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Arlequin n'eût exécuté

Tant de différents personnages.

Il élevait sa queue, il la faisait briller,
Et cent mille autres badinages,

Pendant quoi nul dindon n'eût osé sommeiller.
L'ennemi les lassait en leur tenant la vue

Sur même objet toujours tendue.

Les pauvres gens étant à la longue éblouis,
Toujours il en tombait quelqu'un : autant de pris,
Autant de mis à part: près de moitié succombe.
Le compagnon les porte en son garde-manger.

Le trop d'attention qu'on a pour le danger
Fait le plus souvent qu'on y tombe.

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XXXI.-LE LIÈVRE ET LA PERDRIX.

Il ne se faut jamais moquer des misérables,
Car qui peut s'assurer d'être toujours heureux?
Le sage Ésope dans ses fables

Nous en donne un exemple ou deux.
Celui qu'en ces vers je propose,

Et les siens, ce sont même chose.

Le lièvre et la perdrix, concitoyens d'un champ,
Vivaient dans un état, ce semble, assez tranquille,

Quand une meute s'approchant

Oblige le premier à chercher un asile :

Il s'enfuit dans son fort, met les chiens en défaut,
Sans même en excepter Brifaut.

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Enfin il se trahit lui-même

Par les esprits sortant de son corps échauffé.
Miraut, sur leur odeur ayant philosophé,

Conclut que c'est son lièvre, et d'une ardeur extrême

Il le pousse; et Rustaut, qui n'a jamais menti,

Dit que le lièvre est reparti.

Le pauvre malheureux vient mourir à son gîte.
La perdrix le raille et lui dit :

"Tu te vantais d'être si vite!

Qu'as-tu fait de tes pieds?" Au moment qu'elle rit,
Son tour vient; on la trouve. Elle croit que ses ailes
La sauront garantir à toute extrémité;

Mais la pauvrette avait compté
Sans l'autour aux serres cruelles.

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XXXII.-LE LION ET L'ANE CHASSANT.

Le roi des animaux se mit un jour en tête
De giboyer; il célébrait sa fête.

Le gibier du lion, ce ne sont pas moineaux,

Mais beaux et bons sangliers, daims et cerfs bons et beaux. Pour réussir dans cette affaire

Il se servit du ministère

De l'âne à la voix de Stentor.

L'âne à messer lion fit office de cor.

Le lion le posta, le couvrit de ramée,

Lui commanda de braire, assuré qu'à ce son
Les moins intimidés fuiraient de leur maison.
Leur troupe n'était pas encore accoutumée

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A la tempête de sa voix;

L'air en retentissait d'un bruit épouvantable :
La frayeur saisissait les hôtes de ces bois;
Tous fuyaient, tous tombaient au piège inévitable
Où les attendait le lion.

"N'ai-je pas bien servi dans cette occasion?

Dit l'âne en se donnant tout l'honneur de la chasse.
-Oui, reprit le lion, c'est bravement crié ;

Si je ne connaissais ta personne et ta race,
J'en serais moi-même effrayé."

L'âne, s'il eût osé, se fût mis en colère,
Encor qu'on le raillât avec juste raison;
Car qui pourrait souffrir un âne fanfaron?
Ce n'est pas là leur caractère.

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XXXIII.—LE PAON SE PLAIGNANT À JUNON.

Le paon se plaignait à Junon.
Déesse, disait-il, ce n'est pas sans raison
Que je me plains, que je murmure :
Le chant dont vous m'avez fait don
Déplaît à toute la nature;

Au lieu qu'un rossignol, chétive créature,
Forme des sons aussi doux qu'éclatants,
Est lui seul l'honneur du printemps.
Junon répondit en colère :

Oiseau jaloux, et qui devrais te taire,
Est-ce à toi d'envier la voix du rossignol,

Toi que l'on voit porter à l'entour de ton col

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LE RAT DE VILLE ET LE RAT DES CHAMPS.

Un arc-en-ciel nué de cent sortes de soies;

Qui te panades, qui déploies

Une si riche queue et qui semble à nos yeux
La boutique d'un lapidaire?

Est-il quelque oiseau sous les cieux
Plus que toi capable de plaire?

Tout animal n'a pas toutes propriétés.
Nous vous avons donné diverses qualités :
Les uns ont la grandeur et la force en partage;
Le faucon est léger, l'aigle plein de courage;

Le corbeau sert pour le présage ;

La corneille avertit des malheurs à venir;

Tous sont contents de leur ramage.

Cesse donc de te plaindre; ou bien pour te punir, Je t'ôterai ton plumage.

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XXXIV.-LE RAT DE VILLE ET LE RAT DES CHAMPS.

Autrefois le rat de ville
Invita le rat des champs,
D'une façon fort civile,
A des reliefs d'ortolans.

Sur un tapis de Turquie
Le couvert se trouva mis.
Je laisse à penser la vie
Que firent ces deux amis.

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"Mais rien ne vient m'interrompre ; 25

Je mange tout à loisir.

Adieu donc. Fi du plaisir

Que le crainte peut corrompre !"

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