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moyens, par conséquent son effet (1): et, hors de soi, par conséquent son objet, son stimulus et son régulateur, dont, en la percevant, il s'associe l'action. »

« Nous allons essayer de rendre sensible à l'imagination ce que nous venons d'exposer aux yeux de l'esprit. Supposons une montre intelligente, renfermée dans la grande horloge de l'univers, en recevant son mouvement, inscrivant et lisant sur son cadran tous les phénomènes extérieurs qui s'y répètent en petit; ayant aussi un mouvement propre qui peut seconder ou contrarier l'action générale, sans pouvoir cependant s'en affranchir totalement. On voit, dans cette hypothèse, que le rapport en vertu duquel la montre perçoit en soi l'action universelle se compose de sa propre action, de sa propre perception, combinées avec l'action et l'intelligence universelles, le lien qui les unit est leur action commune et réciproque.

<«< Homme, créature finie, dépendante par son organisation et sa pensée de l'univers et des lois qui régissent l'univers, à l'action duquel elle s'associe par la perception et l'intelligence, et, par son libre arbitre, soumise aux lois du devoir, auxquelles elle peut obéir ou désobeir (2). »

(1) Voyez Théorie du Beau et du Sublime, page 266 et 2€7, et Principes de Littérature, etc., tome 4, pag. 202, Aphorisme 430.

(2) Problème de l'Esprit humain, page 36.

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Né à Berne, en 1745, mort en 1831.

Si, au lieu de borner à notre pays l'histoire de la philosophie contemporaine, nous l'avions suivie ailleurs, et particulièrement en Angleterre et en Allemagne, nul doute que notre Essai n'eût offert plus d'intérêt, et que la critique, élargie par un sujet plus varié, n'eût étendu ses vues et généralisé son examen; des comparaisons se seraient établies, des rapprochemens se seraient présentés, des jugemens auraient été portés sur la situation relative des doctrines de chaque peuple. Il eût été curieux de chercher si chacun d'eux avait eu les mêmes écoles, avait eu son sensualisme, sa théologie et son éclectisme dans le même rapport et avec le même caractère; on eût aimé à voir quelle influence diverse avaient pu tour à tour exercer et recevoir ces philosophes de lieux et de génie si différens : c'eût été le tableau de tout un mouvement d'idées, et il est aisé de sentir de quelle importance il eût été de le tracer complètement. Mais outre les difficultés de ce sujet pris en lui

même, il y avait d'autres obstacles, tels que l'ignorance des langues et des littératures; qui devaient nous empêcher d'entreprendre une telle tâche nous n'en avons pas eu la pensée. C'est donc à la France que nous nous sommes réduit; cependant comme quelques écrivains ont, en se servant de notre langue, pris en quelque sorte parmi nous des lettres de naturalisation, qu'ils se sont faits Français, qu'ils ont parlé pour les Français, nous ne pouvons guère nous dispenser de leur donner une place dans la galerie que nous avons entrepris de présenter au public: c'est ce que nous avons déjà fait pour M. le baron d'Eckstein, c'est ce que nous allons faire en ce moment pour MM. Bonstetten et Ancillon: ils appartiennent à l'éclectisme, et ils y ont leur rang et leur nuance; ils viennent naturellement, et après les philosophes qui précèdent, et avant ceux qui vont suivre. Ils ouvrent dans leur école la série de ceux chez lesquels la pensée de l'éclectisme commence à paraître plus développée et plus expresse. Parlons d'abord de M. Bonstetten.

Une remarque nous a frappé dans la lecture de ses ouvrages, c'est la position qu'il a su prendre entre deux philosophies qui semblaient l'une ou l'autre devoir le gagner et le captiver. En commerce avec toutes deux, exposé à leurs séductions, il a gardé sa liberté, et est demeuré indépendant : vivant au milieu de penseurs et d'amis qui tenaient pour Kant ou Condillac, il n'a lui-même été ni

kantiste ni condillacien. Né en Suisse, et dans le moment où devait s'y faire sentir le système de philosophie qui avait remué toute l'Allemagne, où la France y devait porter avec son goût et sa littérature ses opinions métaphysiques, placé comme sur un lieu neutre, où arrivaient toutes ces idées, il ne s'est exclusivement livré ni à cellesci, ni à celles-là ; il a tout regardé, tout jugé avec bienveillance et calme, et s'est ensuite retiré, sans préjugé, dans sa conscience, pour s'y former de son propre fonds une opinion qui fût à lui : il n'est comme aucun des maîtres dont il reçut les leçons ; il n'est pas même comme Bonnet, avec lequel il philosopha dans des rapports si doux, et qui excitèrent dans son ame tant d'admiration et tant d'amour. Il a sympathie pour tous, mais il n'a foi qu'à ce qu'il sent; s'il ressemble à quelqu'un, c'est plutôt à un Écossais, c'est à Stewart, dont il rappelle assez la manière et l'esprit; mais ce n'est pas comme disciple, c'est comme homme du même crû et de même nature philosophiques. On peut, au reste, expliquer cette liberté de pensée par les deux causes qui toujours concourent à donner à l'intelligence son caractère et sa direction, par les dispositions originelles et les circonstances dans lesquelles ces dispositions se sont développées. Or, ce qu'on voit dans M. Bonstetten, c'est d'une part, un goût naturel pour l'observation et la vie intime; c'est le besoin d'être à soi, de s'étudier et de se connaître; c'est un sens curieux et sérieux,

sincèrement dévoué à la recherche de la vérité; de l'autre, c'est l'impression qu'il reçoit du monde dans lequel il vit; c'est ce concours d'opinions qui se débattent sous ses yeux, et dont il suit le spectacle avec une attention impartiale et un examen instructif: il y a en effet de toute cela dans ses ouvrages de philosophie; tout s'y ressent et de son génie particulier, et des objets qui l'ont modifié.

Si l'on recherche avec soin la pensée qui domine dans ses diverses compositions, on reconnaît que c'est surtout celle de trouver aux sciences morales et métaphysiques un point de départ et un principe auxquelles elles se rattachent, et qu'il le trouve avec raison dans la science de l'ame ou dans la psychologie: il fait donc de la psychologie, et il en fait selon sa méthode. Observateur recueilli, sincère et spirituel, il laisse les livres dès qu'il philosophe, et les systèmes avec les livres ; il n'en garde que les questions, qu'il traite alors par lui-même, en la seule présence des faits, avec les seules lumières de sa conscience.

Spiritualiste par toutes les bonnes raisons qui, lorsqu'on suit l'expérience, mettent hors de doute la vérité d'une force simple et immatérielle, il s'applique à la connaître dans ses facultés et dans ses actes; il s'occupe particulièrement de l'intelligence, pas autant de la sensibilité, et peu ou point de la liberté, sur laquelle il avoue naïvement qu'il n'a point d'opinion faite. Ce serait sans

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