Au mot du guet que, de fortune, Deux sûretés valent mieux qu'une Et le trop en cela ne fut jamais perdu. XXXIX.-L'ANE ET LE PETIT CHIEN. Ne forçons point notre talent; Peu de gens, que le ciel chérit et gratifie, C'est un point qu'il leur faut laisser, Qui, pour se rendre plus aimable Et plus cher à son maître, alla le caresser. Puis aussitôt il est baisé : S'il en faut faire autant afin que l'on me flatte, Cela n'est pas bien malaisé." Dans cette admirable pensée, Voyant son maître en joie, il s'en vient lourdement, ΙΟ 15 5 20 Lève une corne tout usée, La lui porte au menton fort amoureusement, 25 XL.-LE SINGE ET LE CHAT. Bertrand avec Raton, l'un singe et l'autre chat, Commensaux d'un logis, avaient un commun maître. D'animaux malfaisants c'était un très-bon plat: Ils n'y craignaient tous deux aucun, quel qu'il pût être. L'on ne s'en prenait point aux gens du voisinage: Un jour, au coin du feu, nos deux maîtres fripons Regardaient rôtir des marrons. Les escroquer était une très-bonne affaire : Nos galants y voyaient double profit à faire; Tire-moi ces marrons. Si Dieu m'avait fait naître Certes, marrons verraient beau jeu." 5 ΙΟ 15 Aussitôt fait que dit: Raton, avec sa patte, D'une manière délicate, Écarte un peu la cendre, et retire les doigts; Puis les reporte à plusieurs fois, Tire un marron, puis deux, et puis trois en escroque ; Une servante vient: adieu mes gens. Raton Aussi ne le sont pas la plupart de ces princes XLI.-LE BERGER ET SON TROUPEAU. Quoi! toujours il me manquera Quelqu'un de ce peuple imbécile ! Toujours le loup m'en gobera! J'aurai beau les compter! ils étaient plus de mille, Robin mouton, qui par la ville Me suivait pour un peu de pain, Et qui m'aurait suivi jusques au bout du monde ! Il me sentait venir de cent pas à la ronde. Il harangua tout le troupeau, Les chefs, la multitude, et jusqu'au moindre agneau, 15 Les conjurant de tenir ferme : Cela seul suffirait pour écarter les loups. Foi de peuple d'honneur ils lui promirent tous "Nous voulons, dirent-ils, étouffer le glouton Un loup parut; tout le troupeau s'enfuit. Haranguez de méchants soldats; Ils promettront de faire rage: Mais, au moindre danger, adieu tout leur courage; 20 135 25 30 XLII.-LE RENARD ET LE BOUC. Capitaine renard allait de compagnie Avec son ami bouc des plus haut encornés : Là, chacun d'eux se désaltère. Après qu'abondamment tous deux en eurent pris, 5 Le renard dit au bouc: Que ferons-nous, compère ? Ce n'est pas tout de boire, il faut sortir d'ici. ; Lève tes pieds en haut, et tes cornes aussi Puis sur tes cornes m'élevant, Après quoi je t'en tirerai. Par ma barbe, dit l'autre, il est bon; et je loue Les gens bien sensés comme toi. Je n'aurais jamais, quant à moi, Trouvé ce secret, je l'avoue. Le renard sort du puits, laisse son compagnon, Et vous lui fait un beau sermon Pour l'exhorter à patience. Si le ciel t'eût, dit-il, donné par excellence Autant de jugement que de barbe au menton, ΙΟ 15 20 25 Descendu dans ce puits. Or, adieu; j'en suis hors: Tâche de t'en tirer, et fais tous tes efforts; Car, pour moi, j'ai certaine affaire Qui ne me permet pas d'arrêter en chemin. En toute chose il faut considérer la fin. 30 XLIII.-LE POT DE TERRE ET LE POT DE FER. Le pot de fer proposa Au pot de terre un voyage. |