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Après avoir fait quelques tours,

C'est, dit-elle, l'endroit: me voilà bien surprise;
J'ai passé par ici depuis cinq ou six jours.

Un rat, qui la voyait en peine,

Lui dit: Vous aviez lors la panse un peu moins pleine,
Vous êtes maigre entrée, il faut maigre sortir.

Ce que je vous dis là, l'on le dit à bien d'autres;
Mais ne confondons point, par trop approfondir,
Leurs affaires avec les vôtres.

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XXVI. LA CIGALE ET LA FOURMI.

La cigale, ayant chanté

Tout l'été,

Se trouva fort dépourvue
Quand la bise fut venue:

Pas un seul petit morceau

De mouche ou de vermisseau.

Elle alla crier famine

Chez la fourmi sa voisine,
La priant de lui prêter
Quelque grain pour subsister
Jusqu'à la saison nouvelle.
"Je vous paierai, lui dit-elle,
Avant l'août, foi d'animal,
Intérêt et principal."

La fourmi n'est pas prêteuse :
C'est là son moindre défaut.

"Que faisiez-vous au temps chaud?
Dit-elle à cette emprunteuse.

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-Nuit et jour à tout venant

Je chantais, ne vous déplaise.

-Vous chantiez! j'en suis fort aise.
Eh bien dansez maintenant."

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XXVII.-LE LION MALADE ET LE RENARD.

De par le roi des animaux,

Qui dans son antre était malade,
Fut fait savoir à ses vassaux

Que chaque espèce en ambassade
Envoyât gens le visiter;
Sous promesse de bien traiter
Les députés, eux et leur suite,
Foi de lion, très-bien écrite :
Bon passe-port contre la dent,
Contre la griffe tout autant.
L'édit du prince s'exécute :

De chaque espèce on lui députe.
Les renards gardant la maison,

Un d'eux en dit cette raison :

"Les pas empreints sur la poussière

Par ceux qui s'en vont faire au malade leur cour,

Tous, sans exception, regardent sa tanière,

Pas un ne marque de retour :
Cela nous met en méfiance.
Que sa majesté nous dispense:

Grand merci de son passe-port.

Je le crois bon: mais dans cet antre

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Je vois fort bien comme l'on entre,

Et ne vois pas comme on en sort."

XXVIII.-L'HUÎTRE ET LES PLAIDEURS.

Un jour deux pèlerins sur le sable rencontrent
Une huître, que le flot y venait d'apporter :

Ils l'avalent des yeux, du doigt ils se la montrent;
A l'égard de la dent, il fallut contester.

L'un se baissait déjà pour ramasser la proie;
L'autre le pousse, et dit: "Il est bon de savoir
Qui de nous en aura la joie.

Celui qui le premier a pu l'apercevoir

En sera le gobeur; l'autre le verra faire.

-Si par là l'on juge l'affaire,

Reprit son compagnon, j'ai l'œil bon, Dieu merci.
-Je ne l'ai pas mauvais aussi,

Dit l'autre ; et je l'ai vue avant vous, sur ma vie.
-Hé bien! vous l'avez vue; et moi je l'ai sentie."
Pendant tout ce bel incident,

Perrin Dandin arrive: ils le prennent pour juge.
Perrin fort gravement, ouvre l'huître, et la gruge,
Nos deux messieurs le regardant.

Ce repas fait, il dit, d'un ton de président :

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Tenez, la cour vous donne à chacun une écaille

Sans dépens; et qu'en paix chacun chez soi s'en aille." Mettez ce qu'il en coûte à plaider aujourd'hui ; Comptez ce qu'il en reste à beaucoup de familles : Vous verrez que Perrin tire l'argent à lui,

Et ne laisse aux plaideurs que le sac et les quilles.

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Petit poisson deviendra grand,
Pourvu que Dieu lui prête vie;
Mais le lâcher en attendant,

Je tiens pour moi que c'est folie;

Car de le rattraper il n'est pas trop certain.

Un carpeau, qui n'était encore que fretin,

Fut pris par un pêcheur au bord d'une rivière.
Tout fait nombre, dit l'homme en voyant son butin;
Voilà commencement de chère et de festin :

Mettons-le en notre gibecière.

Le pauvre carpillon lui dit en sa manière:
Que ferez-vous de moi? Je ne saurais fournir
Au plus qu'une demi-bouchée.

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LE RENARD ET LES POULETS D'INDE.

Laissez-moi carpe devenir;

Je serai par vous repêchée;

Quelque gros partisan m'achètera bien cher:

Au lieu qu'il vous en faut chercher
Peut-être encor cent de ma taille

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Pour faire un plat: quel plat! croyez-moi, rien qui vaille.
Rien qui vaille! eh bien, soit, repartit le pêcheur :
Poisson, mon bel ami, qui faites le prêcheur,
Vous irez dans la poêle; et, vous avez beau dire,
Dès ce soir on vous fera frire.

Un Tiens vaut, ce dit-on, mieux que deux Tu l'auras :
L'un est sûr; l'autre ne l'est pas.

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XXX.-LE RENARD ET LES POULETS D'INDE.

Contre les assauts d'un renard

Un arbre à des dindons servait de citadelle.

Le perfide ayant fait tout le tour du rempart,
Et vu chacun en sentinelle,

S'écria: "Quoi! ces gens se moqueront de moi!
Eux seuls seront exempts de la commune loi!
Non, par tous les dieux! non." Il accomplit son dire.
La lune, alors luisant, semblait, contre le sire,
Vouloir favoriser la dindonnière gent.
Lui, qui n'était novice au métier d'assiégeant,
Eut recours à son sac de ruses scélérates,
Feignit vouloir gravir, se guinda sur ses pattes,
Puis contrefit le mort, puis le ressuscité.

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