus d'énergie et de vigueur l'emporteront, et nous sommes destinés à subir leurs expériences. Résignons-nous d'avance...

dabit Deus his quoque finem.

NOUVELLES

ECCLÉSIASTIQUES ET POLITIQUES.

Belgique. Dans la séance du 17 janvier de la Chambre des Représentants, M. Brialmont, ministre de la guerre, se prononça catégoriquement sur le budget de son département et fit connoître en termes clairs et précis son refus de coopérer en quoi que ce soit à une réorganisation de l'armée, dans les circonstances

où nous sommes.

« Il faut, messieurs, dit-il, et au nom de ma vieille expérience militaire je vous en conjure, il faut que les armes que vous met tez dans les mains des troupes qui ont mission de veiller à votre repos, à votre sécurité, soient portées par des hommes dont le moral soit haut placé; sans cette condition, vous ne devez vous attendre qu'à de fàcheux résultats. Il est pénible de l'avouer, messieurs, mais permettez-moi de vous le dire, il est bien difficile de conserver à l'armée toutes les illusions qui lui donnent le goût de sa noble profession, tout le prestige qui lui fait accomplir des actes de valeur, si son existence est agitée d'une manière trop méticuleuse, chaque fois qu'on discute le budget de la guerre. En France, en Angleterre, en Hollande, où l'armée est soumise au système constitutionnel comme en Belgique, la discussion du budget de la guerre est loin de présenter des tiraillements de la nature de ceux qui se manifestent chez nous. Je sais, messieurs, que c'est un droit que personne ne peut songer à vous

contester, et que, pour mon compte, je respecte profondément. Mais, si l'opinion et l'expérience d'un homme de guerre, qui sert son pays depuis 45 ans et qui a passé, non sans de grandes vicissitudes, par les rangs de la hiérarchie militaire, peuvent avoir quelque influence sur vos décisions, je vous dirai, messieurs, avec une bien profonde conviction, que vous rendriez un immense service à l'armée et par conséquent au pays, en donnant aux lois qui la régissent une apparence de durée que l'on ne paroît pas vouloir leur accorder aujourd'hui. Ces convictions sont si intimes chez moi, messieurs, que je croirois manquer à mes engagements et faire un acte blámable en accédant à une proposition de réorganiniser notre armée dans un moment aussi mal choisi et alors qu'on ne peut lui faire aucun reproche.

» Mais, en ne me ralliant pas à une proposition contraire à ma pensée, contraire aux intérêts nationaux, je ne veux apporter aucune perturbation dans les affaires du pays; je ne veux pas soulever à ce sujet une question de cabinet; je me contenterai de vous déclarer tout simplement, messieurs, que ma rés‹lution, dans le cas où les idées que je professe ne seroient pas adoptées par la chambre, se réduira au simple abandon d'un portefeuille; je suis arrivé seul, je partirai seul, mais en laissant l'armée entière et en y conservant, je l'espère. l'estime de mes camarades que je préfère a tous les honneurs du monde. »

Après cette déclaration franche et noble, le doute n'étoit plus permis et le ministère étoit forcé de s'expliquer.

En conséquence, M. Frère-Orban, ministre des finances, se leva et donna les éclaircissements suivants :

« Le nouvel incident qui se produit exige de notre part des explications nettes et catégoriques. Lorsque par suite de la retraite du précédent ministre de la guerre, le cabinet s'est trouvé dans la nécessité de se compléter, il avoit à examiner une question grave, qui n'étoit pas définitivement résolue, qui n'étoit qu'ajournée. L'attitude de la Chambre, lors des précédentes discussions du budget de la guerre, l'imposante minorité qui s'étoit manifestée sur le chiffre du budget de la guerre, sur le chiffre seulement (car nul n'a l'intention de désorganiser l'armée, toute imputation contraire est calomnieuse, je la repousse); l'attitude de la Chambre donc, la minorité toujours croissante, appeloient la sérieuse attention du gouvernement. En se reconstituant, le cabinet conservoit invariablement la ferme conviction qu'il faut au pays une armée respectable, que le pays en a besoin et pour sa tranquillité intérieure, et pour sa défense éventuelle contre des dangers extérieurs; mais il crut aussi qu'il étoit devenu indispensable de se livrer à un examen sincère, loyal de toutes les questions relatives à notre établissement militaire.

» Messieurs, le cabinet ne s'est pas posé, je dois le dire, une

misérable question d'argent. Non, il avoit à résoudre une difficulté beaucoup plus grave que celle-là. Quelque importance que puissent avoir les considérations financières, je les mets au-dessous des questions qui intéressent la dignité, l'honneur, l'indédance du pays. Nous avions à examiner, Messieurs, si le gouvernement seroit ou non possible. Il s'agissoit de savoir si l'on devoit persister à accepler un appui équivoque, dangereux de la part d'une partie de cette Chambre et diviser une grande opinion. Nous nous sommes demandé ce qu'il conviendroit de faire en pareilles circonstances. Nous avions devant nous un budget de la guerre ramené déjà par des hommes en qui vous aviez assurément confiance, à 26,689,000 frs. Ce budget ramené à 26,689,000 frs, comprenoit trois ou quatre cent mille francs au moins de dépenses extraordinaires, d dépenses qui ne doivent pas se perpétuer. L'examen se réduisoit donc à rechercher si sur l'ensemble des crédits du budget de la guerre, on pouvoit lentement, graduellement, prudemment, en prenant un temps assez long, trouver une économie de treize ou quatorze cent mille francs, afin de réduire le budget à ce chiffre de 25 millions qui pouvoit être pour tout le monde, 'qui pouvoit être pour tous nos amis une conciliation honorable, et qui ne devoit en aucun cas compromettre la solidité de l'armée. D'accord sur cette pensée et voulant rechercher loyalement les moyens de la réaliser, nous nous sommes adressés à M. le ministre de la guerre actuel par lettre du 9 août 1850, qui est ainsi conçue:

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« Mon cher général,

« Bruxelles, le 9 août 1830.

>> Nous avons besoin pour le ministère de la guerre d'un homme éprouvé et qui inspire une confiance entière au pays et à l'armée.

» Les membres du cabinet pensent qu'il faut à la Belgique une armée fortement organisée et suffisante pour faire face à toutes les éventualités. Rien de plus important à leurs yeux que de voir cette institution assise sur des bases stables et définitives. Ce seroit rendre un grand service que de résoudre, pour n'y plus revenir, les difficultés que soulève chaque année la discussion du budget de la guerre.

« Les hommes les plus considérables de la chambre que nous avons consultés ont été d'avis qu'au moyen d'une réduction relativement minime et successive, on obtiendroit sur cette question une majorité très-unie et pour longtemps immuable. Il ne s'agiroit pour cela que d'arriver au chiffre de 25 millions, en réduisant de 450,000 frs par année le chiffre actuel du budget, soit 1,800,000 frs en trois ans.

«Il est bien entendu qu'en cas d'événements graves,

soit à

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l'intérieur, soit à l'extérieur, le cabinet n'hésiteroit pas à faire toutes les dépenses extraordinaires que nécessiteroient les circonstances. Nous raisonnons dans l'hypothèse d'une situation normale, et pour une telle situation, nous vous posons, cher général, les deux questions suivantes :

mon

«Est-il possible d'opérer, en 3 ans, une réduction de 1,300,000 fr. sans affecter la force organique de l'armée? Seriez-vous disposé à prendre l'engagement d'opérer une telle réduction, réserve faite des événements dont j'ai parlé plus haut?

>> Je n'ai pas besoin de vous dire, mon cher général, combien il nous seroit agréable, à nos collègues et à moi, de vous voir entrer dans les vues dont la réalisation seroit, à nos yeux, le plus sûr, le seul moyen peut-être, de sauvegarder dans l'avenir l'insti

tution de l'armée.

Nous avons eu à ce sujet, avec quelques officiers généraux, des conversations purement officieuses et sans conclusion. Quoi qu'en aient dit certains journaux, il n'y a pas eu de refus de concours de leur part, par la simple raison qu'il n'y a pas eu 'd'offre directe et officielle de la nôtre.

» Recevez, mon cher général, la nouvelle assurance de mes sentiments affectueux.

CH. ROGIER.»

M. le ministre de la guerre, qui étoit alors au camp de Beverloo, répondit, le 10 août, en ces termes :

"

« M. le ministre,

Camp de Beverloo, le 10 août 1830.

» J'ai reçu la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'adresser le 9 de ce mois et par laquelle vous voulez bien au nom du cabinet, m'exprimer le désir de me voir accepter les fonctions de ministre de la guerre.

« Vous m'écrivez, M. le ministre, que « les membres du cabi» net pensent qu'il faut à la Belgique une armée fortement orga»nisée et suffisante pour faire face à toutes les éventualités. »

D'un autre côté, vous me faites connoître que, dans l'opinion du cabinet, certaines réductions sur le chiffre du budget de la guerre sont indispensables pour que le sort de l'armée ne soit pas remis en question chaque année et vous m'indiquez quel devroit être, d'après vos honorables collègues, le montant de ces réductions au bout de trois années.

» Vous comprendrez, M. le ministre, que, pris comme je le suis à l'improviste, il ne m'est pas possible de répondre d'une manière catégorique aux deux questions que vous avez bien voulu me poser à cet égard; mais par dévouement pour le Roi et pour le pays, je suis disposé à prendre part aux travaux du cabinet, et à entrer dans les vues que vous n'avez exposées, pour autant qu'un

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