Et quant au berger l'on peut dire Qu'il était digne de tous maux, Étant de ces gens-là qui sur les animaux Se font un chimérique empire." Ainsi dit le renard; et flatteurs d'applaudir. Du tigre, ni de l'ours, ni des autres puissances, 40 45 Tous les gens querelleurs, jusqu'aux simples mâtins, Qu'en un pré de moines passant, La faim, l'occasion, l'herbe tendre, et, je pense, Je tondis de ce pré la largeur de ma langue; 50 55 Un loup, quelque peu clerc, prouva par sa harangue Qu'il fallait dévouer ce maudit animal, Ce pelé, ce galeux, d'où venait tout leur mal. Sa peccadille fut jugée un cas pendable. Manger l'herbe d'autrui! quel crime abominable! 60 D'expier son forfait. On le lui fit bien voir. Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. LXX.-L'ALOUETTE ET SES PETITS, AVEC LE MAÎTRE D'UN CHAMP. Ne t'attends qu'à toi seul; c'est un commun proverbe. Voici comme Ésope le mit En crédit : Les alouettes font leur nid Dans les blés quand ils sont en herbe, Que tout aime et que tout pullule dans le monde, Tigres dans les forêts, alouettes aux champs. Avait laissé passer la moitié d'un printemps Pour voler et prendre l'essor, De mille soins divers l'alouette agitée "Si le possesseur de ces champs Vient avecque son fils, comme il viendra, dit-elle, ΙΟ 15 20 25 5 Chacun de nous décampera." Sitôt que l'alouette eut quitté sa famille, Trouve en alarme sa couvée. L'un commence : Il a dit que l'aurore levée, L'on fit venir demain ses amis pour l'aider. Rien ne nous presse encor de changer de retraite ; Sa ronde ainsi qu'à l'ordinaire. Ces blés ne devraient pas, dit-il, être debout. Sur de tels paresseux, à servir ainsi lents. Mon fils, allez chez nos parents Les prier de la même chose. L'épouvante est au nid plus forte que jamais. Ne bougeons de notre demeure. L'alouette eut raison; car personne ne vint. Pour la troisième fois, le maître se souvint De visiter ses blés. Notre erreur est extrême, G 30 35 40 45 50 55 Dit-il, de nous attendre à d'autres gens que nous: Notre moisson quand nous pourrons. Dès lors que ce dessein fut su de l'alouette: C'est ce coup qu'il est bon de partir, mes enfants! Et les petits, en même temps, Voletants, se culebutants, Délogèrent tous sans trompette. 60 65 LXXI.-LES DEUX PIGEONS. Deux pigeons s'aimaient d'amour tendre: Un voyage en lointain pays. L'autre lui dit: Qu'allez-vous faire? L'absence est le plus grand des maux : 5 Non pas pour vous, cruel! Au moins que les travaux, Les dangers, les soins du voyage, Changent un peu votre courage. Encor, si la saison s'avançait davantage! Attendez les zéphyrs: qui vous presse? un corbeau Tout à l'heure annonçait malheur à quelque oiseau. Je ne songerai plus que rencontre funeste, ΙΟ Que faucons, que réseaux. Hélas! dirai-je, il pleut: 15 Bon souper, bon gîte, et le reste ?" De notre imprudent voyageur: Mais le désir de voir et l'humeur inquiète Je le désennuierai. Quiconque ne voit guère Je dirai: J'étais là; telle chose m'avint: Vous y croirez être vous-même." A ces mots, en pleurant, ils se dirent adieu. 20 25 30 35 Sèche du mieux qu'il peut son corps chargé de pluie ; Le lacs était usé; si bien que, de son aile, 40 |