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L'âne, c'est quelquefois une pauvre province:

Les voleurs sont tel et tel prince,

Comme le Transilvain, le Turc, et le Hongrois.

Au lieu de deux, j'en ai rencontré trois :

Il est assez de cette marchandise.

De nul d'eux n'est souvent la province conquise :
Un quart voleur survient, qui les accorde net
En se saisissant du baudet.

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-IX.-L'ANE VÊTU DE LA PEAU DU LION.

De la peau du lion l'âne s'étant vêtu,

Etait craint partout à la ronde;
Et bien qu'animal sans vertu,

Il faisait trembler tout le monde.

Un petit bout d'oreille échappé par malheur

Découvrit la fourbe et l'erreur:

Martin fit alors son office.

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LA GRENOUILLE QUI SE VEUT FAIRE, ETC.

Ceux qui ne savaient pas la ruse et la malice
S'étonnaient de voir que Martin

Chassât les lions au moulin.

Force gens font du bruit en France
Par qui cet apologue est rendu familier.
Un équipage cavalier

Fait les trois quarts de leur vaillance.

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ΙΟ

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-X.-LA GRENOUILLE QUI SE VEUT FAIRE AUSSI GROSSE QUE LE BUF.

Une grenouille vit un bœuf

Qui lui sembla de belle taille.

Elle, qui n'était pas grosse en tout comme un œuf,
Envieuse, s'étend, et s'enfle, et se travaille

Pour égaler l'animal en grosseur;

Disant: Regardez bien, ma sœur ;

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Est-ce assez? dites-moi; n'y suis-je point encore?

Nenni.-M'y voici donc ?-Point du tout.-M'y voilà ?
Vous n'en approchez point. La chétive pécore
S'enfla si bien qu'elle creva.

Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages :
Tout bourgeois veut bâtir comme les grands seigneurs ;
Tout petit prince a des ambassadeurs ;
Tout marquis veut avoir des pages.

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-XI.-LE GEAI PARÉ DES PLUMES DU PAON.

Un paon muait un geai prit son plumage;
Puis après se l'accommoda;

Puis parmi d'autres paons tout fier se panada,
Croyant être un beau personnage.

Quelqu'un le reconnut: il se vit bafoué,
Berné, sifflé, moqué, joué,

Et par messieurs les paons plumé d'étrange sorte;
Même vers ses pareils s'étant réfugié,

Il fut par eux mis à la porte.

Il est assez de geais à deux pieds comme lui,
Qui se parent souvent des dépouilles d'autrui,
Et que l'on nomme plagiaires.

Je m'en tais, et ne veux leur causer nul ennui :
Ce ne sont pas là mes affaires.

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ΤΟ

XII. LE CHEVAL ET L'ANE.

En ce monde il se faut l'un l'autre secourir :
Si ton voisin vient à mourir,

C'est sur toi que le fardeau tombe.

Un âne accompagnait un cheval peu courtois,
Celui-ci ne portant que son simple harnois,
Et le pauvre baudet si chargé qu'il succombe.
Il pria le cheval de l'aider quelque peu ;
Autrement il mourrait devant qu'être à la ville.
"La prière, dit-il, n'en est pas incivile :
Moitié de ce fardeau ne vous sera que jeu."

Le cheval refusa, fit une pétarade;

Tant qu'il vit sous le faix mourir son camarade,
Et reconnut qu'il avait tort.

Du baudet en cette aventure
On lui fit porter la voiture,
Et la peau par-dessus encor.

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-XIII.—LE LOUP ET LA CIGOGNE.

Les loups mangent gloutonnement.
Un loup donc étant de frairie
Se pressa, dit-on, tellement

Qu'il en pensa perdre la vie :

Un os lui demeura bien avant au gosier.

De bonheur pour ce loup, qui ne pouvait crier,

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Près de là passe une cigogne.

Il lui fait signe; elle accourt.

Voilà l'opératrice aussitôt en besogne.

Elle retira l'os; puis, pour un si bon tour,
Elle demanda son salaire.

"Votre salaire! dit le loup :

Vous riez, ma bonne commère !

Quoi ce n'est pas encor beaucoup D'avoir de mon gosier retiré votre cou! Allez, vous êtes une ingrate :

Ne tombez jamais sous ma patte."

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XIV. LE LABOUREUR ET SES ENFANTS.

Travaillez, prenez de la peine:

C'est le fonds qui manque le moins.

Un riche laboureur, sentant sa mort prochaine,
Fit venir ses enfants, leur parla sans témoins.
"Gardez-vous, leur dit-il, de vendre l'héritage
Que nous ont laissé nos parents:

Un trésor est caché dedans.

Je ne sais pas l'endroit; mais un peu de courage
Vous le fera trouver: vous en viendrez à bout.
Remuez votre champ dès qu'on aura fait l'août :
Creusez, fouillez, bêchez; ne laissez nulle place
Où la main ne passe et repasse."

La père mort, les fils vous retournent le champ,
Deçà, delà, partout; si bien qu'au bout de l'an

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ΙΟ

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